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VIN - POUR APPROFONDIR

Les arômes du sauvignon

Frédérique Ehrhard - La vigne - n°228 - février 2011 - page 40

Quels sont-ils ?

Les principaux arômes qui contribuent à la typicité du sauvignon sont des composés soufrés de la famille des thiols. La 4MMP (nouvellement dénommé 4MSP) apporte des notes de buis et de bourgeon de cassis, le 3MH (3SH) évoque le pamplemousse, l'A3MH (A3SH) les fruits de la passion et le 4MMPOH (4MSPOH) les zestes d'agrumes et les fruits exotiques.

Ces composés sont présents dans les raisins sous forme de précurseurs associés à la cystéine ou au gluthation. Ils sont révélés au cours de la fermentation alcoolique. Le sauvignon blanc peut aussi développer des notes végétales dues à des pyrazines comme l'IBMP, des notes florales, fumées ou encore minérales dues au BMT. La palette est large, et permet d'élaborer différents profils de vins.

Qu'est-ce qui détermine le potentiel des raisins ?

Un stress hydrique important réduit le potentiel aromatique, de même que le manque d'azote. Cet élément est indispensable à la synthèse des précurseurs de thiols dans les raisins et à la nutrition des levures lors de la fermentation.

« Analysez l'azote assimilable dans vos moûts. En dessous de 130 g/l, prévoyez une correction au vignoble l'année suivante, en encadrant la véraison par deux pulvérisations foliaires d'azote associé à du soufre. A cette période, ces deux éléments ne risquent pas d'entraîner d'excès de vigueur ou de développement du botrytis. Ils améliorent le potentiel aromatique et la teneur en gluthation, qui protège les arômes de l'oxydation », souligne Thierry Dufourcq, de l'IFV Sud-Ouest.

Attention en revanche au cuivre, qui réduit le potentiel aromatique s'il est présent dans les moûts. Les traitements de la zone des grappes à l'aide de fongicides cupriques après fermeture de la grappe sont à éviter.

Quel est l'impact de l'état sanitaire ?

Il est déterminant. L'état sanitaire doit être excellent. Si ce n'est pas le cas, mieux vaut récolter rapidement. « Les oxydases du botrytis entraînent une perte de typicité », rappelle Thierry Dufourcq.

Quelle est l'importance de la date de récolte ?

Lorsque l'état sanitaire ne pose pas de problème, on peut choisir la date en fonction du profil aromatique recherché. Au cours de la maturation, « le précurseur de la 4MMP est synthétisé en premier. Avec une récolte précoce, le profil sera orienté vers les notes végétales. Avec une date plus tardive, les notes fruitées domineront », relève Amandine Lumineau, en charge du projet Sauvignon blanc de Loire.

Il ne faut pas se précipiter pour autant, mais attendre que l'équilibre sucre-acidité soit satisfaisant. La surmaturité doit être évitée, car elle s'accompagne d'une hausse de la teneur en polyphénols, qui, en se combinant avec les thiols, peuvent affecter le potentiel aromatique.

Quelles précautions prendre à la récolte ?

Les raisins, les moûts et les vins doivent être protégés du contact avec l'oxygène, qui dégrade le potentiel aromatique. Si la vendange est mécanisée, la machine doit être réglée pour éviter toute trituration des baies. Les vendanges de nuit permettent de limiter la température des raisins et de ralentir d'éventuelles oxydations, de même qu'une dose raisonnée de sulfates. L'utilisation de bennes et de pressoirs inertés contribue aussi à la préservation du potentiel aromatique et du gluthation, un antioxydant naturellement présent dans les baies.

Comment les extraire ?

Une grande partie des précurseurs se trouve dans la pellicule. « Pour les extraire, on peut pratiquer la macération pelliculaire, mais aussi jouer sur l'intensité et la longueur des cycles de pressurage ou encore sur le travail des bourbes. Toute la difficulté est d'extraire des précurseurs sans avoir trop de polyphénols », relève Thierry Dufourcq. La macération pelliculaire se pratique en dessous de 12°C, sur des raisins mûrs et en parfait état sanitaire. Elle favorise l'obtention de notes fruitées et apporte du gras ainsi que de la rondeur.

« A cette étape, les levures non Saccharomyces se développent. Elles peuvent contribuer à la formation de thiols comme le 3MH », souligne Isabelle Masneuf-Pomarède, de l'ISVV de Bordeaux.

Après un premier débourbage, on peut réaliser une stabulation à froid « autour de 5°C, sur bourbes fines, en dégustant régulièrement les moûts pour suivre l'évolution du profil aromatique », précise Régine Dupeyron, directrice du laboratoire œnologique de Soussac, en Gironde.

Que se passe-t-il durant la fermentation ?

Des enzymes libérées par les levures coupent la liaison entre la composante aromatique des précurseurs et la composante neutre qui est, soit de la cystéïne, soit du gluthation. Ce faisant, les arômes deviennent perceptibles. La fréquence de cette conversion est faible, de l'ordre de quelques pourcents, mais elle suffit à faire apparaître des notes intenses. Des arômes fermentaires se forment également. La composition du moût, sa richesse en azote, la température et la souche de levure influent sur ces mécanismes.

Qu'est-ce qui influe sur leur libération ?

« La libération des thiols est favorisée lorsque la fermentation se déroule autour de 18°C, avec des moûts débourbés entre 150 et 200 NTU. Cela donne un profil frais, acidulé. A 15°C, avec des jus plus clairs, la production d'arômes fermentaires domine. Le 3MH donne alors de l'A3MH, qui apporte des notes de fruits de la passion », précise Amandine Lumineau.

Par ailleurs, il faut que la fermentation se déroule franchement. Cela suppose de bien aérer les moûts après la perte de 10 à 20 points de densité, stade auquel il n'y a aucun risque d'oxydation. Et pour éviter les arrêts de fermentation, il ne faut pas hésiter à laisser remonter la température à 20°C en fin de fermentation.

Le choix des souches de levures est déterminant. Certaines d'entre elles contribuent mieux à la libération de tel ou tel thiol que d'autres. Mais cette aptitude varie en fonction de la composition du moût et des conditions de fermentation. « Il y a une palette de possibilités. Mieux vaut avoir plusieurs levures pour adapter son choix à chaque cuve. L'objectif n'est pas d'obtenir le même profil avec tous les raisins, mais de vinifier au mieux chaque lot en fonction de son potentiel. On obtient des cuves avec différentes notes aromatiques. D'autres amènent de la rondeur et du gras. L'assemblage permet ensuite d'ajuster le profil du vin à la demande », explique Amandine Lumineau.

Comment les préserver ?

Pour avoir un profil aromatique très intense, mieux vaut commercialiser les vins rapidement en optant pour un bouchage étanche à l'air. « Dans ce cas, la capsule à vis convient bien, mais il faut réduire la dose de SO2 à l'embouteillage pour ne pas trop favoriser le côté réducteur », souligne Amandine Lumineau.

Pour des vins de garde, l'élevage sur lies totales accompagné d'un bâtonnage régulier contribue à stabiliser les thiols et à préserver le gluthation.

Une fois l'élevage terminé, « la conservation peut se faire en cuves bien fermées, en gardant quelques lies légères », précise Régine Dupeyron. Mais les arômes sont mieux préservés en bouteilles. Reste alors à bien choisir le bouchon. Trop étanche, il risque de favoriser l'apparition de goûts de réduit. Trop perméable, il laisse passer de l'oxygène qui annihile les thiols.

Ce sont principalement des composés soufrés

 © P. GLEIZES

© P. GLEIZES

Opération de levurage à Saumur © C. WATIER

Opération de levurage à Saumur © C. WATIER

Les notes de buis ou de pamplemousse, typiques de ce cépage, proviennent de molécules de la famille des thiols. Révélées durant la fermentation, elles sont très sensibles à l'oxydation. D'autres arômes enrichissent les nuances de ce cépage

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