ENHERBEMENT LABOURÉ PAR DES SANGLIERS. En Alsace, de tels dégâts sont fréquents. L'Anjou (ici en photo) n'est pas épargné. © C. WATIER
ALSACE : Les chasseurs ne tuent pas assez de sangliers
En Alsace, les dégâts dus aux sangliers explosent depuis trois ans. « Ils traversent le vignoble pour descendre manger du maïs dans la plaine, et au passage, ils s'attaquent aux raisins bien mûrs », constate Jean-Luc Andrès, de l'Association des viticulteurs d'Alsace. Ces nuisibles dévorent jusqu'à 30 à 40 % de la récolte de certaines parcelles. Ils labourent aussi les enherbements pour trouver des larves. « Les trous et les bosses déstabilisent les tracteurs. Avec un outil déporté comme la rogneuse, le risque est d'accrocher le palissage, voir de se retourner », souligne Jean-Luc Andrès.
Pour réduire les dégâts, il faudrait tuer plus de sangliers. Mais encore faut-il que les chasseurs se sentent concernés par le problème. Dans cette région, les propriétaires fonciers n'ont pas le droit de chasse. Ce sont les communes qui louent les zones de chasse. Bien souvent, les chasseurs viennent d'ailleurs. Ils payent très cher leur droit d'entrée, et se préoccupent surtout d'avoir du gibier à tirer.
« Avec l'administration, nous avons essayé de les obliger à mettre en place des plans de chasse pour réguler les populations. Nous avons aussi rappelé aux communes qu'elles sont responsables du choix des locataires à qui elles confient la gestion du gibier. Mais pour certaines, tant que le loyer est payé, tout va bien ! », explique Jean-Luc Andrès.
L'administration a autorisé les tirs de destruction durant les deux mois où la chasse est fermée et les tirs de nuit s'ils sont menés par des lieutenants de louveterie. Pour améliorer les résultats, « il faudrait qu'elle accorde aussi ce droit à des chasseurs locaux raisonnables », estime Jean-Luc Andrès.
GIRONDE : Les lapins prolifèrent dans les friches
En 2009-2010, les dégâts dus aux lapins ont explosé en Gironde, et il a été classé nuisible dans tout le département. « Au printemps, les lapins broutent les jeunes pousses. En se dressant sur leurs pattes, ils arrivent sans problème jusqu'au fil porteur. Et à partir de la véraison, ils s'attaquent au raisin », déplore Pascal Lusceyran, vigneron à Gaillanen-Médoc.
En 2008, il a perdu 10 % de sa récolte, soit 25 000 euros. Pour réduire la pression, il a fait appel à des chasseurs. Avec deux furets, ils ont capturé 170 lapins dans une friche où ceux-ci nichaient. Depuis, la vigne située juste à côté a pu reprendre sa croissance.
Au moins 770 000 euros de dégâts
« J'ai eu moins de dégâts ces deux dernières années, heureusement. Si j'avais subi les mêmes pertes qu'en 2008, j'aurais dû mettre la clef sous la porte. » Le lapin n'a pas disparu pour autant. « J'ai toujours une pelle sur l'enjambeur, et dès que je vois un terrier je le rebouche. Ces trous peuvent déstabiliser l'engin », relève Pascal Lusceyran.
« Les lapins se multiplient dans les friches, en bordure des autoroutes et des voies ferrées, et dans les zones périurbaines où la chasse est difficile », constate Philippe Bourdens, de la chambre d'agriculture de la Gironde. Leur prolifération est telle que dans certaines parcelles, il n'y a plus de bois à tailler ou de raisins à vendanger. La chambre d'agriculture, dans une enquête non exhaustive, a recensé 125 vignerons ayant subi des dégâts pour un total de 770 000 euros cette année. Ceux-ci ne peuvent pas être indemnisés par la Fédération des chasseurs, qui ne prend en charge que les dégâts de grands gibiers.
« Les responsabilités sont diluées, et il est difficile de mettre en place un plan de lutte global », relève Philippe Bourdens. Pendant la période de chasse, le lapin est considéré comme un gibier, mais intéresse peu les chasseurs. En dehors de cette période, il peut être classé comme nuisible, ce qui permet d'utiliser des méthodes de destruction par piégeage ou avec des furets. Mais il n'y a pas assez d'intervenants agréés pour répondre à la demande. « Pour réduire les populations, il faudrait commencer par nettoyer les zones où ils nichent. Mais mobiliser les propriétaires de ces terrains n'est pas évident », souligne Philippe Bourdens. Leur responsabilité peut pourtant être engagée lorsque des lapins nichant chez eux provoquent des dégâts chez autrui.
CHARENTES : La pression des chevreuils diminue
Dans les Charentes, ce sont les chevreuils qui causent des dégâts depuis trois ans. Mais la situation commence à s'améliorer. « Les chasseurs ont réagi et augmenté fortement leurs prélèvements », relève Xavier Desouche, du Syndicat général des vignerons de l'AOC Cognac.
Sur son exploitation, il a eu quelques pertes au printemps dans une parcelle située à 150 mètres d'un bois. « En faisant deux traitements au soufre mouillable à quinze jours d'intervalle, j'ai pu réduire l'appétence des jeunes pousses », précise-t-il.
Pour dissuader les chevreuils de rester dans les zones viticoles, le tir des mâles a été autorisé dès juillet, avant le début de la chasse. « Il faut arriver à réguler les populations sans vider pour autant complètement une zone, car sinon des chevreuils venus d'ailleurs s'y installent », explique-t-il.
Pour obtenir des résultats, le dialogue avec les chasseurs est essentiel. « Nous avons aussi besoin de bonnes remontées d'information pour bien évaluer la pression. Les vignerons ne doivent pas hésiter à signaler des dégâts même s'ils sont légers », ajoute Xavier Desouche, qui représente les agriculteurs à la commission qui établit les plans de chasse.
Des indemnisations souvent insuffisantes
Les fédérations de chasseurs n'indemnisent que les dégâts de grands gibiers. Les barèmes sont fixés par une commission où siègent des représentants des chasseurs et des agriculteurs. Les pertes de récolte sont prises en compte, mais pas la remise en état de l'enherbement. « En Alsace, le prix moyen du raisin constaté par l'interprofession sert de référence. Nous avons obtenu un barème spécial pour les grands crus. Mais cela ne suffit pas à compenser le manque à gagner sur les ventes de vin », souligne Jean-Luc Andrès. Les fédérations de chasseurs peuvent également indemniser des mesures de prévention comme l'achat, la pose et l'entretien de clôtures en bordure des vignes.
Les clôtures doivent être entretenues
Les clôtures sont un excellent moyen pour limiter l'entrée du gibier dans les vignes. Mais il faut bien les entretenir. « Nous avons installé des grillages en bordure de forêt. Au bout de deux ou trois ans, ils ne sont plus étanches aux sangliers, qui finissent toujours par passer », constate Jean-Luc Andrès. Il faut donc prévoir des équipes chargées de les inspecter régulièrement et de les réparer. Autre mesure préventive : la pose de clôtures électriques avant les vendanges. Là aussi un suivi est indispensable. Il faut bien désherber sous le fil électrique afin qu'aucune herbe ne le touche car cela créerait un court-circuit. De même, il faut passer régulièrement pour vérifier qu'aucune branche n'est tombée sur le fil, interrompant le passage du courant. Outre la pose de clôture, pour dissuader le gibier d'attaquer les vignes, on peut utiliser des répulsifs. Le soufre est très efficace contre les chevreuils (voir « La Vigne », n°224, p. 43). Les chasseurs utilisent aussi l'agrainage pour attirer les sangliers loin des vignes. L'opération consiste à les nourrir dans les bois. Mais pour beaucoup d'agriculteurs, c'est une cause de leur prolifération.