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DOSSIER - Cartographie parcellaire : Le boum des services

Des vendanges plus fines

La vigne - n°230 - avril 2011 - page 30

Mont Tauch, les Vignerons de Tutiac et le domaine Uby s'appuient sur des cartes parcellaires pour réaliser leurs vendanges. Ils vinifient ensemble les raisins de parcelles équivalentes. Ils obtiennent ainsi des vins bien différents.
François Morel, viticulteur du domaine d'Uni en Côtes-de-Gascogne « L'intérêt d'oenoview est de visualiser ces différences de vigueur que l'on ne repère pas forcément à l'oeil nu. » © J.-B. LAFFITE

François Morel, viticulteur du domaine d'Uni en Côtes-de-Gascogne « L'intérêt d'oenoview est de visualiser ces différences de vigueur que l'on ne repère pas forcément à l'oeil nu. » © J.-B. LAFFITE

Dotée d'un vignoble de près de 2 000 ha très morcelé, la coopérative audoise Mont Tauch s'est engagée dès 1999 dans une démarche de sélection parcellaire. Mais cette sélection ne concerne que la moitié du vignoble. Pour couvrir le reste, en 2006, la coopérative s'est tournée vers Œnoview.

« Nos techniciens ne peuvent parcourir plus de 1 000 ha pour noter les parcelles, explique Jérôme Collas, directeur du vignoble de Mont Tauch. Œnoview nous a semblé intéressant pour les surfaces que nous ne pouvons suivre. Il nous amène un critère de sélection sur ces parcelles au potentiel moindre, pour lesquelles nous n'en avions pas. »

La première année, les essais ont démarré sur 15 ha de merlot. « Nous voulions vérifier s'il était possible de distinguer deux niveaux de qualité pour élaborer deux vins bien différents. » Ce fut effectivement le cas. Au sein de ces 15 ha, Mont Tauch a distingué les parcelles de vigueur homogène, de celles hétérogènes. Les raisins de ces deux types de parcelles ont été vinifiés séparément mais chaque lot a suivi la même vinification traditionnelle.

« Des tannins souples dans les parcelles homogènes »

Les deux lots de vendange présentaient la même teneur en sucres et le même niveau d'acidité à la récolte. Mais l'analyse sensorielle a mis en évidence des différences marquées selon l'origine des vins. Ceux issus de parcelles homogènes présentaient un beau volume en bouche, des arômes de fruits confiturés et des tannins souples. Les vins des parcelles hétérogènes avaient un profil plus frais et fruité. Ils étaient plus légers et avaient des tannins plus agressifs.

Les années suivantes, Mont Tauch a appliqué des process de vinification différents aux deux lots : vinification traditionnelle pour le lot homogène, thermovinification pour l'autre. L'expérience a été étendue à 23 ha en 2007 et à 300 ha en 2010.

« Chaque année, les deux lots ont donné des vins différents, en adéquation avec nos attentes. Pour autant, il faut rester prudent, car si la sélection parcellaire a contribué à ce résultat, les techniques de vinification aussi », rappelle Jérôme Collas.

Les Vignerons de Tutiac utilisent la cartographie des sols. La coopérative bordelaise a cartographié 2 500 de ses 4 000 ha avec le procédé Géocarta. Puis elle a réalisé des fosses pédologiques dans les zones homogènes selon Géocarta. Elle a ainsi identifié cinq grands types de terroirs : sables du Périgord, calcaire à Astéries, argiles à ostrea cucullaris (une huître fossile), calcaires à ostrea cucullaris et calcaires de Plassac. Depuis, chaque parcelle est rattachée à l'un de ces terroirs et destinée à un profil produit bien déterminé.

Il existe des différences notables entre les vins selon leur terroir d'origine. « Les vins issus de sable du Périgord sont plutôt caractérisés par du fruit et de la sucrosité. Ils présentent souvent des pH élevés et des acidités totales (AT) basses. Pour les vins issus d'argiles à ostrea, le profil observé est très dense, avec une structure tannique importante. Les acidités totales sont élevées et les pH bas. Enfin, sur les calcaires à ostrea et calcaires de Plassac, les vins sont plutôt caractérisés par la fraîcheur et le côté épicé. Analytiquement, on observe le plus souvent des acidités totales et des pH intermédiaires », indique l'œnologue Elodie Barrau.

« Nos différentes cuvées sont plus régulières »

« Avant de réaliser cette cartographie, nous avions déjà mis en place une sélection parcellaire, basée sur les rendements, les cépages et l'observation des vignes, témoigne Jérôme Ossard, le responsable vignoble. Cet outil nous a permis de préciser notre sélection. Nous avons gagné en régularité sur la typicité de nos différentes cuvées. Aujourd'hui, on ne saurait plus faire sans ces données. »

La cartographie est aussi utilisable à plus petite échelle sur des domaines particuliers comme en témoigne François Morel du domaine Uby en Côtes-de-Gascogne. Son vignoble s'étend sur 150 ha. « J'avais déjà repéré les endroits plus ou moins qualitatifs à travers les analyses de sol et le suivi des maturités avec le système Dyostem. Mais j'avais besoin d'explorer un peu mieux mes terroirs. » En 2010, il a signé pour Œnoview. « C'est un outil complémentaire à tout ce que j'ai déjà mis en place. Nous nous sommes concentrés sur nos deux cépages les plus importants : sauvignon et colombard qui représentent 60 % de notre activité bouteille. »

A partir des cartes Œnoview, François Morel a identifié deux zones par parcelle : l'une très végétative, l'autre beaucoup moins. « Dans la mesure du possible, nous les avons ramassées et vinifiées séparément en suivant le même schéma de vinification pour pouvoir comparer les deux lots. Et nous avons obtenu des vins significativement différents : très fruités et acides pour les zones les plus végétatives, plus ronds avec une dominante d'arômes terpéniques pour les zones les moins végétatives. Au niveau analytique, les vins issus des zones végétatives présentaient une acidité totale plus élevée (+ 0,8 g/l) avec une teneur en sucres légèrement plus faible (- 0,4 g/l).

Nos vins les plus intéressants proviennent des vignes plutôt vigoureuses, qui ne souffrent pas de stress hydrique. L'intérêt d'Œnoview est de visualiser ces différences de vigueur que l'on ne repère pas forcément à l'œil nu. »

Ces premiers résultats ne portent que sur quatre cuvées, deux en sauvignon, deux en colombard. « C'est une première approche qu'il faut conforter par d'autres essais. Nous avons reçu les informations vers le 20 août. C'était un peu tard pour tout exploiter. Nous allons maintenant mettre en relation les résultats sur la vigueur avec nos analyses de sol et essayer de comprendre pourquoi certaines zones sont moins végétatives », assure François Morel. Les données seront également utilisées pour revoir la fertilisation sur tout le domaine.

« 35 €/ha, c'est raisonnable »

L'expérience sera poursuivie en 2011 avec pour objectif de confirmer les premiers résultats obtenus en 2010. Le jeu en vaut la chandelle : grâce aux groupements coopératifs gersois qui ont également souscrits au système Œnoview, 10 % du vignoble gersois a été cartographié, d'où des coûts modérés : « 35 €/ha, c'est raisonnable », estime François Morel.

Cet article fait partie du dossier Cartographie parcellaire : Le boum des services

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