AU NORD, LE LAC BALATON abrite la presqu'île de Tihany. Son climat très particulier permet au cabernet-sauvignon de mûrir comme nulle part ailleurs en Hongrie. © M. HULOT
LA FAMILLE FIGULA, installée à Balatonfüred, a fondé sa cave en 1993. Elle produit 200 000 bouteilles sur une trentaine d'hectares. © FIGULA
DAVID BRAZSIL, ICI AVEC SON PÈRE JOZSEF, vient de s'installer sur huit hectares. Pendant les fêtes populaires qui ont lieu dans le village de Vonyarcvashegy, au nord-ouest du lac, ils tiennent cette petite échoppe où ils vendent leurs vins au verre. On trouve quantité d'autres points de vente similaires tout autour du Balaton où l'essor du tourisme donne confiance aux jeunes. © BRAZSIL
DAVID BRAZSIL, ICI AVEC SON PÈRE JOZSEF, vient de s'installer sur huit hectares. Pendant les fêtes populaires qui ont lieu dans le village de Vonyarcvashegy, au nord-ouest du lac, ils tiennent cette petite échoppe où ils vendent leurs vins au verre. On trouve quantité d'autres points de vente similaires tout autour du Balaton où l'essor du tourisme donne confiance aux jeunes. © BRAZSIL
AU SUD DU LAC, les terrains sont plats. Les vignes reposent sur des lœss assez fertiles. Cette zone attire les campeurs peu fortunés venant d'Allemagne ou de Budapest. © M. HULOT
Sur les vingt-deux régions viticoles de Hongrie, six se trouvent au bord de la plus grande étendue d'eau du pays, le lac Balaton. Long de 78 kilomètres et large de 15 kilomètres au plus, il forme une entité viticole à part entière très visible du ciel : beaucoup d'avions qui se posent à Budapest survolent cette forme oblongue à la couleur vert clair, située à 150 km au sud-ouest de la capitale du pays.
Comptant 10 718 ha en 2009, le Balaton, établi comme « borrégió » (région viticole) en 2006, est aux vins blancs ce que Tokaj est aux liquoreux et Eger aux vins rouges : une référence dans l'imaginaire des Hongrois.
Mais cette entité cache de multiples différences entre la rive nord et la rive sud. Le Sud est le fief des campeurs non fortunés de Budapest et d'Allemagne. L'élite intellectuelle et des riches budapestois ont choisi le Nord comme le lieu de villégiature.
Des producteurs entreprenants
Géographiquement et géologiquement aussi, les deux rives diffèrent. Le Sud est plat, composé de lœss. Les terroirs sont bons pour l'élaboration de mousseux, mais aussi pour les variétés internationales, arrivées récemment. Au contraire, le Nord est un enchaînement de terroirs volcaniques originaux et variés. Dans ce patchwork de lieux-dits hétéroclites, de nouvelles AOP continuent d'apparaître, comme Tihany, la presqu'île au climat si particulier que le cabernet-sauvignon y mûrit comme nulle part ailleurs en Hongrie, ou Kali reconnue en 2009.
Le Sud fut longtemps le bastion de la société Balaton Boglár (BB), à tel point que son nom se confondait avec celui de l'appellation. Avant la chute du communisme, cette entreprise d'état monopolisait le vignoble et produisant des vins blancs selon un schéma d'intégration verticale lui faisant vinifier toute la production alentour.
Alors que les trois quarts des structures communistes furent démantelées, BB fut privatisée, car elle fonctionnait bien. Depuis 1995, la société appartient au groupe allemand Henkell & Co. Elle achète toujours les raisins de petits producteurs propriétaires de plus de 2 000 hectares et produit essentiellement des vins mousseux vinifiés dans la région, puis mis en bouteille à côté de Budapest.
De cette grosse structure du sud du lac, émanèrent des producteurs visionnaires dans les années quatre-vingt-dix, lorsqu'une ère nouvelle s'ouvrit à l'industrie viticole hongroise. János Konyari en fait partie.
Alors qu'il travaille chez BB, il se lance dès 1976 dans la production de grüner veltliner, un cépage blanc autrichien, qu'il vend en vrac dans les kocsma, ces petits bars où l'on servait le vin à la louche. Il met en bouteille pour la première fois en 1990 du chardonnay et du kékfrankos rosé. Puis il fonde Saint-Donatus, un domaine d'une soixantaine d'hectares. Inspiré de ses voyages en Australie, en Allemagne, en Afrique du Sud et en France, il se lance dans la création de vins de type merlots et de cabernet-sauvignon de type bordelais.
Des vins minéraux et salés
Son fils Daniel suit le même parcours. Ils créent ensemble Konyári Pincészet, un chai semi-enterré et une cuverie conçue par gravité, une des premières du pays, à Balatonlelle. Ils produisent jusqu'à 200 000 bouteilles à partir de leurs propres vignes et d'achats de raisin.
Dans une région de blanc, ils osent les vins rouges qui représentent 70 % de leur récolte. Ils vendent 90 % de leur production en Hongrie à un grossiste et au caveau, de 3 euros à plus de 40 euros selon les cuvées. Ils exportent le reste.
En 2004, fort de son succès, János Konyari crée Ikon, un domaine pour « vendre à l'export des vins surprenants et d'un bon rapport qualité prix », soutient le père. Effectivement, le cabernet franc, vendu autour de 7 euros, exprime ici une vraie personnalité et prouve que la Hongrie, réputée pour ses vins blancs, peut produire de superbes rouges au sud du Balaton.
Changeons de rive et de paysage. Le nord du lac est une succession de petits volcans et de pentes orientées sud et sud-est. Les vins ont des caractéristiques reconnaissables entre toutes : une belle minéralité et un côté salé et frais, qu'ils soient blancs ou rouges. Mais chaque mont a un terroir et un climat spécifique. Autour du Badacsony, c'est le basalte qui domine. A Balatonfüred-Csopak, la terre est riche en fer.
Le tourisme, une aubaine
Dans les vins, ces nuances se ressentent. « L'acidité est apportée par le basalte, mais la note florale vient de la couche de sable que la mer de Pannonie a laissé à la surface en se retirant de Transdanubie », explique David Brazsil, chargé des nouveaux décrets AOP à la Communauté des vins à Budapest (l'équivalent de notre Inao) et jeune producteur dans le nord Balaton.
On trouve dans ces appellations des cépages autochtones comme le kéknyelü, le bakator, blanc, gris et noir et le pintes. Mais c'est surtout l'olaszlrizling, le szürkebarat (pinot gris) et le cserszegi füszeres, aux arômes fumés, qui font la réputation de la région. De plus en plus de vignerons se lancent également dans la production de rouges et de rosés, comme la famille Figula ou Istvan Jasdi, installés respectivement à Balatonfüred et Csopak.
Pour les vignobles du Balaton, les touristes sont une aubaine. Les centres de balnéothérapie alternent avec les caves, les restaurants et les terrasses surplombant le lac. Plage le jour, fiesta arrosée de vin en soirée. Les fêtes de vin, très nombreuses, permettent un revenu intéressant, les dégustations étant bien sûr payantes.
Toute cette animation donne espoir à David Braszil qui s'installe comme jeune agriculteur avec huit hectares plantés et, en projet, la construction d'une cave. « Le tourisme est un beau modèle économique pour la région, dit-il. Il a sauvé la viticulture et donne un élan continuel aux caves. C'est la plus grande fortune de la région ! »