Surnommé le député du vin, Edouard Barthe naît à Béziers, dans l'Hérault, le 26 mai 1882. En 1906, il obtient un diplôme de pharmacien et s'installe à Sète. C'est l'époque de la sévère crise post-phylloxérique du vignoble de masse du Languedoc. Le 24 avril 1910, il se présente aux élections législatives dans l'Hérault sous la bannière du parti socialiste. Il est élu député au premier tour. C'est le début de sa carrière politique qui, trente ans durant, sera consacrée essentiellement à la défense et à l'organisation de la viticulture.
Il n'est pas « de lois ou de réglementations concernant la viticulture et le commerce des vins à laquelle il n'ait, de 1919 à 1940, efficacement contribué », souligne-t-on dans sa notice biographique du Parlement.
Non au bourgogne d'Australie
Lutte contre la fraude, concurrence déloyale des colons algériens, assainissement des marchés excédentaires, organisation du commerce, création d'un monopole de la fabrication d'alcool, réglementation de la profession de courtier… il instruit tous les dossiers relatifs à la filière. Il agit avec d'autant plus d'efficacité que, peu à peu, il élargit ses responsabilités. Il devient président de la commission des douanes et des boissons, de la commission interministérielle de la viticulture, du comité national de propagande en faveur du vin, du conseil supérieur des alcools, du comité national des vins à appellation d'origine contrôlée après sa création en 1935 (ancêtre de l'Inao) et de la ligue des moyens et petits viticulteurs qu'il a contribué à créer.
En 1927, il devient aussi le premier président de l'Office international du vin. A ce poste, il se bat pour défendre la conception française de l'appellation d'origine contre la conception anglo-saxonne, bien plus large, d'indication de provenance, selon laquelle il est par exemple légitime de parler de bourgogne d'Australie.
Son nom reste associé à la promulgation du statut viticole en 1931, connu sous le nom de loi Barthe. Car, « à partir de 1927, une crise, sans cesse croissante, due à la surproduction sévit dans le commerce des vins ordinaires, raconte Joseph Capus, autre député du vin et père des AOC, dans sa « Genèse des appellations contrôlées ». Les rendements de la métropole entre 1918 et 1930 oscillent entre 40 et 70 millions d'hectolitres. Dans le même laps de temps, la production en Algérie a doublé à environ 15 millions d'hectolitres ».
En 1931, sur proposition d'Edouard Barthe, le parlement se prononce en faveur d'une organisation de la production viticole faisant appel à « une intervention publique et puissante ». Il veut réglementer les ventes afin de maintenir un équilibre entre l'offre et la demande. Désormais, la loi proscrit les plantations pour les propriétés de plus de dix hectares. Elle interdit également aux viticulteurs récoltant plus de 400 hectolitres de vendre au-delà d'une proportion déterminée de la récolte. Elle impose une distillation obligatoire qui va absorber 5 millions d'hectolitres au cours des cinq années qui suivent.
« C'était le premier essai de l'organisation de la production en France, relève encore Joseph Capus. C'était une entreprise d'économie organisée par la profession elle-même, car les pouvoirs publics ne faisaient qu'entériner les mesures réclamées par les producteurs. Notons que ces mesures ont parfaitement réussi, car elles ont été soigneusement étudiées par les professionnels sous la direction ferme et intelligente d'Edouard Barthe. Cette tentative révèle une véritable évolution dans les mœurs ; elle montre que la profession était prête à subir certaines contraintes en vue d'obvier à des dangers menaçants. »
« Un travailleur infatigable »
Ce statut viticole deviendra l'un des piliers de la viticulture. « Travailleur infatigable, Edouard Barthe a selon un de ses collègues (...) “une sorte de génie tactique permettant de faire discuter et voter un texte quand il le veut. Il avance, arrache et broie comme un bulldozer” », cite Daniel Combes dans « L'Epopée du vin ».
En 1940, avec la Seconde Guerre mondiale, Edouard Barthe quitte la politique. En 1948, il renoue avec elle. Il est élu sénateur. L'année suivante, il présente trois propositions de résolutions dont celle de « faire appliquer strictement le statut viticole » et celle d'« instaurer un secours d'urgence pour les populations de l'Hérault sinistrées par la grêle ».
Il meurt à Paris le 25 juillet 1949. Jusqu'à son dernier souffle, Edouard Barthe aura défendu la viticulture, ainsi que sa région.