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VIN

Six conseils pour conserver la fraîcheur des rosés

Cécile Vuch - La vigne - n°229 - mars 2011 - page 58

Le premier risque que courent les rosés lors du stockage en cuve, c'est l'oxydation, surtout lorsqu'ils sont clairs.Voici les points critiques à maîtriser pour livrer des vins à la couleur et aux arômes bien frais.
POUR REPÉRER AU PLUS TÔT toutes déviations oxydatives ou microbiennes, il faut déguster très fréquemment les vins durant leur stockage. © C. WATIER

POUR REPÉRER AU PLUS TÔT toutes déviations oxydatives ou microbiennes, il faut déguster très fréquemment les vins durant leur stockage. © C. WATIER

1. Maintenez une température stable et basse

Lors du stockage en cuve, l'idéal est de maintenir la température en dessous de 15°C et surtout d'éviter tout choc thermique. En effet, les travaux de l'IFV Sud-Ouest indiquent que les arômes se conservent mieux à 4°C, qu'à 12 et 18°C. A la température la plus froide, tous les arômes sont maintenus pendant six à huit mois, à la plus élevée, beaucoup d'arômes amyliques et de thiols sont perdus. Ces essais ont eu lieu sur des vins blancs, mais l'enseignement qu'ils apportent est valable pour les rosés.

La cuve béton peut encore servir

Le Centre du rosé a mené une autre expérience. Durant l'été 2009, il a suivi un rosé stocké, d'une part, en cuve béton à l'intérieur d'une cave et, d'autre part, en cuve inox à l'extérieur. Le premier est resté entre 23 et 25°C. Le second est monté jusqu'à 33°C, tout en subissant de fortes variations de température. Au bout de trois mois, le premier apparaît encore frais, tandis que le second présente des notes d'évolution. Les chocs thermiques lui ont été fatals.

Cette comparaison montre que les cuves béton peuvent encore rendre de bons services, même si elles paraissent, a priori, bien moins adaptées que les cuves inox au stockage des rosés. Encore faut-il qu'elles soient scrupuleusement nettoyées et désinfectées pour éviter les déviations microbiennes.

2. Veillez à avoir assez de SO2 libre

Visez un niveau minimum de 15 à 20 mg/l de SO2 libre et de 0,4 à 0,5 mg/l de SO2 actif dans le vin en stockage. Tenez compte du pH et de la température. Contrôlez régulièrement toutes vos cuves, de manière à réajuster le niveau dès que nécessaire. Lors d'un transfert de vin, ajouter 1 g/hl de SO2 et mesurez l'oxygène dissous afin d'augmenter, si nécessaire, le sulfitage.

3. Prudence avec l'élevage sur lies

On peut élever les rosés très riches en thiols sur lies fines. Mais cette pratique n'est pas conseillée pour les rosés amyliques, c'est-à-dire issus de fermentations à basse température ou de cépages pauvres en thiols comme le cinsault. En effet, l'élevage sur lies « gomme les notes amyliques, ce qui baisse la sensation de fruité », observe Laure Cayla, du Centre des rosés. Il faut donc mieux filtrer ces vins très tôt. Une intervention qui permet également d'éviter l'apparition de faux goûts.

Pierre Gérin, maître de chai du château Roubine, dans le Var, trouve un autre intérêt à la filtration précoce. « Je filtre tous mes vins en février, car je ne veux pas les dégazer lorsque la température a remonté pour ne pas perdre d'arômes, explique-t-il. Je réduis le niveau de CO2 petit à petit, jusqu'à ce qu'il soit proche de celui de la mise. Juste après la filtration, j'ajoute 1 g d'acide ascorbique, qui pompe l'oxygène. En complément, j'injecte un filet d'azote dans les tuyaux, en sortie de pompe. L'azote se mélange au vin et le protège des oxydations. »

4. Evitez de manipuler les vins

« La clé, c'est de ne pas bouger les vins », estime Pierre Gérin. Il considère qu'il faut cinq pompages au maximum entre la fin des fermentations et la mise en bouteilles, pour limiter l'oxygénation des vins.

Pour un pompage respectueux, les œnologues conseillent les pompes péristaltiques, qui apportent moins d'oxygène que les pompes à rotor ou à piston. Mais « l'impact humain est supérieur à celui du matériel », observe Sophie Vialis, d'Inter-Rhône, qui fait des audits oxygènes dans les caves. Evitez de faire couler le vin de toute la hauteur de la cuve de réception, lors d'un transfert. Remplissez de préférence par le bas ou maintenez le manche juste au-dessus du niveau du vin et remontez le au fur et à mesure du remplissage de la cuve.

La charte de conservation des vins publiée par Inter-Rhône préconise de démarrer et de finir les pompages à vitesse réduite, de limiter la longueur des tuyaux et de les inerter avant transfert pour éviter les oxydations. Et puis, évitez de manipuler le vin en dessous de 13°C. « A froid, le vin se sature très vite en oxygène, prévient Sophie Vialis. Attention en particulier au moment de la stabilisation tartrique à froid ! »

5. Embouteillez, si vous ne maîtrisez pas la température

…et que vous avez la possibilité de stocker les bouteilles dans des conditions convenables. Choisissez votre obturateur (bouchon ou capsule) en fonction de son taux de transfert d'oxygène (OTR), qui est déterminant pour l'évolution du vin. Visez 30 mg/l de SO2 libre dans la bouteille, sachant que la teneur maximale légale en SO2 total est 200 mg/l pour les rosés secs.

Réajustez le niveau de SO2 quelques jours avant la mise pour avoir le temps de vous assurer de la stabilité du SO2 libre. Il est conseillé d'ajouter de l'acide ascorbique et de la gomme arabique à la mise, pour prévenir des oxydations et stabiliser la couleur.

6. Tirez en bib au dernier moment

Le Centre du rosé a suivi la conservation d'un rosé en bib pendant douze mois à 20°C. Le vin n'a conservé ses caractéristiques analytiques et organoleptiques que durant trois semaines. Ensuite, la qualité n'a cessé de diminuer. L'analyse sensorielle après 6, 9 et 12 semaines de conservation indiquait une diminution de l'intensité olfactive avec une forte dégradation du fruité au profit de notes épicées et empyreumatiques. Puis le vin devient amer et astringent. Pour que vos rosés se présentent sous leur meilleur jour au consommateur, il faut donc les tirer au dernier moment.

Le Point de vue de

Florian Lacroux, maître de chai du Cellier Lou Bassaquet, à Trets (Bouches-du-Rhône)

« On surveille nos vins comme le lait sur le feu »

Florian Lacroux, maître de chai du Cellier Lou Bassaquet, à Trets (Bouches-du-Rhône) © J. NICOLAS

Florian Lacroux, maître de chai du Cellier Lou Bassaquet, à Trets (Bouches-du-Rhône) © J. NICOLAS

« La cave produit 25 000 hl de rosé sous les appellations Côtes-de-Provence, Sainte-Victoire et IGP Méditerranée. Nos vins ont des arômes thiolés, de fruits à chair blanche, sensibles à l'oxydation. Ils doivent être conservés au froid, donc 95 % de nos cuves de stockage sont équipées de drapeaux. Alors au printemps, lorsque la température remonte, on lance le froid pour maintenir le vin, idéalement à 12°C. Et toutes les deux semaines, on procède à une analyse complète de la cave en SO2 libre. Si une cuve affiche moins de 20 mg/l, on réajuste le niveau. On essaie de bouger les vins le moins possible. Par ailleurs, on s'est équipé d'un générateur d'azote qui permet d'inerter la cuve de départ, les manches et la cuve d'arrivée lors de chaque transfert de vin. Les vins sont vraiment protégés.

J'ai vérifié : après un pompage dans de telles conditions, ils contiennent moins d'un mg/l d'oxygène dissous ! Cette année, on élève nos rosés sur lies fines, en bâtonnant tous les quinze jours à l'azote. Dans ce cas, les vins sont protégés des oxydations, ils peuvent même risquer une réduction… alors je les surveille comme le lait sur le feu, en dégustant chaque semaine. Et je les soutire s'ils me paraissent un peu fermés, avec une odeur de lies. On filtre un mois avant mise. Les vins sont alors arrondis et ouverts, ils sont prêts. »

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