Ne négligez pas la vente en vrac. Telle est la conclusion d'une étude menée en 2009 par l'Enita de Bordeaux, selon laquelle certains domaines ont vendu leur bordeaux supérieur 84 €/hl quand les plus habiles ont réussi à obtenir 156 €/hl. Dans le meilleur des cas, la vente en vrac s'avère même plus rentable que la bouteille…
Tous les experts interrogés sur le sujet sont unanimes : pour espérer une meilleure valorisation mieux vaut avoir un produit de qualité et, si possible, des volumes conséquents pour peser dans les négociations. Ensuite, il faut encore s'investir commercialement…
1. Tenez-vous prêt tôt dans la campagne
Ces dernières années, les négociants ont eu tendance à se couvrir sur les belles qualités dès les vins terminés afin de sécuriser leurs approvisionnements pour leurs marques. « C'est donc en début de campagne que les producteurs ont eu le plus de chance de bien valoriser leurs lots », constate Olivier Antoine.
2. Distinguez-vous de la masse
Sortir du lot : tel est l'objectif. Pour certains, cela passe par un label… Nos experts citent : l'agriculture bio, Terra vitis, la charte Protect planet, les bilans carbone… La médaille est aussi un élément de distinction. Autant tenter sa chance dans les concours !
Autre possibilité : vendre avec un nom de château. « Soit on dispose d'au moins deux noms de château. Dans ce cas, on en réserve un pour la vente au négoce et on utilise l'autre pour sa vente en bouteille à la cave, précise Fabrice Chaudier. Si on a qu'un seul nom et que l'on pratique la vente directe, il est essentiel de savoir où le vin vendu au négociant va déboucher. Sinon, on risque de retrouver un même vin dans deux enseignes voisines à deux tarifs différents, ce qui est peu apprécié de l'acheteur qui a payé le prix fort… »
3. Soyez partenaire de votre acheteur
Travailler en partenariat, c'est essayer de comprendre ce que veut l'autre… Cela peut se traduire, concrètement, par une sélection de parcelles. Dans cette hypothèse, le producteur engage des parcelles dans un suivi technique, défini par le négociant. Chaque partie y trouve son intérêt. L'acheteur s'assure une qualité à l'amont et il a ainsi toutes les chances d'obtenir le profil de vin qu'il souhaite. Pour le viticulteur, « c'est en principe une valorisation entre 15 et 20 % au-dessus de la moyenne », selon Olivier Antoine. Attention, les volumes ne sont pas toujours prédéfinis.
Plus largement, travailler en partenariat, c'est aussi chercher à établir une relation de confiance et d'écoute mutuelle. « On s'interdit les échantillons “bête de concours” qui ne reflètent pas la réalité qualitative du lot que l'on vend », illustre Fabrice Chaudier. « On discute avec son interlocuteur et on goûte avec lui pour comprendre ce qu'il cherche », complète Alfredo Coelho.
4. Osez la prospection en dehors de la région
« Si on maîtrise bien l'anglais, on peut répondre à des appels d'offres à l'étranger. La grande distribution britannique et les monopoles des pays nordiques sont assez friands de ce mode d'approvisionnement », lance Olivier Antoine. Pour vous informer de ces appels d'offre, prospectez des sites professionnels comme Global Wines and Spirits.
Plus modestement, « on peut travailler avec des négociants hors place », déclare Fabrice Chaudier. Ainsi, un négociant alsacien qui fait 90 % de vins d'Alsace peut très bien être intéressé par un Bordeaux…
5. Impliquez votre courtier et questionnez-le
« Pourquoi ne pas motiver votre courtier en lui proposant de le rémunérer, au moins en partie ? », note Fabrice Chaudier. Même si dans certaines régions, il est de tradition que le négociant règle la commission du courtier, rien n'empêche d'inverser la relation. « Il faut impliquer votre interlocuteur », poursuit l'expert. Posez-lui des questions : quelle sera la destination du vin ? Pour quel segment de marché (haut, milieu ou entrée de gamme) ?
C'est important de se montrer curieux. Si vous apprenez que votre vin est destiné à une marque, vous pourrez mieux le valoriser que si c'est pour le hard discount.
6. Montrez-vous pro jusqu'au chargement
« Ce n'est pas parce que le contrat est signé qu'il faut se désintéresser du vin. Il faut vérifier les conditions d'expéditions : la citerne de chargement doit être vide et bien nettoyée. Vérifiez aussi les pompes et les tuyaux pour éviter des problèmes de contamination ou de fuite », explique Alfredo Coelho. « Dîtes-vous qu'un acheteur satisfait du produit final a plus de chance de revenir vers vous… »
7. Faites un tour au salon World Bulk Wine
Les vracqueurs ont leur salon depuis l'an passé : le World Bulk Wine, à Amsterdam. Pour les spécialistes, ce lieu de rencontre est devenu incontournable. La prochaine édition se tiendra les 9 et 10 novembre. Pour plus d'information : www.worldbulkwine.com/fr
Le Point de vue de
Jean-Philippe Alquier, commercial spécialisé sur le vrac à Foncalieu - vignobles (Aude)
« Il faut comprendre ce que le client veut et ne pas hésiter à prospecter à l'étranger »
« Bien négocier les contrats de vrac s'avère de plus en plus difficile. Vu la concentration du marché, certains acheteurs sont incontournables. Comme ils ont besoin de sécuriser leurs approvisionnements, mieux vaut avoir de gros volumes pour peser dans la négociation. Il faut se montrer professionnel d'un bout à l'autre de la transaction. Au stade de la définition des produits, il faut bien comprendre que chaque client veut un profil de produit et que c'est à la production de s'adapter. Par exemple, pour un vin rosé, la couleur sera plutôt pâle pour un négociant français et plus soutenue pour un acheteur d'Europe du Nord. Il faut être rigoureux et réactif : répondre aux mails rapidement, bien préparer les échantillons… Mieux vaut être bien équipé en cave pour répondre à des demandes pointues. Même remarque à propos de la traçabilité. L'implication doit aller jusqu'au contrôle du chargement des citernes. Pour la prospection, il ne faut pas hésiter à démarcher l'étranger.
Nous avons des contrats en Belgique, en Italie, en Allemagne, mais aussi sur le grand export (Chine, Canada…). Le salon Word Bulk Wine d'Amsterdam est un rendez-vous incontournable. L'an passé, nous y avons rencontré de nouveaux clients des Pays-Bas et pris des contacts sur l'Italie… Pour ce faire, il est essentiel de bien parler l'anglais, voire une ou deux autres langues. »