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DOSSIER - TAILLE : Ils ont rogné leurs coûts

A Bordeaux Deux viticulteurs innovants

La vigne - n°226 - décembre 2010 - page 28

Jean-Luc Audubert, viticulteur à Naujan-et-Postiac taille en deux passages. A Lugon, Renaud Ladépèche développe le « cordon alternatif ». Deux systèmes qui allègent la réflexion des tailleurs.
Jean-Luc Audubert, viticulteur à Naujan-et-Postiac (Gironde) « J'arrive à tailler un hectare en 12 heures. »

Jean-Luc Audubert, viticulteur à Naujan-et-Postiac (Gironde) « J'arrive à tailler un hectare en 12 heures. »

Renaud Ladépèche, viticulteur à Lugon-et-l'Ile-du-Carnay (Gironde)

Renaud Ladépèche, viticulteur à Lugon-et-l'Ile-du-Carnay (Gironde)

Cep taillé à la bordelaise. Renaud Ladépèche alterne sur une même parcelle, une année ce mode de taille et la suivante la taille en cordon. © PH. ROY

Cep taillé à la bordelaise. Renaud Ladépèche alterne sur une même parcelle, une année ce mode de taille et la suivante la taille en cordon. © PH. ROY

Jean-Luc Audubert exploite 40 ha de vignes à Naujanet- Postiac (Gironde) à des densités comprises entre 3600 et 4600 pieds/ha. Cet ancien chaudronnier est un adepte de la mécanisation. En 1998, il achète une prétailleuse. « Elle enlève 90 cm de bois sur une hauteur totale de 1,50 m. Cela m'a permis de réduire le temps de tirage des bois de 50 % », explique- t-il. Autre intérêt : les tailleurs visualisent mieux le pied et peuvent passer les bras de l'autre côté du palissage pour couper des bois.

Pour continuer à gagner du temps, il opte pour les sécateurs électriques, puis teste plusieurs alternatives à la taille guyot double. La taille bordelaise retient son attention. Elle consiste à laisser une baguette de chaque côté du pied, mais pas de cots (ou courson de rappel). Le pliage s'effectue à plat. « Le tailleur n'a pas besoin de réfléchir aux cots. C'est le gros avantage. En plus, il provoque moins de plaies de taille. Et les raisins sont moins entassés. L'inconvénient est que d'année en année, le pied s'allonge. Pour contrebalancer ce problème, je demande aux tailleurs de reprendre une baguette sur un pampre né au cœur de la souche », rapporte Jean-Luc Audubert.

« Pas besoin de réfléchir »

Autre amélioration : notre viticulteur opte pour la taille en deux temps. Un tailleur passe une première fois pour tailler les bois principaux (ceux de deux ans) avec le sécateur électrique. Puis une personne moins expérimentée tire les bois et nettoie avec le sécateur manuel les baguettes et le cœur de la souche si un pampre a été oublié. Elle enlève les quelques branches qui restent sur les baguettes conservées, les gros raisins et les vrilles.

A l'arrivée, les gains de temps sont énormes. « Quand je faisais du guyot double, je mettais entre 30 et 40 heures pour tailler un hectare. Là, j'y parviens en 12 heures, plus 8 heures pour le tirage des bois. Bref, je gagne 50 % de temps », analyse-t-il. Sur le terrain, la cadence est rapide. Mathieu, le fils de Jean-Luc, taille un pied en cinq coups de sécateurs, puis passe au suivant. Cédric, un cousin lui-même exploitant, fait de même. « Je suis convaincu de la méthode. Le coup d'œil est rapide. Il n'y a pas besoin de réfléchir. Dans mes propres vignes où je faisais du guyot mixte, je suis vite passé à la taille bordelaise », confie-t-il. Lionel, qui a rejoint l'équipe la saison dernière, est lui aussi enthousiaste. « Avant, j'étais paysagiste et je n'avais jamais taillé. Pour me former et attraper le coup de main, il ne m'a fallu qu'une semaine. Certes, je n'allais pas aussi vite que les autres au départ. Mais maintenant, je travaille à la même vitesse qu'eux », raconte-t-il. En l'espace de deux heures, nos trois ouvriers ont ainsi taillé douze rangs de 80 à 90 pieds de merlot. Le tout dans une ambiance décontractée.

Préserver une qualité de vie

A 30 km de là, Renaud Ladépèche a toujours dans sa poche une calculatrice et un chronomètre. Installé à Lugon (Gironde) en EARL avec son père, il exploite 38,5 ha de vignes Supérieur rouge. Ils n'ont pas d'ouvriers pour les seconder. Soucieux de préserver une certaine qualité de vie, le fils est à l'affût de la moindre technique lui permettant de gagner du temps. En 2004, lorsqu'il reprend le domaine qui s'étendait alors à 20 hectares, la taille s'effectuait en guyot double, avec des sécateurs manuels en un seul passage. La cadence ? 92 pieds par heure. Trop faible pour notre viticulteur. Il investit alors dans des sécateurs électriques. Puis il opte pour la taille bordelaise. « On a réduit la charge mentale lors de la taille. Et on est passé à 110 pieds par heure », calcule-t-il.

En 2007, il acquiert une prétailleuse. Puis il décide, lui aussi, de tailler en deux passages Le tailleur passe une première fois avec un sécateur électrique pour ne conserver que les deux lattes appelées à porter la prochaine récolte. Ensuite un autre repasse avec un sécateur manuel pour ajuster le nombre d'yeux. « Là, on est passé à 166 pieds par heures. »

Pour aller plus loin, Renaud Ladépèche expérimente la taille en cordon de Royat. L'objectif ? Supprimer le tirage des bois et le pliage des baguettes.

Mais les rendements trop faibles ne l'encouragent pas à généraliser la technique. Il essaye donc d'alterner sur une même parcelle, une année la taille bordelaise et la suivante la taille en cordon. En théorie, le principe paraît compliqué. Mais sur le terrain, il est relativement simple à mettre en œuvre.

Pour transformer en cordon une vigne taillée à la bordelaise, il commence par la prétailler à 20 cm de haut. Ensuite, il suffit de 12 à 14 coups de sécateurs pour sélectionner les coursons destinés à rester sur les deux bras. Ce travail s'effectue à la cadence de 165 pieds/heure. L'année suivante, il ne faut que quatre coups de sécateurs pour repasser à la taille bordelaise. Le tailleur pourra couper 200 pieds/heure.

Certes, l'aspect visuel des ceps peut choquer les puristes. D'autant que parfois, il est nécessaire de transformer en baguette un pampre du cœur de la souche. Mais au final, la qualité n'en pâtit pas. Bien au contraire. « Je n'ai observé aucun changement au niveau de l'état sanitaire, souligne le Girondin. La qualité a même été améliorée, puisque dans les cordons, les grappes sont plus petites. Comme il faut plus de raisins pour avoir le même poids, il y a plus de structure et de couleur.»

Le gain de temps est indéniable. « Je sous-traite le tirage des bois, rapporte Renaud Ladépèche. Et nous mettons 770 heures à deux pour tailler l'ensemble de l'exploitation, soit 385 heures par personne. Les chantiers de taille ne durent que deux mois et demi. Cela me laisse du temps pour rencontrer les fournisseurs, réaliser les mises aux normes, aller en formation et prendre quelques jours de congés.»

Un observatoire technico-économique

Jean-Luc Audubert et Renaud Ladépèche ont tous les deux fait partie d'un groupe de travail mis en place par la chambre d'agriculture de Gironde et animé par Nelly Bernaleau, conseillère d'entreprise, et Marie-Charlotte Michaud, de l'Adar Haute Gironde. De 2005 à 2007, une dizaine de viticulteurs ont ainsi enregistré tous leurs temps de travaux, opération par opération. « Je sais ainsi qu'il me faut deux mois pour épamprer toute ma propriété. Cela me permet de mieux gérer les embauches », explique Jean-Luc Audubert.

L'essentiel de l'offre

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