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Nouvelle prudence chez les acheteurs de vignes

Aude Lutun - La vigne - n°229 - mars 2011 - page 83

Depuis l'entrée en vigueur des contrôles au vignoble, les acheteurs se montrent prudents. Avant de signer, ils veulent savoir si les parcelles sont conformes au cahier des charges de leur appellation.
AU-DELÀ D'UN TAUX DE PIEDS MORTS ou manquants, fixé dans les cahiers des charges (souvent 20 %), l'exploitant se voit appliquer une décote proportionnelle à ce taux. © C. WATIER

AU-DELÀ D'UN TAUX DE PIEDS MORTS ou manquants, fixé dans les cahiers des charges (souvent 20 %), l'exploitant se voit appliquer une décote proportionnelle à ce taux. © C. WATIER

« J'ai passé vingt-deux ans à vendre des vignes au même prix, quel que soit leur état. C'est terminé ! » témoigne Philippe Laveix, notaire à Sauveterre-de-Guyenne, en Gironde, et président de Jurisvin, une association de notaires de toute la France exerçant dans les vignobles.

En cause : l'entrée en vigueur des contrôles de conditions de production et des cahiers des charges des AOC. Depuis ces réformes, l'Inao peut déclasser une parcelle mal tenue. De plus, au-delà d'un taux de pieds morts ou manquants, fixé dans le cahier des charges (souvent 20 %), l'exploitant se voit appliquer une décote proportionnelle à ce taux. Si un contrôle révèle 26 % de manquant, le vigneron ne pourra déclarer que 74 % du rendement autorisé.

Tour de vis

En Gironde, le bilan 2010 de Quali-Bordeaux atteste du tour de vis opéré dans le vignoble. L'organisme d'inspection choisi par la plupart des ODG de ce département a jugé 300 ha non conformes aux cahiers des charges car ils sont en friches, en mauvais état sanitaire ou mal entretenus. Et une autre affaire vient de renforcer la méfiance des acheteurs. Récemment, 5 ha ont failli être déclassés dans une propriété de 30 ha du Médoc qui venait tout juste d'être achetée.

Ces nouveaux motifs de déclassement s'ajoutent à ceux qui ont toujours existé comme le non-respect des règles d'encépagement ou de densité de plantation. Ils incitent les acheteurs à y regarder à deux fois avant de passer à l'acte.

« Nous sommes plus prudents qu'avant, poursuit, Philippe Laveix. A l'image de ce qui se passe dans l'immobilier avec les diagnostics termites, plomb, performance énergétique, etc., nous faisons établir un diagnostic de l'exploitation pour éviter un impact désagréable à nos acheteurs.

Avant, on faisait juste expertiser les vins par un courtier assermenté et on établissait un diagnostic des chais pour valider l'absence de TCA. Maintenant s'est ajouté le diagnostic de l'état du vignoble. Avec toutes ces nouvelles contraintes, on tourne la page de la petite exploitation traditionnelle. Il en restera toujours, mais de moins en moins. »

Pas d'impact sur les AOC prisées

Maylis Sichère-Lawton, notaire à Pauillac (Gironde), note elle aussi le regain de prudence des acheteurs, un comportement qui tend à faire baisser les prix : « Mais comme toujours, cela dépend de l'offre et de la demande. A Pauillac, où il y plus d'acheteurs que de vendeurs, les acheteurs acceptent le coût de la remise en conformité. »

Ce que confirme un notaire de Champagne : « Ici, la demande est largement supérieure à l'offre, les acheteurs ne sont pas trop regardants sur l'état des vignes. De plus, le vignoble étant en bonne santé financière, il y a peu de vignes mal entretenues. Cela arrive parfois, notamment pour les petites parcelles qui sont situées loin du siège d'une exploitation.

Chez nous, les acheteurs ne craignent pas le déclassement pour non-respect du cahier des charges, mais le déclassement de la zone AOC. L'Inao va débuter la révision parcellaire dans le cadre de l'agrandissement de l'aire de l'appellation Champagne. Cette épée de Damoclès bloque des transactions ou des arrangements familiaux. »

Un impact sur les relations entre propriétaires et fermiers

La réforme du contrôle des AOC a aussi un impact sur les relations entre bailleurs et fermiers. « L'état des lieux au début du bail reprend de l'importance, souligne Maylis Sichère-Lawton, notaire en Gironde, de même que la répartition des charges entre propriétaire et fermier. » Les charges affairant aux nouvelles plantations sont au centre des négociations. Philippe Laveix, notaire en Gironde, remarque également une plus grande vigilance sur les obligations de chaque partie, ainsi qu'un infléchissement des propriétaires qui acceptent de baisser temporairement un fermage contre l'amélioration ou la remise en état du vignoble.

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