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DOSSIER - TAILLE : Ils ont rogné leurs coûts

Domaine du Feynard : toute une série d'astuces

La vigne - n°226 - décembre 2010 - page 30

En l'espace de dix ans, Jean-François Bertrand, viticulteur cognaçais a réduit ses temps de travaux lors de la taille et du tirage des bois de 10 à 15 %.
Jean-François Bertrand, viticulteur à Chevanceaux : « Grâce au prétaillage, j'ai réduit le temps de tirage des bois de 6 à 8 h/ha. Sachant que les ouvriers sont payés 15 à 16 euros de l'heure, l'économie est de 50 à 88 €/ha. » © PH. ROY

Jean-François Bertrand, viticulteur à Chevanceaux : « Grâce au prétaillage, j'ai réduit le temps de tirage des bois de 6 à 8 h/ha. Sachant que les ouvriers sont payés 15 à 16 euros de l'heure, l'économie est de 50 à 88 €/ha. » © PH. ROY

Jean-François Bertrand, à la tête du domaine du Feynard, à Chevanceaux en Charente-Maritime, est un bon gestionnaire. Il exploite 115 ha de vigne en propre. Il produit du pineau des Charentes, du cognac, des vins de pays et des vins sans IG. A côté de ça, il possède une entreprise de prestation de service qui travaille sur 200 à 300 ha.

L'ugni blanc, plus vite taillé que le merlot

En 1998, année de la loi des 35 heures, il décide de mesurer cépage par cépage, tous les temps de travaux. Il veut avoir des données précises avant d'étudier d'éventuelles modifications des conditions de travail. Sans surprise, la taille et le tirage des bois arrivent en tête des postes les plus consommateurs de main-d'œuvre. « Toutes les vignes sont taillées en guyot double, précise le Charentais. Dans les ugnis blancs à trois mètres, il fallait compter 19 h/ha pour la taille et 18 à 19 h/ha pour le tirage des bois. Dans les merlots et les cabernets sauvignon, il fallait 32 h/ha pour la taille et 25 à 28 h/ha pour le tirage des bois. »

A partir de là, notre viticulteur décide de mettre en place toute une série d'améliorations.

1. Le prétaillage

En 2000, il met en place le prétaillage des vignes. Il n'investit pas dans une machine, mais opte pour la Cuma. Il coupe ainsi 20 à 40 cm de la partie supérieure des bois. L'opération lui prend une heure par hectare pour un coût de 40 euros de l'heure (machine et conducteur). Mais le gain est indéniable. « J'ai réduit le temps de tirage des bois de 6 à 8 heures par hectare. Sachant que les ouvriers sont payés 15 à 16 euros de l'heure, l'économie est de 50 à 88 euros par hectare. »

2. Le sécateur électrique

En 2001, Jean-François Bertrand acquiert son premier sécateur électrique. Comparé au pneumatique, il gagne une demi-heure par hectare. « Sans compter que l'on améliore aussi la sécurité », ajoute notre vigneron. Le test est concluant. En 2004, il équipe tous ses tailleurs.

3. La séparation des tâches

Selon les calculs de Jean-François Bertrand, le plus rentable est de tailler et de tirer les bois en même temps. « On gagne ainsi 1 à 2 h/ha sur la globalité du travail. » Mais le revers de la médaille est l'augmentation des troubles musculo-squelettiques (TMS) et donc des arrêts de travail. « Cela pose un problème d'organisation des chantiers. Et surtout l'ouvrier souffre », déplore le Charentais. Ce dernier préfère donc séparer les deux tâches.

« Je m'y retrouve. Comme le tirage des bois demande moins de technicité que la taille, je peux le confier à des ouvriers moins qualifiés. En revanche, le jour où les fabricants de sécateurs électriques proposeront des gilets avec une batterie qui suit la totalité de la colonne vertébrale, ou une batterie portée au niveau des cuissards, je pourrai revenir à la taille et au tirage des bois simultanés. »

4. La taille par types de cépage

Jean-François Bertrand demande également à ses ouvriers de tailler les vignes cépage par cépage ou par groupe de cépages.

« Ainsi, je les fais d'abord travailler dans les parcelles plantées avec des cépages produisant une forte densité de bois, aux entre-nœuds rapprochés avec une population de gourmands plus importante. C'est le cas du chardonnay et du colombard. Cela leur permet d'acquérir des automatismes. Ensuite seulement, ils passent à l'ugni blanc qui est plus simple à tailler. C'est à la fois un gain de temps et de qualité du travail. »

5. Un épamprage soigné

Autre astuce : au printemps, il confie la taille en vert (épamprage) d'une parcelle aux ouvriers qui seront appelés à la tailler en fin de saison. « De cette manière, ils peuvent la préparer. Entre un épamprage à cœur bien réalisé et un autre moins soigné, il peut y avoir 1 h 15 de différence à l'hectare lors de la taille, voire même 3 heures sur colombard, chardonnay ou merlot », justifie Jean-François Bertrand.

6. Une nouvelle conduite

Dans les parcelles d'ugni blanc, Jean-François Bertrand, a privilégié le pliage en arcure, jusqu'à il y a trois ans. Mais dans les nouvelles plantations, il préfère l'attachage à plat. Au lieu d'établir le premier fil à 80 cm du sol, il le met entre 65 et 70 cm. Il y attache les plants. A un mètre du sol, il installe le second fil, celui qui portera la baguette attachée à plat. L'objectif ? Raccourcir la baguette pour augmenter le volume de bois éliminé lors du prétaillage et séparer la zone de taille de la zone de fructification.

En contrepartie, il faut deux liens – au lieu d'un – pour attacher la baguette : un à l'intersection avec le second fil et un autre au bout de la baguette. Malgré cela, « je devrais gagner 2 à 3 h/ha sur le temps de taille grâce à une meilleure lecture de la taille et 2 à 3 h/ha au tirage des bois par une moindre végétation à extraire ».

Ce mode de conduite permet aussi d'installer les fils releveurs plus bas et donc de protéger la végétation de bonne heure. De plus, « lorsque la taille longue se mécanisera, cela commencera par des vignes en conduite palissée avec une relative standardisation de la forme des ceps », pense Jean-François Bertrand. Et d'imaginer un œil électronique qui sélectionnerait les meilleurs bois pour lui faire gagner encore un peu de temps…

Des tailleurs formés en interne

Jean-François Bertrand peut compter sur une équipe de quatre ouvriers permanents en production. Grâce à leurs compétences, il a pu former en interne dix tailleurs roumains qu'il recrute tous les ans en CDD depuis quatre ans. « Ils ont reçu une formation de qualité, souligne-t-il. Il est important d'avoir un mode de taille qui soit cohérent d'une année à l'autre. Nos ouvriers sont donc sensibilisés à la qualité de la taille et à la propreté de la coupe. Je leur demande de ne pas laisser de coursons inutiles. J'insiste pour qu'ils favorisent une coupe suffisamment rase pour éviter le départ de rejets au cœur du cep. En effet, lorsqu'on élimine tout risque de gourmands, c'est une coupe de moins pour l'année suivante. Là encore c'est un gain de temps. »

L'essentiel de l'offre

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