Axé sur la vente directe, le vignoble d'Anjou-Saumur a toujours cultivé l'art de l'accueil du public. Comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, beaucoup de vignerons ont pratiqué l'œnotourisme avant même que le terme soit créé. De manière très simple tout d'abord, en accueillant le public à tout moment pour une dégustation vente.
Au cours des années, l'offre s'est étoffée et structurée. Les vignerons se sont mis à soigner l'accueil en aménageant des caveaux de dégustation chaleureux, des salles pour recevoir des groupes, voire à proposer des repas avec accords mets et vins, ainsi que des visites de vignes ou de l'exploitation. Sans parler des créations de gîtes ou de chambres d'hôtes.
Dès les années quatre-vingt, le Civas (l'interprofession des vins d'Anjou-Saumur de l'époque) a commencé à organiser les choses. Une association pour la valorisation du tourisme viticole a été créée en 1987. Un guide intitulé « Promenade pour œnophile en Anjou-Saumur » est publié au tout début des années 1990. Suivra la route des vins, inaugurée en 1993, dont le fléchage a été totalement revu en 2005. Depuis, chaque cave dispose de panneaux indicateurs identiques sur fond rouge.
Depuis deux ans, l'ensemble des caves accueillant le public peut adhérer à la charte initiée par InterLoire pour tout le Val de Loire. Une centaine de sites (caves de viticulteurs, négoces ou caves coopératives) est désormais référencée dans ce réseau de caves touristiques en Anjou-Saumur.
300 000 visiteurs dans les caves labellisées en 2010
Ce chiffre est amené à grossir, car les caves qui veulent se prévaloir de la marque Vignobles & découvertes obtenu par la vallée du Layon en 2010, doivent toutes adhérer à une charte de qualité de l'accueil, en l'occurrence celle d'InterLoire. Le Saumurois va déposer un dossier pour obtenir cette même marque, décernée par le Conseil supérieur de l'œnotourisme.
« On estime que 300 000 visiteurs sont passés en 2010 dans la centaine de caves d'Anjou-Saumur labellisées pour leur accueil », souligne l'interprofession.
InterLoire gère également deux maisons du vin à Angers et Saumur. Deux établissements placés à proximité, voire collés aux offices du tourisme. Ces deux maisons font déguster et vendent des vins d'appellation sélectionnés à l'aveugle par un jury de professionnels de la filière. Au total, elles vendent entre 55 000 et 60 000 bouteilles chaque année. « C'est une vitrine pour nos vins, avant d'être un lieu de vente. On y accueille entre 15 000 et 20 000 personnes par an», précise Christian Vital, le directeur du bureau d'InterLoire à Angers.
Autre vitrine du vignoble : le musée de la vigne et du vin à Saint-Lambert-du-Lattay (Maine-et-Loire). Au cœur du Layon, il accueille 6 000 visiteurs par an, dont un bon millier de scolaires au moment des vendanges. Un vaste projet de réfection est en cours pour dynamiser le lieu. De nouveaux locaux, de nouvelles animations, un parcours moins statique avec son et image sont en cours de réflexion, pour un budget de l'ordre de 1,5 million d'euros.
Une vingtaine de Layonbox à l'essai
Enfin, une dernière initiative a vu le jour en décembre pour dynamiser le tourisme à une période creuse de l'année. La Layonbox est née d'un partenariat entre la fête des vins d'Anjou, qui aura lieu cette année les 26 et 27 février, la municipalité de Chalonnes-sur-Loire et l'agence de développement Loire en Layon.
A l'image des Smartbox, il s'agit d'un coffret cadeau comprenant sur un weekend : l'hébergement dans un gîte rural, les entrées à la fête pour les deux jours et pour la soirée cabaret, une initiation à la dégustation et une visite au musée de la vigne et du vin… Une vingtaine de box est en vente pour ce premier essai qui devrait être étendu à d'autres événements si le succès est au rendez-vous.
« En Anjou-Saumur, les prestations abouties se développent, avec des offres de très belle qualité dans les domaines. On est passé à l'étape du tourisme, bien au-delà de la simple vente directe », signale Anne-Sophie Lerouge, responsable œnotourisme à InterLoire.
260 000
C'est le nombre de visiteurs à Terra Botanica, le parc du végétal ouvert au printemps 2010 près d'Angers. S'il est très axé sur le végétal d'ornement, il offre une place à la vigne, avec la reconstitution d'un mini-coteau planté de divers cépages. Et la boutique propose une sélection de vins d'Anjou-Saumur à la vente.
Le Point de vue de
Michel Launay, responsable œnotourisme chez Langlois-Chateau, négociant spécialisé dans les crémants de Loire (600 000 bouteilles sur 1,2 million), à Saint-Hilaire-Saint-Florent (Maine-et-Loire)
« Nous avons décidé d'ouvrir les coulisses du vin »
Son offre
Langlois-Chateau propose une découverte des « Coulisses du vin ». Le négociant, spécialiste des crémants de Loire, a bâti un concept en quatre actes. Acte I : l'école du vin. Dans une sorte de classe aménagée, on dessine au tableau de manière très simplifiée l'art et la manière de produire des vins blancs, rouges ou rosés. Acte II : le groupe est emmené dans les chais où sont présentés cuveries, pressoirs… A la belle saison, il passe aussi par les vignes attenantes de l'entreprise. Acte III, le plus spectaculaire : le groupe se promène dans les caves troglodytiques de tuffeau, où sont détaillées les étapes d'élaboration des vins à bulles. Enfin, acte IV : une dégustation commentée clôture la visite. Soit au total, de l'ordre de 1 h 30 à 2 heures de visite.
Son organisation
Le parcours, lancé en 2009, est ouvert toute l'année, sans rendez-vous du 1er avril au 15 octobre. Deux personnes employées à plein-temps toute l'année et des saisonniers reçoivent les visiteurs. « En pleine saison, nous sommes quatre par jour », résume Michel Launay, le responsable œnotourisme de l'entreprise qui officie comme guide et comme responsable du caveau de vente. Basée à Saint-Hilaire-Saint-Florent, tout près de Saumur, Langlois-Château profite du passage des nombreux touristes en visite dans le Val de Loire. Le site a reçu un prix d'excellence du réseau des Caves touristiques d'InterLoire. Les Coulisses du vin figurent également dans un coffret Smartbox. Cela permet de toucher une nouvelle clientèle, plutôt parisienne.
Ses investissements
100 000 euros ont été investis dans ce parcours ouvert en 2009. L'objectif est de poursuivre les investissements avec la réfection du caveau de vente et la création d'une salle de 300 m2 pour accueillir de grands groupes.
Ses résultats
Trop tôt pour voir les retombées. Cependant, « la satisfaction est palpable chez les visiteurs. On pense que le bouche à oreille va fonctionner », indique Michel Launay. Il y a de quoi. En 2010, Langlois-Château a reçu quelque 10 000 visiteurs, dont beaucoup de touristes individuels, parmi lesquels 50 % d'étrangers.
« On pourrait faire mieux, mais on propose une vraie visite guidée et commentée, pas un simple coup d'œil dans une entreprise. Aujourd'hui, on est obligé de refuser les visiteurs qui souhaitent simplement faire un tour dans les vignes. On va réfléchir à la possibilité d'un passage uniquement par les vignes et le caveau pour des visiteurs un peu pressés. » Ces derniers pourront grimper en haut d'une parcelle de 16 hectares attenante au chai du négociant, plantée sur un coteau, pour contempler la Loire et sa vallée, ainsi que le château de Saumur à l'horizon.