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VIGNE - POUR APPROFONDIR

Le Némadex AB

Marine Balue - La vigne - n°226 - décembre 2010 - page 48

Qu'est-ce que le Némadex AB ?

C'est un porte-greffe qui n'est pas encore inscrit au catalogue. Il limite la contamination de la vigne par le courtnoué, grâce à une tolérance au nématode Xiphinema index qui transmet un des virus de la maladie (le GFLV). Némadex est la contraction de « nématode » et « index ». Les initiales AB sont celles d'Alain Bouquet, qui était chercheur à l'Inra de Montpellier. A l'origine de ce porte-greffe, il a mené les travaux le concernant, jusqu'à son décès en 2009.

Comment a-t-il été obtenu ?

Par croisement de Vitis vinifera avec une muscadine. Lors de ses travaux à l'Inra de Bordeaux, dans les années quatre-vingt, Alain Bouquet note que cette espèce de vigne présente une certaine résistance au Xiphinema index. Elle empêche le nématode de se multiplier dans le sol. Par conséquent, la maladie qu'il porte se transmet plus lentement.

« Mais les muscadines ne sont pas faciles à cultiver et sont peu fertiles. C'est pourquoi Alain Bouquet les a d'abord croisées avec des Vitis vinifera, explique Nathalie Ollat, chercheuse à l'Inra de Bordeaux, qui a repris le dossier du Némadex AB. Parmi les hybrides obtenus, il a choisi celui avec le meilleur couple résistance-fertilité. »

En 1987, il a croisé cet hybride (F1) avec du matériel végétal connu, le porte-greffe 140 Ruggeri. Ce croisement, implanté dans des sols fortement infectieux, a montré une tolérance au X. index intermédiaire entre ses deux parents. Alain Bouquet l'a sélectionné pour sa fertilité correcte et le bon développement des bois. Plus tard, il a pris le nom de Némadex.

Quelle est son efficacité contre le court-noué ?

Le Némadex AB est un frein puissant à la propagation de la maladie. C'est du moins ce que montrent les résultats obtenus dans les deux parcelles où il est le plus anciennement testé. En 1999, l'Inra l'a implanté pour la première fois sur une parcelle du domaine du Chapitre, à Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault). Sur une partie de la parcelle, fortement infectée par le court-noué, Alain Bouquet plante du cabernet-sauvignon greffé sur Némadex AB et SO4, porte-greffe choisi comme témoin. Sur une autre zone, moins infectieuse, il plante du caladoc greffé sur Némadex AB d'une part et sur 140 Ru d'autre part.

L'Inra a ensuite réalisé des tests Elisa pour détecter les contaminations par le virus du court-noué. En 2002, sur la partie fortement infectieuse, moins de 10 % des plants greffés sur Némadex AB sont touchés. Au même moment, 60 % des plants greffés sur SO4 sont atteints. En 2007, l'écart se confirme : 20 % des plants greffés sur Némadex AB réagissent positivement au test Elisa, contre 90 % des plants greffés sur SO4.

« En zone peu infectieuse, le pourcentage de souches infectées reste proche de 1 % pour le Némadex AB, décrit Pascal Bloy, directeur national du pôle matériel végétal de l'IFV. De plus, les symptômes sur les souches touchées sont assez peu visibles. »

A Châteauneuf-du-Pape, la chambre d'agriculture du Vaucluse suit une autre parcelle, assez infectieuse, mise en place en 2003. Là, du grenache est greffé sur Némadex AB ou sur 110R. D'après Pascal Bloy, la contamination reste proche de zéro pour le Némadex AB, alors qu'elle dépasse 80 % avec 110R.

« Nous n'expliquons pas trop cette tolérance au X. index, concède le chercheur. Ce nématode est peut-être moins attiré par le Némadex AB que par d'autres porte-greffes. Mais nous ne savons pas pourquoi. »

Où teste-t-on le Némadex AB ?

Après les plantations en 1999 et 2003 au Chapitre et à Châteauneuf-du-Pape, les chercheurs ont voulu évaluer le comportement agronomique du Némadex AB dans diverses situations. Entre 2007 et 2009, ils ont établi un réseau national de parcelles d'essai : à Bordeaux, en Midi-Pyrénées, dans le Languedoc-Roussillon, la Vallée du Rhône, le Beaujolais, la Bourgogne, la Champagne, l'Alsace et le Val de Loire. Soit au total une vingtaine de parcelles. Dans chaque région, plusieurs cépages sont greffés sur le Némadex AB et il est comparé à divers porte-greffes.

« Nous collectons de nombreuses informations grâce à la dynamique de ce réseau, remarque Nathalie Ollat. Il devrait nous aider à fournir des références et des conseils aux viticulteurs qui l'utiliseront. »

L'ensemble des partenaires du réseau, IFV, Inra, CIVC, chambres d'agriculture et Sicarex, devaient se réunir le 1er décembre 2010 pour mettre en commun toutes leurs observations.

Quelles sont les autres propriétés du Némadex AB ?

« Ce porte-greffe semble avoir une résistance correcte à la chlorose ferrique, indique Pascal Bloy. Elle se rapproche de celle du SO4. » Son comportement sur sol très chlorosant reste à vérifier. Pascal Bloy remarque également qu'il a une assez bonne tolérance à la sécheresse.

« Sa vigueur est bonne, même l'année qui suit la plantation, mais pas excessive », indique aussi Nathalie Ollat.

Il n'induit pas non plus une production excessive. Mais sur les parcelles du Chapitre et de Châteauneuf-du-Pape, le rendement moyen des pieds greffés sur Némadex AB est bien supérieur à celui obtenu avec les porte-greffes témoins. Cela est probablement dû au fait que très peu de pieds de Némadex AB sont touchés par le court-noué.

Enfin, les chercheurs n'ont pas détecté de différence notable à la dégustation selon les porte-greffes.

Est-il facile à produire ?

Pour Pascal Bloy, « le Némadex AB est plus un porte-greffe de viticulteurs que de pépiniéristes. » En clair, les premiers le demanderont sans doute plus que les seconds n'auront à cœur de l'utiliser. Pour les pépiniéristes, il présente un handicap : sa production de boutures et de bois est assez faible. De plus, il a un port buissonnant et produit beaucoup d'axillaires, ce qui rend la conduite en vignes mères difficile. Les essais se poursuivent pour trouver le mode de conduite le plus adapté.

En revanche, il a un bon comportement au greffage, surtout en greffes boutures herbacées (GBH). Le greffage ligneux a montré des résultats variables. « Les diamètres de bois sont désormais suffisants et le greffage a un taux de réussite correct, entre 50 et 70 % sur syrah », note toutefois Nathalie Ollat.

Quand sera-t-il inscrit au catalogue ?

Dans les mois à venir. La demande d'inscription au catalogue est déjà déposée. Le Comité technique permanent de la sélection examinera le dossier, en fin d'année 2010. « Il ne devrait pas y avoir de problème pour qu'il soit inscrit fin 2010 ou début 2011, d'après les observations faites sur les deux parcelles les plus anciennes », ajoute Nathalie Ollat.

L'IFV va ensuite le prémultiplier et il sera diffusé progressivement. « S'il est inscrit, nous souhaitons passer un message de précaution aux futurs utilisateurs, met en garde Pascal Bloy. Ce porte-greffe n'est pas résistant au court-noué. Il est seulement tolérant au nématode qui le transmet. Le recours au Némadex AB paraît aussi efficace qu'une désinfection des sols pour limiter les contaminations. »

Un nouveau porte-greffe tolérant au nématode vecteur du court-noué

Alain Bouquet, chercheur à l'Inra, décédé en 2009, est à l'origine du Némadex © INRA

Alain Bouquet, chercheur à l'Inra, décédé en 2009, est à l'origine du Némadex © INRA

Feuille de Némadex AB au domaine du Chapitre. © INRA

Feuille de Némadex AB au domaine du Chapitre. © INRA

La chambre d'agriculture du Vaucluse suit une parcelle d'essai plantée en 2003 à Châteauneuf-du-Pape. Elle compare le Némadex AB au 110R sur grenache. © INRA

La chambre d'agriculture du Vaucluse suit une parcelle d'essai plantée en 2003 à Châteauneuf-du-Pape. Elle compare le Némadex AB au 110R sur grenache. © INRA

En moyenne, les plants greffés sur Némadex AB (à gauche) produisent plus de fruits que ceux greffés sur porte-greffe témoin (à droite) © CHAMBRE D'AGRICULTURE DU VAUCLUSE

En moyenne, les plants greffés sur Némadex AB (à gauche) produisent plus de fruits que ceux greffés sur porte-greffe témoin (à droite) © CHAMBRE D'AGRICULTURE DU VAUCLUSE

En moyenne, les plants greffés sur Némadex AB (à gauche) produisent plus de fruits que ceux greffés sur porte-greffe témoin (à droite) © CHAMBRE D'AGRICULTURE DU VAUCLUSE

En moyenne, les plants greffés sur Némadex AB (à gauche) produisent plus de fruits que ceux greffés sur porte-greffe témoin (à droite) © CHAMBRE D'AGRICULTURE DU VAUCLUSE

<p>L'Inra a demandé l'inscription au catalogue de ce portegreffe. Issu des travaux d'Alain Bouquet, il limite la propagation du courtnoué, même sur des sols fortement infectieux.</p> <p>Les chercheurs continuent d'évaluer son comportement agronomique.</p>

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