Planète de Solagro est un outil de calcul de la consommation d'énergie des exploitations agricoles. Il prend en compte les énergies directes (fioul, gasoil, essence, électricité, gaz, lubrifiants…) et les énergies indirectes utilisées pour la fabrication des engrais, des produits phytosanitaires, des matériels, etc.
Cette année, Thomas Gontier, de la chambre d'agriculture du Rhône, a réalisé un diagnostic Planète dans quatre exploitations viticoles en production raisonnée et dans un domaine en bio du Beaujolais. Tous vinifient leur récolte et vendent leurs vins.
Sans surprise, les énergies directes constituent l'essentiel de la consommation totale d'énergie des cinq exploitations : 78 %. Le fioul représente 26 % de la somme, les autres produits pétroliers 32 % (principalement l'essence) et l'électricité 20 %. Avec cela, les vignerons alimentent leurs tracteurs pour cultiver leurs vignes, chauffent ou refroidissent leurs vendanges, réalisent des déplacements commerciaux et chauffent les locaux pour l'accueil du public.
« En grandes cultures, les énergies indirectes liées à l'emploi des engrais et des phytos représentent les postes les plus importants, compare Thomas Gontier. En viticulture, c'est différent. Les viticulteurs qui s'investissent dans la vente de leurs vins sont pénalisés par leurs déplacements pour se rendre sur des salons ou pour livrer leurs clients. » Ces allées et venues augmentent leur consommation d'énergie directe.
Les caves enterrées font baisser la consommation d'électricité
S'agissant des énergies indirectes, les phytos constituent le principal poste avec 12 % de la consommation totale d'énergie. Le matériel (6 %) et les bâtiments (4 %) pèsent peu. « Le matériel est souvent âgé et de petite taille. Le parc est réduit. Même chose pour les bâtiments », précise Thomas Gontier. Il ajoute que les matières sèches (bouteilles, bouchons, étiquettes…) ne sont pas prises en compte, alors qu'elles représentent une part importante des énergies indirectes. Les diagnostics réalisés par l'Organisation professionnelle de l'agriculture biologique (Opaba) en Alsace dans vingt domaines en bio vont dans le même sens.
Tous les domaines étudiés vinifient leur récolte. Les énergies directes représentent 85 % de leur consommation : le fioul 21 %, les autres produits pétroliers 19 % et l'électricité 45 %. Les domaines ayant des caves enterrées consomment moins d'électricité que la moyenne. Ceux qui ne réalisent pas de travail du sol dépensent moins de fuel. Ceux qui font beaucoup de livraisons et de salons ou qui ont un parcellaire très morcelé utilisent davantage de carburants.
En Charente, la chambre d'agriculture a diagnostiqué des exploitations mixtes cultivant de la vigne et des céréales. Là, les postes les plus gourmands sont les tracteurs, la distillation et les fertilisants.
« La viticulture est moins sensible au coût de l'énergie que les autres filières agricoles »
Grâce à ces diagnostics, on peut calculer l'efficacité énergétique des exploitations, c'est-à-dire le rapport entre l'énergie consommée et celle produite. Dans le Beaujolais, elle est inférieure à un dans les cinq domaines, ce qui signifie qu'ils utilisent plus d'énergie qu'ils n'en produisent. Même chose en Alsace. « En viticulture, les rendements sont plafonnés, alors que dans les cultures on cherche à les maximiser. L'efficacité énergétique est aussi limitée par la vinification et la commercialisation qui entraînent des coûts énergétiques élevés », explique Thomas Gontier. Mais est-ce la vocation de la viticulture de produire de l'énergie ?
En contrepartie, « la viticulture est moins sensible au coût de l'énergie que les autres filières agricoles, souligne Jean-François Corbin, de la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire. Elle est moins vulnérable, à une augmentation du prix du fioul. Il lui faut 0,2 litre d'équivalent fioul pour un euro de chiffre d'affaires, alors qu'il en faut entre 0,3 et 0,7 litre pour les autres cultures. »
Planète étant moins bien adapté aux exploitations viticoles qu'aux exploitations agricoles, il devrait être rapidement remplacé par un autre diagnostic : Dia'Terre.
Une démarche encouragée par l'association Terra Vitis
Depuis deux ans, une dizaine de vignerons membres de l'association de production raisonnée Terra Vitis ont réalisé un diagnostic Planète. « La démarche pénalise les exploitants qui réalisent beaucoup de vente directe, car elle s'arrête au périmètre de l'exploitation et ne prend pas en compte les intermédiaires commerciaux, rapporte Jean-Henri Soumireu, l'animateur national de la fédération. Elle pénalise aussi les exploitants qui font de la vendange manuelle et qui hébergent leurs vendangeurs, car cela leur ajoute des consommations d'électricité et de chauffage. Les marges de progrès pour réduire la consommation des exploitations sont relativement réduites. Les tracteurs en viticulture sont plutôt légers. Ils consomment déjà peu. Et nous n'allons pas demander à nos adhérents de lever le pied sur leurs déplacements commerciaux. Une piste d'amélioration sérieuse reste le travail sur le poids des bouteilles. » En effet, la fabrication du verre allégé consomme moins d'énergie.
Le Point de vue de
Olivier Coquard, viticulteur à Pommiers (Rhône), 12 ha
« Nous avons peu de marges de manœuvre »
« Nous avons fait un diagnostic énergétique Planète cet hiver. Sur notre exploitation, le poste qui impacte le plus notre bilan énergétique est le fuel. Cependant, à la vigne, nous n'en utilisons pas tant que ça. Nous avons un enjambeur de 70 CV pour effectuer les traitements et deux autres de 40 et 55 CV pour les autres tâches. Pour réaliser davantage d'économie, le conseiller de la chambre d'agriculture m'a suggéré de les passer au banc. Mais les experts en machinisme m'ont dit qu'il n'était pas possible de faire fonctionner le banc sur une prise de force hydraulique. En fait, ce sont les macérations préfermentaires à chaud qui pèsent le plus. En quinze jours de vendanges, elles ne représentent pas loin de 40 % de nos utilisations annuelles de fuel. Or, remplacer notre chaudière à fuel par une chaudière à bois n'est pas possible, car nous l'utilisons en commun avec d'autres viticulteurs. Il faut donc pouvoir la déplacer.
Nous allons essayer de faire moins de macérations. Nous les réserverons aux beaujolais nouveaux où il faut plus de fruit. Nous retournerons à une vinification classique pour les autres cuvées. Au niveau de la commercialisation, le technicien nous a aussi conseillé de prendre des bouteilles plus légères. Ce qui est le cas pour les beaujolais nouveaux et le cœur de gamme. En revanche, pour les cuvées haut de gamme, ce n'est pas envisageable, car cela risque de nuire à notre image. Bref, nous avons peu de solutions pour améliorer notre bilan. »