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VIGNE - TECHNIQUE À L'ÉPREUVE

Le buttage des vignes « C'est une bonne alternative aux herbicides »

Marine Balue - La vigne - n°224 - octobre 2010 - page 38

Jean-Bernard Staehlé refuse les désherbants. Pour garder ses rangs propres, il les butte un an sur deux. L'opération ne soulève aucune difficulté contrairement au débuttage, bien plus long et délicat.
VOIE VARIABLE. Comme ses vignes sont plantés à différents écartements entre 1,25 et 1,80 m, Jean-Bernard Staehlé utilise un cadre à voie variable par hydraulique.

VOIE VARIABLE. Comme ses vignes sont plantés à différents écartements entre 1,25 et 1,80 m, Jean-Bernard Staehlé utilise un cadre à voie variable par hydraulique.

DANS CETTE PARCELLE très enherbée, le buttage ne sera pas une mince affaire.

DANS CETTE PARCELLE très enherbée, le buttage ne sera pas une mince affaire.

APRÈS BUTTAGE, une langue de terre recouvre les mauvaises herbes tout le long du rang. Jean-Bernard Staehlé ne passe qu'un rang sur deux. Les rangs ne sont buttés que d'un côté.

APRÈS BUTTAGE, une langue de terre recouvre les mauvaises herbes tout le long du rang. Jean-Bernard Staehlé ne passe qu'un rang sur deux. Les rangs ne sont buttés que d'un côté.

LORS DU BUTTAGE, la vitesse d'avancement est assez élevée. Il n'y a pas besoin de tâteur pour repérer les ceps, car le soc se tient assez éloigné du rang.

LORS DU BUTTAGE, la vitesse d'avancement est assez élevée. Il n'y a pas besoin de tâteur pour repérer les ceps, car le soc se tient assez éloigné du rang.

LA DÉCAVAILLONNEUSE est dotée d'un système d'effacement mécanique à ressort. Cet outil manque de sensibilité pour repérer les ceps. Cela oblige Jean-Bernard Staehlé à avancer doucement lors du décavaillonnage.

LA DÉCAVAILLONNEUSE est dotée d'un système d'effacement mécanique à ressort. Cet outil manque de sensibilité pour repérer les ceps. Cela oblige Jean-Bernard Staehlé à avancer doucement lors du décavaillonnage.

Il y a dix ans, Jean-Bernard Staehlé est venu travailler avec son père sur l'exploitation familiale, le domaine Bernard Staehlé, à Wintzenheim (Haut-Rhin). Il a tout de suite voulu tester le buttage des vignes, pratique ancienne également connue sous le nom de chaussage ou de cavaillonnage.

« J'ai une démarche plus ‘‘bio” que mon père, qui a toujours travaillé en conventionnel, explique Jean-Bernard Staehlé. Or, je trouve que le plus difficile, si l'on veut se passer de désherbant chimique, est l'entretien du sol sous le rang. » Alors, autant commencer par là.

Jean-Bernard Staehlé a conservé le cultivateur à dents de son grand-père. Il a fait adapter l'attelage de cet outil à son nouveau tracteur. Pour le buttage, il l'a équipé, chez Boisselet, d'une potence et d'un soc verseur de chaque côté. Le viticulteur estime que ce cadre complet coûterait environ 1 500 euros d'occasion. « J'ai fait un devis chez Boisselet pour de l'hydraulique : cela reviendrait à 12 000 euros. C'est bien plus cher, mais cela faciliterait le décavaillonnage. »

Un travail superficiel

Deux roues à l'avant permettent de régler la profondeur d'enfoncement des socs, en fonction de la parcelle, de la nature du sol et de son niveau de compactage. Un disque vertical au milieu assure à l'outil une trajectoire bien rectiligne. Les socs passent à une dizaine de centimètres des pieds. Ils ouvrent la terre et la rabattent pour former une petite butte tout au long du rang. Jean-Bernard Staehlé ne passe qu'un rang sur deux.

L'intérêt principal de cette « façon » est le désherbage. Toutefois, Jean-Bernard Staehlé trouve que cela aère et favorise aussi la vie du sol, car « en hiver, les eaux de pluie s'infiltrent bien dans les microfissures formées. Mais pour cela, il faut que le travail reste assez superficiel, sur 5 à 10 cm de profondeur », suggère-t-il. Enfin, la terre qui couvre la base des ceps peut constituer une protection contre le gel.

Jean-Bernard Staehlé butte ses vignes une année sur deux, après les vendanges, car il est alors disponible. « Il faut que la météo le permette, ajoute-t-il. Le sol doit être un peu meuble pour passer correctement l'outil. » Il préfère commencer par les parcelles en plaine, plus faciles d'accès, et finir par les coteaux. Il ne peut pas butter les vignes les plus pentues, parce qu'il ne peut pas y accéder. Pour lui, les sols les plus difficiles à entretenir sont les sols argileux, car ils sont lourds et abritent souvent beaucoup de mauvaises herbes.

Les années où il ne pratique pas le buttage, l'entretien du rang lui demande beaucoup de travail, dont de nombreux passages à la débroussailleuse. En plus de butter ses vignes à l'automne, il laboure un rang sur deux, au printemps. Lors de ce passage, il en profite pour rabattre, à nouveau, un peu de terre sous le rang.

Jusqu'à 10 pieds/ha arrachés au décavaillonnage

Jean-Bernard Staehlé tire son outil avec son tracteur de 56 CV. « Sur les parcelles en plaine, 30 CV suffiraient, précise-t-il. Mais sur les vignes en coteaux, c'est indispensable d'avoir plus de puissance. »

Dans les meilleures conditions, il avance entre 3,5 et 5 km/h lors du buttage. « Rouler un peu plus vite permet d'avoir une bonne inertie et de mieux remuer la terre. Mais il faut rester prudent pour ne pas abîmer les pieds. » Les nombreuses parcelles en pente et le morcellement important de l'exploitation rallongent un peu le temps du buttage. « Après les vendanges, il me faut environ deux jours pour butter mes vignes. »

En fait, pour le vigneron, c'est le décavaillonnage qui est long et pénible. « Surtout si on a rabattu beaucoup de terre sur les pieds. » Là, il n'avance qu'à 2 ou 3 km/h. Pour dégager la terre, il est obligé de passer au plus près des ceps, alors qu'au buttage il s'en tient éloigné. Il peut alors arracher « jusqu'à 10 pieds à l'hectare ». Des dégâts qu'il attribue surtout au fait que son intercep est mécanique et non hydraulique, et que ses rangs sont plutôt étroits, entre 1,25 et 1,80 m.

« Je préférerais un outil qui fasse des mottes moins grosses au buttage, projette Jean-Bernard Staehlé. Cela faciliterait le décavaillonage et travaillerait le sol plus en surface. Je voudrais m'équiper de disques dentelés courbés qui rabattent moins de terre que les socs. »

Le Point de vue de

Christophe Gaviglio, responsable d'expérimentations machinisme, IFV Sud-Ouest

« Intéressant sur vignes étroites »

Christophe Gaviglio, responsable d'expérimentations machinisme, IFV Sud-Ouest

Christophe Gaviglio, responsable d'expérimentations machinisme, IFV Sud-Ouest

« Le chaussage est une façon traditionnelle d'entretenir le sol sous le rang sans herbicide. La butte de terre formée peut éventuellement protéger le point de greffe du gel. Au déchaussage, on ramène la terre vers le rang. Les mauvaises herbes sont mises au contact de l'air, donc détruites. Pour chausser les vignes, on utilise des disques ou des socs. Un matériel intercep n'est pas indispensable et cette étape ne prend pas forcément beaucoup de temps. Le déchaussage puis l'entretien estival sont plus longs. Ils impliquent des passages répétés et un matériel intercep. Sur sol léger, un système d'effacement mécanique peut suffire. Mais sur des sols lourds, il vaut mieux opter pour de l'hydraulique ou du pneumatique. Le chaussage est intéressant dans les vignobles étroits et à haute valeur ajoutée. Ils peuvent absorber le surcoût du travail du sol par rapport au désherbage chimique (temps, énergie). Ainsi, c'est plus facile de chausser et déchausser avec un enjambeur qu'avec un tracteur, car dans ce cas, les outils sont déportés. On aura également du mal à chausser sans interférer avec l'interrang s'il est enherbé : ce sera plus simple si l'on travaille aussi le rang. »

Cet article fait partie du dossier

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LE TÉMOIN

Jean-Bernard Staehlé

30 ans.

Titulaire d'un bac pro Viticulture œnologie obtenu en 2000.

Commence à travailler sur le domaine avec son père, la même année.

Installation prévue en tant qu'exploitant courant 2011.

8 hectares en AOC Alsace.

2 salariés.

Production annuelle : 45 000 bouteilles environ.

Commercialisation : vente aux particuliers essentiellement.

LE BILAN

Avantages

Désherbage non chimique.

Aération et vie du sol (si le travail n'est pas trop profond ).

Protection contre le gel.

Inconvénients

Plus long que le désherbage chimique.

Phase de décavaillonage difficile qui cause des dégâts sur les pieds (avec du matériel mécanique).

L'essentiel de l'offre

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