« Comme l'enfant ne peut sortir que du ventre de sa mère, un bon alcool ou un bon vin ne peut sortir que du ventre de la barrique en chêne. » Jean Taransaud est bercé par cette phrase durant toute son enfance et sa jeunesse. Le célèbre tonnelier naît le 2 septembre 1929 à Cognac (Charente). Son père Roger est artisan tonnelier et crée la tonnellerie qui porte son nom en 1940, en pleine Seconde Guerre mondiale. En 1944, Jean et son frère deviennent apprentis chez leur père. Il leur enseigne le métier à la dure.
Cintrer, cercler, monter, il sait tout faire
Les deux frères s'exercent à toutes les facettes du métier jusqu'à les maîtriser parfaitement. Ils apprennent à choisir des chênes des forêts du centre de la France, notamment celle de Tronçais qui fournit un bois « au grain fin et tendre ». Ils apprennent à sécher les merrains pendant trois ans à l'air libre « pour purger la sève et éliminer l'amertume du bois ». Ils s'exercent à manier le marteau, à maîtriser une chauffe, à cintrer les douelles, à monter les fûts et à les cercler de bois ou de fer, etc. Bientôt, ils savent tout faire.
En 1951, l'entreprise s'agrandit. Jean devient contremaître. En 1963, il en prend la direction commerciale. Mais le 15 mai 1968, les ateliers sont entièrement détruits par un incendie. Roger et Jean Taransaud transfèrent leur activité sur leur site de stockage et de séchage du bois, situé à Merpins (Charente), à 4 km. Malgré leur énergie, l'entreprise familiale ne se relèvera pas de ce terrible accident. En 1971, la tonnellerie passe dans le giron de la maison de négoce Hennessy, dont elle devient une filiale, tout en conservant son nom. Roger part à la retraite, Jean est nommé président de l'entreprise. Il le restera jusqu'en janvier 1990. Durant tout ce temps, il est épaulé par un directeur adjoint, nommé par Hennessy qui assurera le volet opérationnel.
Jean Taransaud s'intéresse alors à la transmission du savoir. Il réalise des recherches historiques sur l'origine du métier. En 1976, il publie un ouvrage de 230 pages, « Le livre de la tonnellerie » qu'il dédie à son père. Il y rassemble « des notions fondamentales sur les procédés de fabrication des tonneaux et les outils de tonneliers, avant qu'elles ne soient perdues à jamais en raison de la rapide évolution des techniques », dit-il. Il y raconte « la barrique » ou « le tonneau, « inventés par les Celtes et adoptés par les Romains, contenants dont l'utilité première était de conserver et transporter les denrées ». Il explique les différentes étapes du métier. Il décrit les spécialités des hommes de l'art (merrandier, cercleur, futaillier, lieur de muids…) et toute autre chose relative à la tonnellerie.
A Cognac, en 1977, la crise succède à l'euphorie et la spéculation des années 1975-1976. « Ça le rendait fou de voir les ateliers silencieux, commente Jean Giraud, son directeur adjoint de l'époque. Mais même durant les années noires, il a toujours pris des apprentis. » Et pour trouver de nouveaux marchés, la tonnellerie Taransaud se diversifie vers l'export et l'élevage des vins.
En 1982, Jean Taransaud crée le musée de la tonnellerie, à Cognac. En 1983, il présente une thèse sur les origines de la tonnellerie. Il devient docteur es métiers d'art, de l'université de Paris-Sorbonne. Un cas unique. Il est également nommé expert assermenté auprès de la cour d'appel de Bordeaux. A cette même époque, il devient compagnon du Tour de France, sous le nom Angoumois-amides- arts, car il pratique la peinture à l'huile au couteau et la sculpture. Il joue aussi de l'accordéon, du piano et de l'harmonica. Son chef-d'œuvre de compagnon est un fût cintré dans un fût droit.
Passionné d'athlétisme
Il est également passionné d'athlétisme, notamment du 800 m et du lancer de marteau. Il a été entraîneur et président de l'union sportive athlétique cognaçaise.
Jean Taransaud prend sa retraite en janvier 1990. Au mois de septembre lors d'un footing, il est terrassé par une crise cardiaque. « Le monde unanime de la tonnellerie rend hommage à Jean Taransaud, indique Jean Giraud. Tout le monde l'aimait, il avait un amour pour les gens du métier, parfois même à son désavantage, puisqu'il n'aurait jamais fait concurrence à un collègue. C'était plus un homme d'art que de commerce. » Au soir de sa vie, Jean Taransaud était fier d'avoir contribué à former une centaine d'apprentis. Dans l'esprit de transmission du savoir et du compagnonnage.