1. La PCR contrôle l'implantation des levures
La PCR (Polymérase Chain Réaction) consiste à multiplier l'ADN présent dans un échantillon avant de l'analyser. En œnologie, elle est utilisée pour identifier les espèces et les souches de levure. Quelques laboratoires s'en servent pour contrôler l'implantation des levains. « On prélève du moût entre 1040 et 1020 de densité. On compare l'ADN de l'échantillon à celui de la souche utilisée lors du levurage. Si les deux profils concordent, cela signifie que la levure sélectionnée réalise la fermentation. Dans le cas contraire, des levures indigènes ont pris le dessus », explique Laurent Massini, du laboratoire d'Inter-Rhône qui va proposer cette année l'analyse en routine.
La PCR permet donc de vérifier la réussite d'un levurage. « C'est important, car nous avons vu qu'environ 30 % des levurages ne fonctionnent pas. Les causes sont multiples : levurage tardif, mauvaise réhydratation… », rapporte Laurent Massini. Constatant un échec, les caves peuvent modifier leurs pratiques.
Autre intérêt : « Des firmes proposent des associations de levures. Avec la PCR, on vérifie que l'une commence la fermentation et que l'autre la termine », ajoute Joana Coulon, de Micro flora. Même intérêt lorsque l'on fait du levurage séquentiel avec deux souches différentes.
PRIX : 70 à 100 € HT l'analyse selon les laboratoires. Deux à sept jours pour avoir le résultat.
2. La cytométrie de flux prévoit les difficultés
Le principe de la cytométrie de flux consiste à faire défiler un échantillon devant un faisceau laser. Les levures renvoient de la lumière par fluorescence ce qui permet de les identifier et de les dénombrer. Cette technique est déjà utilisée pour détecter les Brettanomyces. Depuis l'an passé, le laboratoire Gresser, en Alsace, s'en sert pour suivre les fermentations.
« Vers 4 à 5° d'alcool acquis, si on trouve moins de 25 à 30 millions de levures vivantes par millilitre de moût, la fermentation risque de devenir languissante voire de s'arrêter. Il faut ajouter de l'azote et éventuellement de l'oxygène. En revanche, au-dessus de 50 millions de levures, il y a eu un excès de nutrition ou un problème lors du débourbage », expose Stéphane Gresser. Le contrôle peut également avoir lieu dans le dernier tiers de la fermentation. « A ce stade, en dessous de 18 à 20 millions de levures vivantes, il y a un problème. On peut ajouter un activateur pour booster les souches survivantes », conseille Stéphane Gresser.
La cytométrie de flux permet aussi de s'assurer de la vitalité d'un pied de cuve, de vérifier qu'il ne reste plus de levures vivantes après le mutage au SO2 d'un liquoreux ou de s'assurer qu'un moût n'est pas trop contaminé par des levures.
PRIX : 30 € HT un contrôle de mutage et 20 € HT pour les autres applications.
3. L'épifluorescence dresse un état de la flore
« Cette technique permet de détecter tous les micro-organismes vivant dans le vin. On distingue les levures et les bactéries. On fait la différence entre les bactéries lactiques et acétiques. On peut également détecter les Brett », explique Marie-Laure Murat, du laboratoire Sarco, en Gironde.
Les applications sont nombreuses. Lorsqu'on pratique la co-inoculation levures bactéries, « deux jours après l'ensemencement, on peut vérifier que cela fonctionne », soutient Marie-Laure Murat. Autre utilité : faire un état des lieux en cas de ralentissement ou d'arrêt de fermentation alcoolique (FA) ou malolactique. De même, on peut vérifier la flore entre la FA et la malo, une période où le vin n'est pas protégé en SO2. Si l'analyse montre que des bactéries lactiques indigènes se sont installées, on sait qu'un ensemencement est voué à l'échec.
PRIX : 25 à 40 € HT selon les laboratoires. Résultats dans la journée.
Le Point de vue de
Emilie Desmeure, EARL Desmeure, à Mercurol (Drôme)
« Nous allons levurer plus tôt nos macérations préfermentaires à froid »
« Sur les rouges, nous pratiquions la macération préfermentaire à froid à 9-10°C. Et nous levurions deux à trois jours après l'encuvage, car nous ne voulions pas que les cuves partent en fermentation tout de suite. Il y a deux ans, nous avons travaillé avec une firme œnologique qui a fait un contrôle d'implantation des levures sur deux cuves. Nous nous sommes aperçus que notre souche ne s'implantait pas. L'an passé, nous avons donc décidé de faire les macérations à 5-6°C et de levurer le lendemain de l'encuvage. Nous avons ensuite demandé à Inter-Rhône de faire un contrôle d'implantation. Finalement la souche avec laquelle nous avions ensemencé nos cuves a bien fait la fermentation.
Cette année, nous repartons donc sur ce protocole. Sur les blancs nous gardons au froid les premiers moûts après débourbage pendant deux ou trois jours. Puis, une fois que nous avons rentré tous les blancs, nous levurons toutes nos cuves pour qu'elles partent en même temps. L'an dernier, la cuve est partie tout de suite en fermentation. Elle a ensuite calé, puis est repartie. Un test d'implantation a démontré qu'une levure indigène avait pris le dessus. Ainsi, cette année, nous allons certainement levurer nos cuves plus tôt : le lendemain ou le surlendemain du débourbage. Ces tests nous ont donc permis d'ajuster nos pratiques de vinification. En revanche, le temps de réponse est un peu long, car nous avons eu les résultats une fois les vinifications terminées. »
Le Point de vue de
Philippe Cros, œnologue de l'union vinicole La Divinale, à Obernai (Alsace)
« Nous avons pu réagir très vite pour relancer des cuves languissantes »
« En 2009, nous avons eu des pinots noirs de 13,5 à 14°C. C'est beaucoup. En plus, lors de la fermentation alcoolique, nous sommes montés aux alentours de 35°C, car nous ne sommes pas équipés pour le contrôle des températures. Du coup, sur deux ou trois cuves, nous avons eu des fermentations languissantes.
Nous avons alors demandé au laboratoire Gresser d'analyser par cytométrie de flux un échantillon de ces cuves. Nous avons eu la réponse dans la journée : les populations levuriennes avaient chuté et elles étaient peu actives. Nous avons pu réagir tout de suite. Nous avons fait un pied de cuve pour relancer les fermentations. Nous avons demandé au laboratoire de le contrôler, toujours par cytométrie de flux. Là encore, nous avons eu une réponse quasi-instantanée : les levures étaient bien implantées. Nous étions rassurés et avons évité l'arrêt de fermentation. Pour certains crémants du millésime 2008, nous avions des pH assez bas en fin de fermentation alcoolique (inférieurs à 2,9). Les conditions de prise de mousse s'annonçaient difficiles. Nous avons donc demandé au laboratoire de vérifier nos levains, pour voir s'ils allaient résister à ces conditions. C'était le cas.
Cela nous a permis de valider notre process. »