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DOSSIER - Cartographie parcellaire : Le boum des services

Cartographie parcellaire Le boum des services

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°230 - avril 2011 - page 28

Quatre sociétés proposent des services de cartographie parcellaire. Deux autres se lancent. Toutes promettent de repérer les zones identiques au sein des parcelles pour une meilleure conduite. Voici le détail de leur offre.

ŒNOVIEW : En progression rapide

Œnoview est un service lancé en 2007 par l'ICV et Spot image. L'an dernier les deux partenaires ont cartographié 6 000 ha soit 55 % de plus qu'en 2009. Œnoview est implanté dans le Gers (2 600 ha), le Bordelais (900 ha), le Languedoc-Roussillon (800 ha), et au Maroc (1 600 ha.)

Le principe. A partir de prises de vue par satellite, Spot image évalue la surface foliaire et sa variation au sein des parcelles. Chaque parcelle est ainsi caractérisée par un indice de végétation moyen (GLCV) et par un indice d'hétérogénéité, ce qui permet de les classer selon qu'elles sont de vigueur forte, moyenne ou faible, et homogène ou hétérogène. La résolution est comprise entre 1 m et 2,5 m. Les images sont prises 10 à 15 jours avant véraison. Les données sont livrées juste avant les vendanges.

Les applications

Sélection parcellaire.

Zonage des parcelles en vue des vendanges.

Ajustement des doses d'engrais et de fongicides en fonction de la vigueur.

Le service. L'ICV, qui commercialise le service, propose Œnoview parcelle et Œnoview allotement. Le premier est plutôt destiné aux caves particulières, le second aux coopératives. Tous deux comprennent la livraison de cartes de la végétation, d'indicateurs relatifs à chaque parcelle cartographiée, ainsi que les conseils d'un expert qui se rend chez le client.

Pour Œnoview parcelle, ce conseil porte sur le zonage de chaque parcelle. Œnoview allotement propose une aide à la sélection parcellaire en fonction des objectifs de la cave. Ces formules sont vendues à l'année ou sur trois ans. En principe, la prise de vue doit être renouvelée chaque année, les conditions du millésime modifiant les cartes de vigueur.

LE COÛT : 50 à 70 €/ha pour des surfaces entre 80 et 150 ha. Prix dégressif pour des surfaces supérieures.

GREENSEEKER : La possibilité d'être autonome

Le GreenSeeker est vendu en France depuis 2003 par le groupe suisse Avidorhightech. Cet outil permet de réaliser soi-même ses cartes. A ce jour, Avidorhightech annonce avoir vendu une vingtaine d'équipements. Et la société a cartographié 1 200 ha en prestation de service. Ce système convient mieux aux vignobles de petites et moyennes surfaces qu'aux grandes étendues.

Le principe. Avec Greenseeker, les relevés ont lieu au sol. On installe un capteur sur un tracteur qui mesure l'indice de végétation (NDVI) et la surface foliaire en temps réel. Ce capteur est couplé à un GPS et à un pocket PC, qui enregistre les mesures. La carte est disponible à l'issue du passage dans la parcelle. La précision de la mesure dépend de la fréquence de passage : on passe tous les rangs pour avoir la précision maximale, mais on peut se contenter de passer tous les deux ou trois rangs.

Les applications

Zonage des parcelles en vue des vendanges.

Repérage des manquants.

Enherbement, fertilisation et traitements fongicides en fonction de la vigueur.

Le service. Aux viticulteurs qui souhaitent être autonomes, Avidorhightech vend un kit comprenant un capteur GreenSeeker, un GPS, un pocket PC et un logiciel de cartographie de bureau. Le fournisseur propose également une prestation de service comprenant l'acquisition des données, la fourniture des cartes commentées et des conseils personnalisés avec une visite sur le terrain pour la mise en œuvre des applications. Enfin, il est possible de louer l'équipement pour effectuer soi-même les mesures de terrain, Avidorhightech se chargeant du traitement des données et de la réalisation des cartes.

LE COÛT : 5 000 € pour le kit cartographie d'une résolution de 30 cm, 15 000 € si on veut une résolution centimétrique.

La prestation coûte 500 €/ha pour des parcelles de 5 ha, conseil et visite du terrain inclus.

GÉOCARTA : En deux temps

Geocarta réalise depuis 2003 des cartes de la résistivité des sols, mettant en évidence les différentes zones pédologiques au sein d'une parcelle. En France, la société a cartographié 4 500 ha de vigne, essentiellement à Bordeaux.

Le principe. Géocarta vient parcourir les vignes avec un appareil comportant des disques crantés. Ce matériel mesure la résistivité des sols en continu à trois profondeurs : 50 cm, 1 m et 2 m. Il est couplé à un GPS. Après son passage, Géocarta restitue des cartes des zones de même résistivité, paramètre qui dépend de la nature du sol (plus ou moins argileux, de la porosité) et de sa réserve utile. Il faut ensuite faire des observations de terrain pour attribuer à chaque zone un type de sol ou un niveau de vigueur de la vigne.

Les applications

Cartographie des sols.

Aide au choix du cépage et du porte-greffe.

Plans de drainage.

Enherbement, irrigation, fertilisation et traitements selon les zones.

Zonage des parcelles en vue des vendanges.

Sélection parcellaire.

Le service. Géocarta travaille en prestation de service, sauf cas exceptionnel comme avec les Vignerons de Tutiac en Gironde. La société réalise les mesures, traite les données et fournit des cartes des zones de résistivité homogène. Mais elle n'interprète pas les cartes et ne fournit pas de conseils agronomiques ni œnologiques. C'est au viticulteur de le faire, en s'entourant de conseillers, si nécessaire.

LE COÛT : Entre 250 et 300 €/ha selon la largeur du rang. Pour les gros projets, le coût varie entre 100 et 300 €/ha.

SPECTERRA : Un nouveau venu

Créée en 1992, la société australienne SpecTerra Services a déjà cartographié plusieurs dizaines de milliers d'hectares de vigne. En France, elle a réalisé ses premiers essais depuis trois ans en Champagne et en Bourgogne sur 3 000 ha, avec les interprofessions de ces deux régions. SpecTerra est distribué par la société S2BVisio, éditeur de logiciels agricoles.

Le principe. SpecTerra effectue des prises de vue aériennes pour déterminer la vigueur et le contenu en chlorophylle au sein des parcelles. Cette vigueur peut être exprimée soit en NDVI, indice le plus connu en France, soit en PCD (Plant Cell Density), un critère plus précis pour caractériser les situations extrêmes de végétation luxuriante ou, au contraire, de très faible vigueur. Selon la hauteur de vol, la résolution varie de 0,25 à 1 m.

Les applications

Evaluation des manquants.

Mesure d'impact d'une catastrophe naturelle (grêle).

Repérage de zones malades.

Evaluation du potentiel de récolte à la floraison.

Evaluation de la maturité.

Zonage des parcelles pour les traitements, la conduite et les vendanges.

Le service. SpecTerra ne fait pas de recommandation. Lorsqu'un viticulteur passe par S2BVisio, l'interprétation des cartes est à sa charge. Au contraire, avec Vitivista, il bénéficiera d'un conseil. Ce distributeur basé à Mérignac, en Gironde, proposera dès les prochaines vendanges, un service d'aide à la décision portant sur le plan de récolte et pour la campagne suivante, des conseils de fumure et de protection phytosanitaire différenciés en fonction de la vigueur des vignes.

LE COÛT : 100 €/ha. Cette prestation n'est envisageable que pour des surfaces de 500 ha minimum.

Deux autres sociétés démarrent

Force A, se lance avec son Multiplex. La société a développé cet outil pour mesurer la teneur en anthocyanes des baies avant la récolte. Elle va l'installer sur des tracteurs afin de scanner le feuillage en continu. Dans cette configuration, Multiplex mesurera la teneur en polyphénols et en chlorophylle du feuillage. Il calculera aussi un indice de biomasse, paramètre fortement corrélé à la vigueur de la vigne. La mesure de la chlorophylle sera un moyen de prédiction des carences azotées du moût. Toutes ces données seront restituées sous forme cartographique.

Un projet est à l‘étude dans le Bordelais. Il s'agirait d'utiliser des drones - des avions sans pilotes - pour survoler le vignoble et mesurer, par imagerie infrarouge, le couvert végétal. Ces drones fourniront des cartes de l'indice de végétation, à l'instar d'Œnoview, mais avec une résolution bien supérieure à celle obtenue par les satellites, puisqu'ils voleront à basse altitude.

Ce projet est porté par Lilian Valette, ex-consultant chez Ernst & Young, et Bordeaux Technowest. Les images pourraient aussi servir à faire découvrir des propriétés.

Le Point de vue de

« L'expertise du vigneron reste essentielle »

Laurence Mercier, chef de projet développement viticole Moët & Chandon.

Laurence Mercier, chef de projet développement viticole Moët & Chandon.

«Depuis 2004, nous testons différents outils. Nous avons cartographiés 17 parcelles couvrant 27 ha avec Géocarta. Nous n'avons pas mis en évidence d'hétérogénéité importante de nos sols, contrairement à ce que l'on constate dans d'autres vignobles. Avec GreenSeeker, nous avons analysé différents cépages sur plusieurs millésimes. Nous avons observé des variations de vigueur au sein de nos parcelles et entre les parcelles. Mais contrairement à ce qui a été décrit dans d'autres régions, nous n'avons pas pu corréler cette variabilité directement à la qualité des raisins à la récolte. Nous avons aussi testé SpecTerra durant trois campagnes, et Œnoview en 2009 afin de couvrir l'ensemble de notre vignoble qui s'étend sur 1 200 ha. Là encore, nous n'avons pas vu de lien direct entre ces relevés et la qualité des raisins, mais toutes nos données n'ont pas encore été analysées. Dans l'état actuel des connaissances, nous manquons de règles de décisions pour des applications très concrètes comme la sélection parcellaire ou la modulation des intrants.

Nous continuons à acquérir des données sur notre vignoble, car ces outils sont intéressants pour améliorer notre évaluation des terroirs en complément de l'expertise du vigneron. »

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