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VIN

Préparer les vins à la filtration

Cécile Vuchot - La vigne - n°228 - février 2011 - page 36

La préparation des vins à la filtration se fait très souvent au dernier moment. Dans la hâte, les vins peuvent être insuffisamment collés. Ils peuvent colmater les filtres et entraîner des coûts et des pertes de temps. Voici comment éviter ces désagréments.
FILTRATION SUR TERRE Cette opération améliore considérablement la filtratibilité des vins sur cartouches ou membranes. Encore faut-il la préparer par un collage judicieux.

FILTRATION SUR TERRE Cette opération améliore considérablement la filtratibilité des vins sur cartouches ou membranes. Encore faut-il la préparer par un collage judicieux.

1. Soutirez après fermentation

Soutirez vos vins dès la fin de la dernière fermentation, alcoolique ou malolactique. Cette simple opération élimine la majeure partie des particules solides et celle de la charge microbienne. C'est aussi le premier geste d'élevage qui prévient les déviations sensorielles.

2. Commencez assez tôt

Il paraît raisonnable de prévoir au moins vingt jours pour préparer un lot à la filtration finale. En effet, assemblage, collage, filtration dégrossissante, puis passage au froid toutes ces opérations précédant la filtration finale prennent beaucoup de temps. Il faut donc démarrer tôt, car les vins insuffisamment préparés colmatent les filtres, ce qui entraîne des surcoûts. L'autre solution est d'opter pour la microfiltration tangentielle avec laquelle une filtration suffit pour obtenir un vin limpide. En revanche, elle ne remplace pas une filtration stérile.

3. Faites un bilan complet du vin

Avant chaque filtration, demandez à votre laboratoire une analyse complète des paramètres œnologiques, mais aussi microbiologiques. « Quand on me demande : comment dois-je filtrer mon vin ? Je réponds : que contient-il ? déclare Patrick Dardé, œnologue chez Begerow. C'est par là qu'il faut commencer. Contient-il des levures ? Combien ? Sont-elles vivantes ? Et des sucres résiduels ? »

Votre œnologue doit également connaître l'histoire et le devenir du vin. Un vin thermo-vinifié sera bien plus dur à filtrer qu'un vin issu d'une vinification classique au cours de laquelle on a employé des enzymes d'extraction.

4. Procédez à des essais de collage

Le collage est l'opération la plus importante de la préparation des vins à la filtration. Ce traitement vise deux objectifs, l'un technologique, l'autre organoleptique. Il clarifie et stabilise les vins ce qui améliore leur filtrabilité. Il les rend aussi plus flatteurs : plus brillants, plus souples, plus ronds…

Les colles protéiques (gélatine, colle de poisson, albumine, protéines végétales) éliminent des colloïdes (composés phénoliques, complexes métalliques et polysaccharides) qui colmatent les filtres et les précurseurs de troubles. La gélatine (3 et 10 g/hl) est très efficace sur les vins rouges jeunes. Il faut la choisir peu hydrolysée (poids moléculaire moyen de ses protéines compris entre 50 000 et 100 000 Daltons).

Pour les blancs, la caséine (10 à 50 g/hl) est une excellente colle qui améliore efficacement la filtrabilité. La bentonite (10 à 20 g/hl) est utilisée en complément pour faciliter la sédimentation et éliminer les précurseurs de trouble protéique.

« Assemblez vos vins bruts avant de faire vos essais de collage, car chaque cuve a son propre équilibre. Or, l'assemblage provoque souvent un déséquilibre, entraînant un trouble », explique Pierre Cros, œnologue conseil à Méditerranée œnologie (Hérault). Ceux qui collent leurs vins avant de les assembler risquent donc d'avoir à recommencer.

5. Patientez le temps du collage

Il faut compter environ dix jours pour qu'une colle agisse et que les floculats se déposent dans le fond de la cuve. Cette durée varie selon la température du chai, la hauteur et la forme des cuves. Par temps froid et avec des cuves hautes, il faut plus de temps. Prenez garde aussi aux variations de température qui peuvent créer des mouvements dans une cuve sans grande inertie thermique, et remettre en suspension les floculats.

Si vous ne respectez pas ce délai, vous risquez de filtrer un vin encore trouble et de colmater le filtre. Un gâchis d'autant plus grand qu'il faudra recommencer le collage et la filtration…

6. Pensez aux enzymes

Les vins issus de raisins pourris, de vinifications agressives ou de thermovinification se filtrent difficilement. « L'enzymage est nécessaire pour réduire leur viscosité », estime Pierre Cros. Pour éliminer les colloïdes et les glucanes de botrytis, employez des préparations à bases de glucanases.

Les enzymes peuvent améliorer la filtrabilité de tous les vins. L'offre en la matière s'étoffe. Novozymes et Lamothe Abiet viennent ainsi de lancer Vinoflow Max. Il s'agit d'une préparation liquide qui nécessite cinq jours de contact avec le vin avant filtration et qui est efficace dès 8°C. Selon Novozymes, elle permet de récupérer davantage de vin en utilisant moins de kieselguhr et de filtrer à un meilleur débit (voir page 43).

Les préparations destinées à améliorer la filtrabilité des vins sont des mélanges de pectinases et de bétaglucanases (ex : Rapidase Filtration d'Œnobrands, Extralyse de Laffort…). Certaines d'entre elles contiennent également des écorces de levures (gamme Natur' de Lamothe Abiet, Affimento d'ŒnoFrance), en vue de remplacer l'albumine d'œuf pour stabiliser la matière colorante, réduire les micro-organismes et affiner le vin.

7. Evaluez la filtrabilité

Une observation à l'œil nu ne suffit pas pour prévoir la filtrabilité d'un vin. La dégustation non plus. Avant chaque filtration, il convient de réaliser des tests appropriés.

Lorsque la turbidité dépasse 3 NTU, la mesure de l'indice de colmatage n'est pas valable. Utilisez plutôt le CFLA, critère de filtration Lamothe Abiet. Si le CFLA est supérieur à 200, la filtration est impossible ou alors elle décharne le vin. Il faut coller, enzymer ou attendre que le vin se clarifie. Si le CFLA est inférieur à 200, on mesure la turbidité pour déterminer le meilleur média à utiliser. Par exemple, pour une turbidité entre 15 et 50 NTU et un CFLA entre 50 et 200, on prendra de préférence une terre lâche ou fine.

Lorsque la turbidité du vin est inférieure à 3 NTU, utilisez l'indice de colmatage (IC) pour déterminer la filtrabilité sur membrane 0,65 μm. « Ça prend dix minutes, mais peu de caves le font », regrette Patrick Dardé. Cet indice doit être inférieur à 20.

8. Filtrez après la remontée des températures

Le vin froid dissout facilement l'oxygène, qui devient actif lors de la remontée des températures et oxyde le vin. Il est aussi plus colmatant. Attendez que le vin se réchauffe au-delà de 15°C avant de le travailler. Sinon, inertez vos tuyauteries et cuves le plus possible. Le vin peut ensuite être stocké en attendant la commande de tirage.

Le Point de vue de

Alexandre Vrolant, œnologue des Vins Moulin de Gassac, dans l'Hérault

« Je vérifie l'indice de colmatage systématiquement »

Alexandre Vrolant, œnologue des Vins Moulin de Gassac, dans l'Hérault

Alexandre Vrolant, œnologue des Vins Moulin de Gassac, dans l'Hérault

« On est souvent pressé de sortir les vins, mais je pense qu'il faut les laisser sur colle au moins deux semaines, pour faciliter les filtrations dégrossissantes. Après ces premières filtrations, je tiens à ce que l'indice de colmatage soit vérifié systématiquement (il faut IC <20), de façon à refiltrer un lot qui aurait un indice trop élevé. C'est indispensable avant que le vin subisse la filtration de finition, qu'elle soit sur membrane ou sur filtre lenticulaire. Sans cela, il risque de colmater, ce qui signifie des frais et des pertes de temps… Je n'emploie pas d'enzyme. Mais certains vins chargés nécessitent un collage plus important avec des gélatines plus hydrolysées et à des doses plus fortes. Après un tel traitement, je procède comme pour les filtrations précédentes, sur filtre kieselghur à cloche inertée, mais avec une terre plus fine. Dans tous les cas, je fais des essais pour choisir la colle et la dose la mieux adaptée pour atteindre le profil recherché. La plupart du temps, il s'agit de gélatine plus ou moins hydrolysée. J'élève les vins - 8 000 hl de rouge - de façon à pouvoir commercialiser une dizaine de profils différents, répartis en trois gammes. Ce sont surtout les assemblages qui permettent de créer les profils. Le collage permet d'ajuster le tir. »

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