1. Ecartez les vignes à problème
La macération préfermentaire à froid ou MPF valorise les vendanges dotées d'un beau potentiel. « Elle permet d'extraire puis de stabiliser la couleur du merlot, cépage peu tannique, explique Cécile Dulimbert, œnologue en Bordelais (société Vinanova). Et elle met en valeur les tanins les plus doux des cépages qui en sont riches comme le cabernet sauvignon. »
Bien avant la récolte, il faut maîtriser le rendement et régler la surface foliaire exposée pour obtenir des raisins en excellent état sanitaire et concentrés. Au moment des vendanges, « écartez les parcelles immatures ou vigoureuses, car leurs raisins n'ont pas assez de composés intéressants à extraire », ajoute Cécile Dulimbert.
2. Triez dès la parcelle
Ceux qui vendangent à la machine ont tout intérêt à utiliser un égrappoir embarqué. Ceux qui vendangent à la main doivent réaliser un tri négatif dès la parcelle, puis dans les bennes et à la réception de la vendange à la cave. Eliminez tous les raisins insuffisamment mûrs, abîmés ou atteints de pourriture grise qui risquent de communiquer au jus, puis au vin, de mauvais goûts. Ecartez les feuilles et autres débris végétaux qui pourraient diffuser des goûts herbacés.
3. Récoltez à maturité
Suivez l'évolution de la maturité phénolique, en particulier celle des cépages tardifs comme le cabernet-sauvignon. Pour cela, dégustez régulièrement les baies afin de percevoir la diminution de la verdeur et de l'astringence. La MPF extrait en douceur les tanins les plus mûrs. Encuvez donc une vendange riche en sucres et en polyphénols, sans viser des degrés excessifs.
4. Restez en dessous de 10°C
« Une vraie MPF consiste à maintenir la vendange entre 8 et 10°C maximum, pendant plusieurs jours », assure Cécile Dulimbert. Dans la pratique, on tolère souvent entre 10 et 15°C pour une macération appelée à durer trois à cinq jours.
Pour y parvenir, vendangez très tôt le matin, voire de nuit, quand les raisins sont encore frais. Vous économiserez des frigories.
Les premiers jus libérés doivent être froids afin de limiter l'oxydation, et donc préserver la couleur et les arômes variétaux.
Pour faire chuter la température des raisins rapidement, prévoyez un échangeur tubulaire, surtout dans la moitié sud de la France.
Ensuite, pour maintenir les cuves à basse température, mieux vaut disposer d'un groupe de froid industriel, permettant d'acheminer de l'eau glycolée à moins de 0°C dans les drapeaux et autres échangeurs.
Faites macérer la vendange de préférence dans des cuves équipées de ceintures extérieures. A défaut, utilisez des cuves classiques pourvues de grands drapeaux. Maintenez une température basse tout au long de la macération.
5. Utilisez les gaz inertes
Inertez les bennes, le circuit de transfert de la vendange et la cuve de macération. Cela permet de protéger les arômes variétaux et la couleur.
6. Sulfitez avec modération
Si l'inertage est bien pratiqué, un sulfitage à 5 g/hl suffit. Certains œnologues recommandent de sulfiter un peu plus que d'habitude, même si la vendange est saine et triée, pour éviter le développement de levures oxydatives ou de bactéries acétiques productrices d'acétate d'éthyle et d'acide acétique.
L'ICV n'est pas de cet avis : « Quand les bonnes pratiques de MPF sont appliquées, il y a des risques à utiliser plus de SO2. La levure sélectionnée produira plus d'acétaldéhyde et de composés soufrés désagréables. L'excès de SO2 risque aussi de retarder l'enclenchement de la malo. »
7. Maîtrisez la flore
« Beaucoup pratiquent ce que j'appelle une macération tiède : autour de 10 à 15°C, observe Nicolas Guichard, œnologue conseil au centre de Grézillac, en Gironde. Je leur conseille d'occuper la niche écologique en apportant une demi-dose de levures (10 g/hl) à la fin de l'encuvage. Cette précaution évite le développement de flore indésirable. On peut apporter la seconde demi-dose de levures au moment où on laisse remonter la température pour que la fermentation démarre. »
Aux Etats-Unis où la MPF est fréquente, l'université de Virginie conseille également de levurer à l'encuvage.
A l'inverse, pour Cécile Dulimbert, le levurage n'a pas lieu d'être systématique. « La macération a libéré dans le moût tous les nutriments nécessaires aux levures. La fermentation démarre en général très vite avec les levures indigènes et se déroule sans souci, à condition de suivre les règles d'hygiène de base et de maîtriser la température », observe-t-elle.
8. Intervenez le moins possible
Durant la macération, évitez les remontages inutiles, pour limiter l'oxydation, les contaminations microbiennes et l'extraction de tanins durs. Seuls les remontages d'homogénéisation du sulfitage, du levurage et de la température sont nécessaires. Ils peuvent être remplacés par une injection d'azote. Opérez ainsi une fois par jour, puis tous les deux jours lorsque la cuve devient plus liquide, donc plus homogène.
Vérifiez régulièrement que la température souhaitée est maintenue au cœur de la cuve, à l'aide d'un thermoplongeur. Contrôlez en différents points et à divers moments. N'utilisez pas la sonde de température de la cuve, elle ne mesure pas assez profondément.
Durant la macération, surveillez aussi chaque matin vos cuves, en ouvrant la trappe pour détecter si une pellicule blanchâtre (voile) se développe en surface. Dégustez les jus pour vérifier l'absence d'acescence.
9. Privilégiez une vinification douce
« L'objectif premier de la MPF est d'optimiser le potentiel aromatique des raisins, estime Régis Aliot, d'Inter-Rhône. Afin de conserver ces arômes on privilégiera une fermentation autour de 24°C, des opérations fermentaires douces et un décuvage précoce. Le tout avec une bonne protection vis-à-vis de l'oxygène. » Et afin d'éviter une extraction trop poussée des tanins, mieux vaut exclure la macération finale à chaud ou les délestages en fin de fermentation.
Le Point de vue de
Joël Elissalde, œnologue des vignobles Despagne, en Entre deux mers (Gironde)
« Du froid, des levures et du gaz carbonique »
« La première année où j'ai pratiqué la macération préfermentaire à froid, je n'ai pas réussi à refroidir le moût en dessous de 10°C. J'avais effectué des macérations en cuve et en barriques. Certaines barriques ont développé de l'acescence avant d'entrer en fermentation. Pour éviter cela, l'année suivante, j'ai placé les fûts pleins en chambre froide et j'ai fait passer la vendange destinée à macérer en cuve par un échangeur tubulaire, afin de faire chuter la température jusqu'à 7 ou 8°C. C'était indispensable pour obtenir beaucoup de couleur sans tanins durs et empêcher toute déviation microbienne. J'ai aussi pris deux précautions supplémentaires : j'ai levuré à 5 g/hl au moment du remplissage et j'ai inerté au gaz carbonique. J'utilise une bouteille de gaz ou bien le CO2 de cuves de blanc en fermentation. J'inerte au moment de l'entonnage, puis j'inerte à nouveau le ciel gazeux au-dessus de la vendange, un ou deux jours plus tard. La même méthode est utilisée pour les cuves. Et chaque matin, en même temps qu'il mesure la température, le caviste contrôle au moyen d'une sonde que le niveau d'oxygène est inférieur à 1 % juste au-dessus de la vendange. Depuis, chaque année, les 50 barriques et 1000 hl de Bordeaux et Premières-côtes-debordeaux macèrent ainsi à froid sans aucun souci. »