ALSACE : Une succession d'incidents
Tous les éléments se sont ligués pour que l'Alsace rentre sa plus petite récolte de ces cinq dernières années. En hiver, le gel a provoqué la destruction de 5 à 100 % des bourgeons sur 910 ha. Puis le débourrement a été hétérogène et la floraison étalée. Le gewurztraminer a souffert de coulure et le pinot blanc de millerandage. Les grappes de riesling étaient particulièrement lâches.
Début juin, dans le Haut-Rhin, l'oïdium précoce a encore amputé un peu plus le potentiel. Puis ce fut au tour du botrytis. A l'approche des vendanges, il s'est installé dans les environs de Colmar où des parcelles de pinot n'ont livré que 25 hl/ha. Les coteaux, le nord et le sud du vignoble ont été davantage épargnés.
Certains viticulteurs affirment que leur moyenne d'exploitation ne dépassera pas 50 hl/ha, alors que le rendement autorisé s'élève à 80 hl/ha pour l'appellation Alsace. Le syndicat des producteurs de crémant estime son volume à 235 000 hl, soit 6 % de moins qu'en 2009. Le vignoble évalue la récolte globale à 950 000 hl, contre 1,120 Mhl en 2009, soit à peu de choses près la moyenne de la période 2005-2009.
BEAUJOLAIS : Un vignoble fatigué
En Beaujolais, la récolte serait similaire, voire inférieure à celle de 2009 qui était déjà petite, avec seulement 840 000 hectolitres. Le rendement moyen se situerait à 48 hl/ha. Comme en Bourgogne, des phénomènes de coulure et de millerandage sont survenus. Mais l'état général du vignoble a également contribué à la faiblesse de la récolte. En raison de la crise économique, il est en effet peu renouvelé − l'âge moyen des vignes est de 44 ans − et souffre d'un manque d'entretien. Par ailleurs, le 12 juillet, un orage de grêle a détruit tout ou partie de la récolte sur environ 500 hectares.
BOURGOGNE : Coulure et millerandage
En Bourgogne, la récolte est en baisse de 20 à 30 % par rapport à une année moyenne, mais cette fourchette masque une très forte hétérogénéité. Certaines parcelles atteignent le rendement autorisé alors que d'autres affichent jusqu'à 50 % de baisse. « Nous avons eu des températures très basses et des passages orageux qui ont perturbé la fleur et provoqué de la coulure et du millerandage. Cette perturbation a concerné les secteurs les plus tardifs. Les chardonnays précoces n'ont pas été touchés », explique Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or.
Début septembre, nouvel incident : le botrytis se développe sur certaines parcelles, obligeant les vignerons à trier la récolte.
BORDEAUX : Coup dur pour le merlot dans le Libournais
La récolte est aussi en baisse à Bordeaux. Les premières estimations se situent autour de 5,5 millions d'hectolitres contre 5,7 en 2009. La sortie de grappes laissait pourtant augurer une belle récolte, mais le temps humide et froid qui a accompagné la floraison dans les secteurs précoces a occasionné de la coulure sur le merlot, cépage particulièrement sensible. Dans les zones touchées, les grappes ont porté peu de baies. Le cabernet- sauvignon, peu sensible à la coulure et plus tardif, a été épargné.
130 g les cent baies de merlot contre 180 g en moyenne
Mais c'est surtout la sécheresse estivale qui a impacté le volume de la récolte. Elle a durement sévi dans le Libournais, où le merlot domine. Ce vignoble en paie le prix fort. De tous les secteurs de Bordeaux, c'est celui où les rendements sont les plus faibles. « Le poids moyen de cent grains de merlot n'a pas dépassé les 130 g cette année, alors qu'il atteint 180 g, en moyenne, sur vingt ans », affirme Pascal Henot, de la chambre d'agriculture de la Gironde.
A l'opposé, les Côtes-de-Bordeaux, le Blayais, les Graves et le Médoc, ainsi que le nord de l'Entre-Deux Mers ont bénéficié de pluies estivales et semblent avoir atteint les rendements autorisés. Quant aux appellations Bordeaux et Bordeaux Supérieurs, le rendement moyen se situerait entre 50 et 51 hl/ha, contre 53 hl/ha l'an dernier et 55 hl/ha (Bordeaux) et 54 hl/ha (Bordeaux Supérieur) autorisés cette année.
Dernier point : le volume global de la récolte 2010 en Gironde est également impacté par l'arrachage de 2000 hectares, dont la replantation a été retardée du fait de la crise économique.
LANGUEDOC-ROUSSILLON : Sécheresse, coulure et arrachage
En Languedoc-Roussillon, les estimations de récolte varient entre 11,7 millions d'hl selon FranceAgriMer et 11,2 millions d'hl selon la Fédération régionale des coopératives viticoles. Dans tous les cas, la récolte 2010 devrait être inférieure à celle de 2009, déjà historiquement basse. La baisse serait particulièrement sensible sur les rouges. Les rendements semblent très hétérogènes d'un secteur à l'autre.
« La sécheresse estivale est la raison majeure de cette baisse de production dans l'Hérault, estime Laurent Gourdon, chef du service viticulture à la chambre d'agriculture de l'Hérault. La vigne a besoin de 200 à 240 mm d'eau durant la période de la nouaison à la maturité des baies. Or cette année, de juin à septembre, nous n'avons eu que 60 mm sur la plus grande partie du vignoble héraultais. »
40 000 ha de moins en cinq ans, soit un potentiel de 2 millions d'hl
Les effets de ce déficit hydrique ont été renforcés par les fortes chaleurs du mois d'août et par des épisodes de vent du nord très desséchants en septembre. Merlot, grenache et syrah sont les cépages les plus touchés, subissant des pertes de 20 à 30 %. Carignan et cinsault ont mieux résisté à ces situations de stress hydrique.
Dans le Gard, c'est surtout la coulure sur le grenache et le merlot, ainsi que le millerandage sur la syrah et le carignan qui ont impacté la récolte, estime Jacques Oustric, de la chambre d'agriculture.
Ces aléas climatiques ont eu d'autant plus d'impact qu'ils se sont abattus sur un vignoble insuffisamment entretenu du fait des difficultés économiques. Enfin, la baisse des volumes observés depuis plusieurs années est également corrélée à l'arrachage : près de 40 000 hectares ont disparu au cours des cinq dernières campagnes, soit un potentiel de production de 2 millions d'hectolitres.
SUD-OUEST : Mauvaise pioche pour le Lot
Dans le Lot, la récolte 2010 devrait être de 110 000 hl, contre 183 000 hl en 2009 et une moyenne d'environ 168 000 hl ces cinq dernières années. En octobre 2009, le vignoble a souffert de gelées précoces qui ont provoqué une défoliation quasi-totale, stoppant net l'accumulation de réserves.
Ensuite, le printemps froid a freiné la pousse du végétal. Pour une grosse partie de vignoble, la floraison a eu lieu sous la pluie, d'où une importante coulure. Puis à la fin du mois d'août, de fortes chaleurs ont entraîné un échaudage des grappes et un dessèchement ponctuel de rafles. Enfin, deux semaines de vent d'autan ont favorisé la concentration des baies. A l'arrivée, le poids moyen des grappes est réduit de moitié par rapport à 2009.
En revanche, le Gers, le plus grand vignoble du Sud-Ouest, n'est pas concerné par la baisse de la production. La récolte avoisine les 750 000 hl, contre 745 000 hl en 2009, la moyenne étant de 700 000 hl sur les dix dernières années. Pluies et fraîcheur des températures ont entraîné quelques coulures et millerandages au printemps, tandis que des épisodes de grêle en juin ont fait des dégâts sur environ 1 000 hectares. Mais la suite de la saison a été parfaite, notamment pour les blancs qui représentent 95 % de la production.
VALLÉE DU RHÔNE : Le grenache a coulé
Faible récolte également en Côtes-du-Rhône. Le syndicat des vignerons table sur un volume de 1,2 à 1,3 million d'hl de Côtes-du-Rhône régional contre 1,4 million d'hl l'an dernier, qui était déjà une petite récolte. Le rendement moyen de l'appellation se situe aux alentours de 38 hl/ha, soit 10 hl/ha de moins que le rendement autorisé.
« Le fait marquant de l'année, c'est la coulure sur le grenache », commente Olivier Jacquet, de la chambre d'agriculture. La floraison s'est déroulée sous des températures fraîches et par beaucoup de vent. Les grenaches ont été particulièrement atteints dans les zones précoces. A Châteauneuf-du-Pape, le rendement ne dépasse pas 20 à 30 hl/ha dans certaines parcelles.
« Le rendement en jus est particulièrement faible, constate Olivier Roustang, d'Inter-Rhône. Sur les grenache, le poids moyen de 200 baies n'est que de 316 g cette année contre 355 l'an dernier et 375 en 2008. »
La faible productivité du vignoble des Côtes-du-Rhône s'explique également par son état général. « Nous avons un vignoble âgé, peu renouvelé compte tenu de la crise. Pour limiter les coûts, les producteurs ont freiné les apports d'engrais. Peu à peu les vignes s'épuisent », constatent de façon unanime les techniciens sur le terrain.
Le Point de vue de
Philippe Obadia, propriétaire de 55 ha de vigne à Fournès, dans le Gard
« 40 % de récolte en moins sur les grenaches »
« Sur les 55 ha de mon vignoble, 47 sont classés en AOC Côtes-du-Rhône, parmi lesquels j'ai 10 ha de grenache. Sur ce cépage, les rendements ont chuté de 40 % cette année.
Je suis tombé à 20 hl/ha, alors qu'en 2009 ces mêmes parcelles ont produit 35 hl/ ha. Après un hiver très froid, le débourrement a été très tardif cette année, mais il y a eu une belle sortie de grappes. Juste avant la floraison, il y a eu une période de beau temps avec des températures élevées et la vigne a énormément poussé. Puis, au moment de la fleur, les températures ont chuté et nous avons eu beaucoup de mistral, très nuisible à une bonne pollinisation. Les grenaches ont été particulièrement touchés, surtout dans les parcelles les plus vigoureuses. Même les jeunes vignes ont été impactées. La syrah ou les cépages tardifs, comme le mourvèdre et le carignan, n'ont pas été affectés et ont pu atteindre les rendements autorisés. »