Grande figure bourguignonne, le vicomte Alfred de Vergnette de Lamotte naît à Beaune (Côte-d'Or) le 5 juillet 1806. Polytechnicien, ingénieur des mines, il a dressé les plans et dirigé les travaux de la distribution d'eau à Beaune, Meursault et Pommard. Mais à partir de 1834, il se consacre à l'agronomie et à la gestion de ses divers domaines à la Motte-Gigny (17 ha de vigne), Pommard (36 ha de vigne), Savigny-lès-Beaune (29 ha de vigne), Meursault, Volnay et Beaune avec le célèbre clos des mouches et de nombreux premiers crus. Après l'eau, le vin !
« Loin de se complaire dans les loisirs d'une grande fortune, il contribue à l'amélioration du sort de ses concitoyens, de la richesse nationale, du progrès des sciences modernes », peut-on lire dans sa nécrologie.
Un auteur à succès
« Infatigable démonstrateur et propagateur », il rédige de nombreuses publications sur les terroirs, les fermentations, la fiscalité du divin nectar, etc. « Le Vin », le plus célèbre de ses ouvrages, récapitule ses préconisations. Il paraît en 1866. Il connaît un tel succès qu'il est réédité dès l'année suivante.
Vergnette de Lamotte a été un pionnier des recherches sur la conservation et l'amélioration du vin par la congélation, le passage au froid et le chauffage.
Sur ce dernier sujet, il part des préconisations de Nicolas Appert (inventeur de l'appertisation et des boîtes de conserve) et de Jean-Antoine Gervais (constructeur d'un appareil de vinification). Il découvre le rôle de la chaleur sur les fermentations et les bienfaits du chauffage des vins dans un bain-marie entre 50 et 70°C sur leur conservation.
Une vive polémique l'oppose à Louis Pasteur
En 1850, le vicomte publie un mémoire détaillé sur le sujet. Louis Pasteur en personne lui rendra visite pour prendre connaissance de ses travaux. Mais lorsqu'en 1865, le célèbre savant publie ses premiers résultats sur le même thème et en revendique l'exclusive paternité sans même le mentionner, une vive polémique s'instaure entre les deux hommes.
Autre succès de Vergnette de Lamotte : il a démontré l'intérêt de congeler les vins afin de « sauver le produit les années médiocres ». Il est en cela l'inventeur de la cryoconcentration. « Les vins que l'on soumet à l'action d'un froid vif et que l'on sépare ensuite avec soin par décantation des portions de liquide congelé, acquièrent des propriétés nouvelles », écrit-il. Le vin s'en trouve plus riche en alcool, plus concentré, plus vif, moins susceptible d'entrer en fermentation. Son but ? Que les vignerons puissent « livrer au commerce un vin recherché » en augmentant ses qualités et son potentiel de conservation de manière rentable. Le vin cryo-concentré n'a, en outre, pas besoin d'être collé.
Ce procédé n'est « ni destiné aux vins communs (…), ni aux grands crus (…), mais à la classe de vins difficiles à écouler, (…) souvent chaptalisés (…), à savoir les premiers crus (…) récoltés dans les années peu favorables à la végétation de la vigne. La concentration par la gelée réussit aux vins vieux comme aux vins nouveaux, aux vins blancs comme aux vins rouges », continue-t-il. A condition qu'ils ne présentent pas de gros défauts au départ. Il préconise de substituer cette technique au sucrage « qui donne si souvent des produits d'une santé douteuse ». Il découvre même le moyen de repérer les vins chaptalisés : les cristaux générés par le froid de ces vins sont en effet immanquablement « plus confus et moins réguliers ».
Deux ou trois nuits à - 15°C
Le savant a mené ses expérimentations en plein air, lors d'hivers rigoureux. Ses comptes rendus sont extrêmement précis. « Il faut opérer par beau temps », « la terre couverte de neige », « le baromètre à 0,745 cent d'élévation doit monter lentement », « deux ou trois nuits à -15°C ou le double à -9° sont nécessaires », etc. Par la suite, il construira ses appareils congélateurs, le froid étant fourni par de la neige mélangée à du sel.
Au cours de sa vie, Alfred de Vergnette de Lamotte cumulera les titres et les fonctions : chevalier de la Légion d'honneur, maire de Beaune, membre de plusieurs sociétés savantes, correspondant de l'Institut de France, président du comité de viticulture de Beaune ou encore promoteur de l'Ecole de viticulture. L'illustre homme meurt en 1886, à l'âge de 80 ans.