«En vigne large (densité de 4 000 pieds/ ha), le désherbage chimique sous le rang prend environ 2 h/ha/an, analyse Christophe Gaviglio, de l'IFV Pôle Sud-Ouest. On fait deux passages à environ 5 km/h. Lorsque l'on travaille le sol, suivant le nombre de passages (entre trois et cinq, à 3 km/h) et le type d'outils, on met entre 5 et 9 h/ha/an. » Un rapport qui va au moins du simple au double. D'un point de vue économique, toujours selon l'IFV, en vignes larges, le désherbage chimique du cavaillon revient entre 133 et 203 €/an par ha, contre 229 à 309 €/an par ha pour le mécanique.
En vignes étroites, c'est pire. « En désherbage chimique sous le rang, on réalise deux à trois passages par saison, à raison de cinq à six routes simultanément, et à 5-6 km/h, assure Sébastien Debuisson, du Comité interprofessionnel du vin de Champagne. En travail du sol sous le rang, on mène généralement deux routes à la fois, à 2,5 - 3 km/h. Et il faut passer quatre ou cinq fois par saison. »
Dans toutes les configurations, le désherbage mécanique du cavaillon est donc plus chronophage que le chimique. Alors comment gagner du temps ? Voici les tuyaux des experts.
Quand intervenir ?
Le choix de la date d'intervention est la première source d'économie de temps. « Le point clé est le premier passage, en sortie d'hiver, indique Maxime Christen, de la chambre d'agriculture de la Gironde. Il faut passer lentement avec une décavaillonneuse légère ou un outil rotatif. Le but est d'ameublir le sol et de le nettoyer. Si ce passage est bien réalisé, cela facilite ensuite l'entretien avec des lames avec lesquelles on avance plus rapidement. » Lors des passages suivants, les adventices ne doivent pas être trop développées et il est souhaitable de viser une fenêtre météo sans pluie pendant 48 heures.
Comment gagner du temps lors de l'attelage ?
Limiter les opérations d'attelage évite de perdre du temps. « Certains viticulteurs choisissent par exemple de dédier un tracteur au travail du sol. Ainsi, les outils sont attelés à l'année d'où un sérieux gain de temps », note Christophe Gaviglio. D'autres attellent leurs porte-interceps entre-roues, comme ce viticulteur bergeracois : « Grâce à cette disposition, je n'ôte pas les porte-interceps de l'année.» Mais cela n'est possible que dans les vignes de plus de 2 m de large.
Le choix du tracteur joue également beaucoup. « Sur les modèles récents, il n'y a souvent plus de place entre les roues pour fixer les porte-interceps, poursuit Alain Martinet, professeur de machinisme au lycée agricole de Blanquefort (Gironde). Un réservoir additionnel y est souvent situé. On peut demander à l'enlever. Par ailleurs, il peut être intéressant d'opter pour des systèmes d'attelage rapide ou de rotules restant sur la barre d'attelage afin d'optimiser cette opération. »
Comment s'organiser au fil de la saison ?
Combiner le travail sous le rang à une opération différente est un autre facteur d'économie de temps : « Au printemps, le travail du sol interceps peut être jumelé à l'épamprage », suggère Christophe Gaviglio. Thierry Daulhiac, viticulteur à Ra-zac-de-Saussignac (Dordogne), combine le passage de ses lames à la tonte, à la tonte et l'épamprage ou encore à la tonte, à l'épamprage et à l'écimage. Pour résumer, il ne travaille jamais ses dessous de rangs seuls.
Quels outils choisir ?
Les experts en machinisme sont unanimes : l'outil permettant de travailler le plus vite est la lame. Elle peut être passée à 5 ou 6 km/h suivant les conditions, contre 3 km/h au mieux pour les autres interceps. A cette vitesse, elle réalise un bon travail d'entretien. Et ce d'autant plus si « elle est munie d'une petite bavette à l'extérieur, qui permet de bien travailler autour du cep », souligne Alain Martinet.
Néanmoins, il est préférable de ne pas utiliser que cet outil durant toute la saison. « En début de saison, il est judicieux de passer une houe rotative ou une décavaillonneuse pour préparer le terrain, recommande Christophe Gaviglio. Puis on peut réaliser l'entretien à la lame, qui a une vitesse de passage supérieure. Mais il n'y a pas de stratégie type. Il faut s'adapter au sol et aux conditions météorologiques de l'année. Ainsi en 2007, nous avons eu une pluie régulière tout au long de la saison. L'itinéraire le plus rapide s'est avéré être une décavaillonneuse en début de saison, puis une houe rotative, car les conditions étant parfaites, le travail de cet outil a été très performant et nous avons donc effectué moins de passages qu'avec une lame. En revanche, en année sèche, il vaut mieux privilégier les lames. Je recommande donc de disposer de ces trois outils et de tourner suivant les années et les conditions climatiques. »
Faut-il opter pour des réglages automatiques ?
Les dispositifs facilitant le réglage des interceps sont des sources potentielles d'économie de temps.
Ainsi, le réglage automatique de la profondeur de travail, comme le proposent Egretier et Souslikoff, est une option intéressante. Le chauffeur n'a plus à se préoccuper du réglage de ses outils au fil des rangs. Il peut se consacrer à la conduite. Par ailleurs, le travail est de meilleure qualité, ce qui repousse la date d'intervention suivante.
Dans le même ordre d'idées, le recentrage des interceps, comme le propose Pellenc sur ses Tournesol, facilite la conduite. A l'avenir, les systèmes de guidage du tracteur, à l'image du Vinescout, de Clemens, devraient eux aussi procurer un gain de temps. « Nous avons fait des essais d'autoguidage avec interceps dans des vignes irrégulièrement plantées, confirme Sébastien Debuisson. La vitesse de passage était deux fois plus rapide, avec la même efficacité. Mais ce serait mieux dans des vignes plantées au laser ou au GPS. »
Quelle configuration privilégier ?
« Pour réaliser un travail de qualité, il est important d'optimiser le recroisement des outils de part et d'autre du rang », remarque Christophe Gaviglio. Cela est favorisé lorsque l'on travaille un rang entier par passage plutôt que deux demi-rangs. En vignes étroites, c'est généralement le cas, grâce aux enjambeurs. Ces derniers peuvent même travailler jusqu'à trois rangs simultanément. En vignes larges, il peut être intéressant d'avoir recours à un châssis enjambant un rang, comme l'Acolyte, de Boisselet.
Quelles sont les fausses bonnes idées ?
« L'attelage des outils à l'avant du tracteur est une idée intéressante, explique Christophe Gaviglio. Cela procure une bonne visibilité sur les interceps et cela fonctionne très bien avec un sol meuble. En revanche, si la terre est dure, on se retrouve avec un problème d'équilibrage du tracteur : les outils piquent dans le sol et le tracteur patine à l'arrière. » « Sans compter que cela rallonge le tracteur et le rend difficilement manœuvrable en bout de rang », souligne Robert Signoret, de la chambre d'agriculture de l'Hérault.
De même, travailler les vignes larges avec un porteur polyvalent peut sembler intéressant. Cela fonctionne bien en travail interrang. En revanche, « c'est très délicat sous le rang, analyse Christophe Gaviglio. Les outils sont déportés, de ce fait, les dimensions de l'ensemble porteur-outils sont imposantes. Cela devient très difficile à manier et le recentrage sur le rang est indispensable. Pellenc a été le premier à monter deux Tournesols à l'arrière de l'une de ses machines à vendanger, mais je ne suis pas sûr que ce soit très utilisé... »