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DOSSIER - Loi Evin. Vingt ans de frictions.

Cinq grandes batailles législatives

AURÉLIA AUTEXIER - La vigne - n°228 - février 2011 - page 16

La loi du 10 janvier 1991 sur la publicité en faveur des boissons alcoolisées fête ses vingt ans. L'occasion d'un état des lieux après deux décennies de bagarre…
31 juillet 1991. Elargissement de la liste des supports autorisés à la publicité. Les parlementaires rajoutent comme exception à l'interdiction de la loi Evin, les « affichettes, tarifs, menus ou objets à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé ».

31 juillet 1991. Elargissement de la liste des supports autorisés à la publicité. Les parlementaires rajoutent comme exception à l'interdiction de la loi Evin, les « affichettes, tarifs, menus ou objets à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé ».

8 août 1994. Dans sa version initiale la loi Evin autorisait l'affichage uniquement dans les zones de production. Cette restriction saute… Désormais, l'affichage est permis sur tout le territoire national… Les prohibitionnistes ne nous pardonneront jamais cet assouplissement…

8 août 1994. Dans sa version initiale la loi Evin autorisait l'affichage uniquement dans les zones de production. Cette restriction saute… Désormais, l'affichage est permis sur tout le territoire national… Les prohibitionnistes ne nous pardonneront jamais cet assouplissement…

2 juillet 1998. Autorisation de la publicité sous forme « d'offre d'objets réservés à la consommation de boissons alcoolisées marquées aux noms des producteurs dans le cadre de la vente directe de leurs produits aux consommateurs ».

2 juillet 1998. Autorisation de la publicité sous forme « d'offre d'objets réservés à la consommation de boissons alcoolisées marquées aux noms des producteurs dans le cadre de la vente directe de leurs produits aux consommateurs ».

23 février 2005. Elargissement du contenu du message publicitaire au « références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ». La publicité pour les vins, particulièrement ceux bénéficiant d'une appellation ou d'une indication géographique, est plus libre. Elle peut se révéler plus créative par la mise en valeurs des caractéristiques sensorielles des vins.

23 février 2005. Elargissement du contenu du message publicitaire au « références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit ». La publicité pour les vins, particulièrement ceux bénéficiant d'une appellation ou d'une indication géographique, est plus libre. Elle peut se révéler plus créative par la mise en valeurs des caractéristiques sensorielles des vins.

Internet fait partie de la liste des supports autorisés pour la publicité à l'exclusion des sites destinés à la jeunesse et ceux liés au sport. Le message ne doit être ni intrusif ni interstitiel.

Internet fait partie de la liste des supports autorisés pour la publicité à l'exclusion des sites destinés à la jeunesse et ceux liés au sport. Le message ne doit être ni intrusif ni interstitiel.

La loi Evin a agi comme un dangereux engrenage. C'est une fois la machine lancée que le monde viticole s'est rendu compte du danger…

Que dit la loi, codifiée dans le code de la santé publique ? Elle pose un principe d'interdiction de la publicité pour des raisons de santé publique. En matière de tabac, l'interdit est absolu. En matière d'alcool, des exceptions existent.

Le risque encouru en cas de non-respect du texte est de taille : le contrevenant s'expose à des sanctions pénales, en particulier 75 000 euros d'amende ou 50 % des frais engagés dans l'action illégale.

Cette loi est étonnante, car elle inverse un principe fondamental de liberté. En général, on peut faire tout ce qui n'est pas interdit. Là, au contraire, la loi pose une liste positive de pratiques autorisées. Ce qui n'est pas dans la liste est interdit.

Le cadre est donc très rigide. Dans sa version initiale, le texte prévoyait sept médias ouverts à la publicité. Parmi eux : « La presse écrite, à l'exclusion des publications destinées à la jeunesse », « La radio, dans des tranches horaires précises », « Les affiches et enseignes dans les zones de production »…

La loi a aussi posé un principe de limitation du contenu même du message publicitaire. Dans sa version d'origine, seules sept mentions étaient permises dont le degré et l'origine des boissons (premier paragraphe de l'art. L. 3323-4 du code de la santé publique).

20 000 manifestants

Depuis son adoption, le monde du vin n'a eu de cesse « d'arrondir » la loi Evin. « Notre premier combat a été d'attaquer tous les décrets d'application pour éviter une aggravation des restrictions légales », explique Jérôme Agostini, directeur du Comité national des interprofessions viticoles.

Puis, le monde viticole, via certains parlementaires élus de régions productrices, s'est attaqué aux failles du texte. Exemple : un décret devait définir les modalités de l'affichage « dans les zones de production ». La notion étant difficile à définir, elle a fini par disparaître…

« Cet amendement a ouvert une brèche ! Nos opposants ne nous l'ont jamais pardonnée », note Jérôme Agostini.

Dans la bataille entre pro et anti-loi Evin, l'année 2004 est essentielle. En janvier, l'interprofession des vins de Bourgogne voit sa campagne publicitaire censurée. Le 25 février, 2 000 vignerons manifestent à Chalon-sur-Saône (Saône-et- Loire). Les organisations nationales s'unissent pour financer un encart dans la presse grand public interpellant l'opinion sur cette question : « L'interdit est-il le seul avenir du vin en France ? » Une première !

Quelque mois plus tard : rebelote. Cette fois, une campagne de lutte contre l'alcoolisme met le feu aux poudres. Le vin y est symbolisé au travers d'un sablier rempli de sang. D'un côté, la profession se sent attaquée par cette image. De l'autre, elle voit sa propre promotion muselée.

Le ras-le-bol est général : le 8 décembre, 20 000 vignerons manifestent dans toute la France. Du jamais vu… Parmi les revendications : amender la loi Evin pour permettre aux interprofessions de mieux communiquer et autoriser la publicité sur le web… « Il a fallu la mobilisation de toute la filière et le poids de tous ces manifestants pour nous faire entendre », se souvient Delphine Blanc, directrice des relations institutionnelles de Vin & société.

La théorie de Ledermann remise en cause

Sully Ledermann (1915-1967) est un démographe français qui s'est intéressé à l'alcoolisme.

Ses travaux ont abouti à la loi dite de Ledermann. Celle-ci se résume ainsi : la consommation moyenne d'alcool d'une population détermine la proportion de buveurs excessifs dans cette même population.

Cette théorie est devenue une référence pour de nombreux intervenants dans le domaine de la santé publique. Selon ses partisans : il suffirait d'abaisser la consommation moyenne d'alcool dans une population pour faire reculer l'alcoolisme.

Publié en 2000, le rapport d'évaluation sur la loi Evin, constate : « La validité scientifique de la théorie de Ledermann est au cœur d'une polémique. » Et de citer l'ouvrage du professeur Jacques Weill, intitulé « Pour une lecture critique de la loi de Ledermann », publié en 1993. L'auteur y remet en cause la valeur mathématique de la théorie. Et note « qu'on ne peut pas conclure qu'une baisse de la consommation moyenne d'alcool permet de lutter efficacement contre les méfaits de l'alcoolisme ».

Il semble y avoir aujourd'hui consensus dans la communauté scientifique pour admettre la faiblesse de la démonstration mathématique de Ledermann…

Cet article fait partie du dossier Loi Evin. Vingt ans de frictions.

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