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AU COEUR DU MÉTIER

En Charente, chez Arnaud Bridier « Je distille pour conserver la marge »

Florence Bal - La vigne - n°228 - février 2011 - page 22

Depuis son installation avec son père, il a spécialisé et agrandi le domaine familial afin de se concentrer sur la production de cognac. Après des temps difficiles, il reconstitue des stocks d'eau-de-vie pour faire face aux aléas.
L'ALAMBIC est entièrement automatique. Il régule la température de distillation selon les courbes programmées. Il est capable de réaliser les coupes, c'est-à-dire de séparer les différentes qualités d'eau-de-vie. Mais pour la bonne chauffe, la seconde distillation, celle qui produit le cognac, il préfère procéder manuellement. « Quand l'alcoolmètre arrive à 58,5°, je coupe le cœur de chauffe et je passe les secondes », explique-t-il. PHOTOS F. BAL

L'ALAMBIC est entièrement automatique. Il régule la température de distillation selon les courbes programmées. Il est capable de réaliser les coupes, c'est-à-dire de séparer les différentes qualités d'eau-de-vie. Mais pour la bonne chauffe, la seconde distillation, celle qui produit le cognac, il préfère procéder manuellement. « Quand l'alcoolmètre arrive à 58,5°, je coupe le cœur de chauffe et je passe les secondes », explique-t-il. PHOTOS F. BAL

ARNAUD BRIDIER taille en guyot double avec deux baguettes de six à huit yeux et deux coursons. Il attache à plat. Il vise un rendement minimal de 130 hl/ha. Grâce à son alambic automatique, il peut tailler pendant la distillation.

ARNAUD BRIDIER taille en guyot double avec deux baguettes de six à huit yeux et deux coursons. Il attache à plat. Il vise un rendement minimal de 130 hl/ha. Grâce à son alambic automatique, il peut tailler pendant la distillation.

Arnaud Bridier possède un parc de 60 barriques de 400 litres dans lequel il élève ses cognacs (VS) et pineau des Charentes. Tous les mois, il contrôle la couleur et l'évolution du pineau par une dégustation. Derrière lui, le tonneau de 80 hl accueillera la réserve de gestion qu'il a constituée cette année.

Arnaud Bridier possède un parc de 60 barriques de 400 litres dans lequel il élève ses cognacs (VS) et pineau des Charentes. Tous les mois, il contrôle la couleur et l'évolution du pineau par une dégustation. Derrière lui, le tonneau de 80 hl accueillera la réserve de gestion qu'il a constituée cette année.

« J'ai décidé de faire le métier jusqu'au bout, de la taille à la distillation. » Arnaud Bridier s'installe en 2003 et rejoint son père dans la SCEA familiale avec cette idée en tête. A l'époque, le domaine de la Vennerie exploite 22 hectares de vignes à Réparsac (Charentes), en Fin Bois. Il ne distille que les eaux-de-vie qu'il commercialise. La famille élève aussi vingt-deux vaches allaitantes. Josette, la mère d'Arnaud, travaille à l'extérieur, mais elle assure aussi la comptabilité.

Pour Arnaud, la priorité est de monter son « alambic pour distiller la récolte et conserver la marge ». Mais ses ambitions sont limitées par la crise. « A cette période, les quotas de production de 6 à 7 hectolitres d'alcool pur par hectare (AP/ha) ne permettaient pas de dégager un bénéfice, ni de stocker, explique-t-il. Les contrats avec les maisons de négoce étaient à minima. Elles achetaient très peu en vins et pas du tout d'eaux-de-vie rassises. »

Deux réserves pour voir venir

2007 amène une importante embellie. Le rendement autorisé remonte à 10,6 hl d'AP/ha. Arnaud Bridier parvient à transformer les contrats d'achat de vins qu'il avait avec Hennessy et Martell, en contrats d'eau-de-vie. Une aubaine. « Les jeunes viticulteurs ont été très favorisés. J'en ai bénéficié. »

A partir de là, son rêve est à portée de main. Il achète un alambic d'occasion d'une capacité de 28,89 hl qu'il fait entièrement automatiser, investissant 108 000 €. En 2008, il distille toute sa récolte. « Les sept premières années, compte tenu de l'amortissement de l'investissement, le coût de la distillation me revient à 90 €/hl contre 140-145 €/hl lorsqu'ils étaient facturés », évalue-t-il.

Depuis les rendements autorisés sont restés tout à fait honnêtes, de 10,85 hl d'AP/ha en 2008 et 9 hl/ha en 2010. De quoi dégager un revenu intéressant ! Le bilan est positif, d'autant que le viticulteur a su tirer avantage de la crise : en sept ans, il s'est agrandi et a acheté 18 ha de vignes à « un bon prix ». C'est dans ce contexte qu'en 2009, la profession met en place la réserve climatique. Chaque viticulteur peut stocker 5 hl d'AP/ha en compte 00, c'est-à-dire sous inox, avec interdiction de les élever sous bois. Cette réserve ne peut être libérée que pour compenser un déficit de récolte.

« Comme je possède mon alambic, pour moi, c'est une très bonne chose, affirme le viticulteur. C'est un gage de sécurité si on subit un accident climatique. La réserve permet d'atténuer les variations de rendements. » Prudent, il reste tout de même assuré contre la grêle. « Car nous avons une surface importante », justifie-t-il. Dès la première année, il a constitué le maximum de réserve climatique qu'il pouvait, c'est-à-dire 4 hl d'AP/ha sur les 5 autorisés, soit 123 hl d'alcool pur.

En 2010, un autre dispositif est mis en place, à l'initiative du Syndicat des viticulteurs bouilleurs de cru (SVBC) : la réserve de gestion. Il autorise le bouilleur à constituer une réserve de 0,5 hl d'AP/ha, en plus des 9 hl de rendement autorisé. Ces eaux-de-vie sont élevées sous bois. Elles ne sont libérables qu'à partir du compte 4 pour une moitié (soit le premier avril 2015) et de compte 6 pour l'autre (2017). De cette manière, les bouilleurs de crus peuvent reconstituer des stocks.

« En 2010, j'ai pu constituer toute la réserve de gestion et finir la réserve climatique », indique Arnaud Bridier. De quoi voir venir. Idéalement, pour ses vins, il recherche entre 9 et 9,5° naturels à la récolte, avec un maximum de 11° et de belles acidités (6-7 g de H2SO4/l). Il opte pour des pressurages courts « de façon à ne pas trop extraire les composés végétaux ». Il levure à pleine dose (20 g/hl) et les années sèches comme en 2010, il ajoute 20 g/hl d'azote « car les moûts sont carencés. La distillation concentre les bonnes comme les mauvaises choses. Il faut être vigilant », ajoute le Charentais.

Depuis 1995, le domaine tient quatre chambres d'hôtes, grâce auxquelles il a développé ses ventes directes. Il vend environ 1 000 bouteilles de Cognac et 8 000 de Pineau ainsi qu'une « liqueur gazéifiée » (pineau à bulles) « qui plaît bien ». « Ce serait bien de les développer encore en participant à davantage de foires », estime-t-il. Ayant totalement arrêté l'élevage à la fin de 2010, il aura plus de temps pour cela.

Père et fils sont en phase sur tout, sauf sur une chose. Le père estime que 40 ha suffisent, d'autant que cette surface correspond au potentiel de l'alambic. Arnaud souhaite arriver à 50 ha « pour pérenniser l'entreprise ». Il y tient dur comme fer. C'est leur seul point d'accroche. Mais il pèse peu par rapport à leur profonde satisfaction d'être devenus bouilleurs de cru et de produire l'eau-de-vie de leur propriété.

Et si c'était à refaire ? « Je poursuivrais mes études »

« Je n'aurais pas dû arrêter mes études si vite. Après mon BTS vitioeno, j'aurais dû poursuivre pour obtenir un diplôme d'œnologue et acquérir davantage de connaissances. Je ne l'ai pas fait parce que je souhaitais revenir rapidement sur l'exploitation. Maintenant, je vais suivre des cours sur la dégustation des eaux-de-vie. Si c'était à refaire, je monterais aussi mon alambic tout de suite après mon installation. Mais à l'époque, compte tenu de la forte crise dans le vignoble et des achats de vigne que j'ai réalisés, cela n'était pas possible. De même, j'investirais dans un nouveau pressoir beaucoup plus tôt, pour améliorer la qualité des vins et pour augmenter le confort de travail. Jusqu'à cette année, j'avais deux Vaslin de 32 hl. Ces matériels n'étaient plus en phase avec la surface de l'exploitation suite à son agrandissement. C'était très contraignant sur le plan du nettoyage, avec beaucoup de manutention. J'ai acheté un pressoir pneumatique Bucher 80 hl sur châssis mobile. Il sera opérationnel pour la prochaine vendange. »

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L'EXPLOITATION

Main-d'œuvre : lui, son père et deux saisonniers.

Surface : 40 hectares.

Appellations : Cognac et Pineau des Charentes.

Encépagement : ugni blanc (39,5 ha) et merlot.

Taille : guyot double.

Densité : 2 780 pieds/ha.

Production : 4 500 hl de vin à 9° donnant 405 hl d'alcool pur.

Prix de vente au négoce

Environ 860 €/hl d'eau-de-vie nouvelle.

Les ventes directes

1 000 bouteilles de Cognac VS à 15 €/col TTC, prix départ.

8 000 bouteilles de Pineau et de liqueur gazéifiée au prix départ propriété de 8-10 € TTC.

Les résultats

CA 2010 : 350 000 €.

L'essentiel de l'offre

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