Le gazole non routier

Qu'est-ce que c'est ?

Comme son nom l'indique, le gazole non routier ou GNR est un carburant destiné à tous les véhicules diesel sauf les camions : aux tracteurs agricoles et viticoles, mais aussi aux engins de travaux publics et forestiers, et aux bateaux. Il est issu du gazole routier et répond à la norme EN 590. C'est un carburant ayant un très faible taux de soufre, donc propre.

Quand faudra-t-il l'utiliser ?

En principe, à partir du 1er janvier 2011. Mais l'Europe (directive 2009/30/CE) autorise les états membres à prendre un délai d'un an pour « liquider » les stocks. En France, un arrêté devrait confirmer l'activation de cette clause. Si ce texte paraît, ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2012 que tous les viticulteurs seront obligés de rouler au GNR.

« Attention ! prévient Philippe Van Kempen, du Bureau commun du machinisme agricole (BCMA). Pour les tracteurs et les automoteurs neufs, il ne faudra pas tenir compte de cette période de transition, car en cas de panne, l'utilisation d'un carburant non conforme aux exigences du constructeur pourra entraîner des frais élevés qui ne seront pas pris en charge par la garantie. » Les viticulteurs équipés d'engins récents qui nécessitent l'utilisation d'un carburant EN 590 devront passer dès début 2011 au GNR. Ils doivent d'ores et déjà utiliser du fioul de qualité supérieure, dont les caractéristiques s'approchent des spécifications de la norme EN 590. Les autres bénéficieront d'un an pour effectuer ce changement.

Pourquoi nous l'impose-t-on ?

Afin de respecter les normes antipollution européennes. Dans ce but, les motoristes doivent diminuer les émissions polluantes de leurs moteurs. Cela va de pair avec l'utilisation d'un carburant exempt d'eau, renfermant peu de soufre et pourvu d'un indice de cétane élevé, c'est-à-dire d'un bref délai d'auto-inflammation du gasoil dans le moteur. En clair, d'un gazole répondant à la norme EN 590. Ce n'est pas le cas du fioul domestique (FOD). Et le fioul de qualité supérieure (FQS) s'en approche seulement. D'où l'apparition dès début 2011 d'un nouveau carburant, le gazole non routier.

Quelle est sa composition ?

Le GNR a un indice de cétane de 51, contre environ 40 pour le fioul domestique et 49 pour le fioul de qualité supérieure. Sa teneur en soufre est de 10 mg/kg au maximum en sortie de raffinerie, contre 1 000 mg/kg pour le FOD et le FQS ! Dans le GNR, on ajoute des esters méthyliques d'acides gras pour remplacer l'effet lubrifiant du soufre. Comme le fioul domestique, le GNR sera coloré en rouge pour son utilisation agricole.

Coûtera-t-il plus cher ?

Pour l'instant, difficile de connaître le prix du GNR. Les pétroliers se contentent de dire qu'il ne devrait pas y avoir de grande différence avec celui du FQS, plus cher que le FOD. Dans une note sur le sujet, le BCMA indique que le gazole non routier bénéficiera du taux réduit de la taxe intérieure de consommation, au même titre que le fioul domestique.

Quels changements son utilisation entraînera-t-elle ?

Tout d'abord, les exploitants se chauffant au FOD devront prévoir une seconde cuve de stockage, pour accueillir le GNR.

Par ailleurs, il y aura deux types de gazole non routier : un d'été avec tenue au froid à 0°C et un d'hiver qui pourra descendre jusqu'à - 15°C. Pour mémoire, le FOD a une tenue au froid de - 4°C et le fioul de qualité supérieure de - 15°C. Il faudra donc prévoir deux livraisons dans l'année. Et ce d'autant plus que ce carburant « a un pouvoir de stabilité de vingt-huit à trente jours », insiste Gilles Gasnier, de chez John Deere. Après, il commence à se charger en eau et en dépôts. Dans l'idéal, il faudrait donc refaire le plein tous les mois. Mais un renouvellement du stock bisannuel ou au moins annuel semble plus réaliste. Et il faudra y veiller, car « l'un des trois critères analysé par les motoristes en cas de problème d'injection et de demande de prise sous garantie est la dégradation chimique du carburant, explique Patrick Caillon, de chez Secodi, distributeur de Perkins. Or, cette dégradation se produit lors d'un stockage trop long… »

Par ailleurs, au niveau de l'entretien, on risque d'avoir à changer les filtres à gazole plus souvent si les conditions de stockage ne sont pas parfaites.

Et pour les moteurs ?

Ce nouveau carburant permet un bon fonctionnement des systèmes antipollution des moteurs récents, tels que le filtre à particules chez John Deere ou encore des nouvelles pompes mécaniques à injection chez Perkins. En revanche, les choses sont plus compliquées pour les vieux tracteurs ayant un moteur adapté au FOD. Eux aussi devront être alimentés en GNR. Or, pour Philippe Van Kempen, ce carburant faiblement soufré risque d'user leurs systèmes d'injection.

Quelles précautions prendre lors du changement

Les esthers méthyliques contenus dans le GNR ont des propriétés détergentes. Ils risquent de mettre en suspension les dépôts du fond et des parois de la cuve, ce qui pourrait colmater les moteurs. Par ailleurs, ces molécules captent l'eau. Les exploitants risquent donc de se retrouver avec beaucoup plus d'eau dans les cuves qu'auparavant. Or, il faut savoir que la teneur en eau et la quantité de grosses particules du carburant sont les deux autres critères mesurés par les constructeurs lors des pannes et entraînant le refus de garantie…

Pour éviter ces soucis, quelques précautions s'imposent avant de recevoir la première livraison de GNR.

Pour les viticulteurs ne souhaitant pas changer de cuve, vidange et nettoyage à fond s'imposent. Il faut chasser l'eau et toutes les impuretés de l'intérieur (parois et fond) et laver l'extérieur afin d'ôter l'accumulation de sédiments autour de l'orifice de remplissage. Ce nettoyage sera à renouveler tous les cinq ans.

L'exploitant peut aussi changer de cuve. Le must est d'en choisir une en plastique que l'on placera dans un lieu sombre et à température stable (sous terre ou dans un bâtiment isolé). « Le plastique limite la condensation et donc la présence d'eau dans le carburant. Il ne libère pas de particules de rouille », argumente Patrick Caillon. En revanche, si la cuve reste à l'extérieur, il vaudra mieux opter pour du métal, matériau résistant aux UV.

Dans tous les cas, il est recommandé d'installer un filtre à carburant en sortie de cuve, ainsi qu'un filtre dessicateur ou un décanteur au niveau de l'évent.

Que risquent ceux qui n'utiliseront pas le gazole non routier ?

Le premier problème auquel le viticulteur risque d'être confronté est l'usure prématurée du moteur. En cas de panne et de non-utilisation de GNR, le motoriste refusera de faire marcher la garantie.

D'un point de vue légal, il y a peu de chances qu'un viticulteur employant du FOD à la place du GNR dans ses tracteurs soit contrôlé et redressé car, actuellement, il n'y a pas de contrôleurs dans ce domaine et les couleurs seront similaires…