ÉQUIPE DE GREFFEURS. Le prestataire qui pratique le surgreffage vient avec une équipe de greffeurs qualifiés. PHOTOS WORLDWIDE VINEYARDS
GREFFE EN CHIP BUD. Cette technique consiste à insérer un copeau de sarment (chip) portant un œil (bud) dans le tronc d'un cep. Cela peut être réalisé jusqu'à dix semaines après le débourrement.
La demande des consommateurs évolue rapidement. Le surgreffage est une solution pour suivre leurs exigences. Un nombre croissant de viticulteurs y a recours.
Cinq d'entre eux ont accepté de nous livrer leur expérience. Ils expliquent le travail que cela leur a demandé, car la réussite du greffage suppose de bien préparer la vigne, puis d'entretenir soigneusement les jeunes greffes
Rappelons que l'opération consiste à greffer sur une vigne en place des greffons d'un autre cépage ou d'un autre clone. Elle n'est pas envisageable dans toutes les situations. D'abord, les vignes doivent être saines, indemnes de maladies du bois. Et elles ne doivent pas être trop âgées. En général, les prestataires estiment qu'après vingt ans, le surgreffage n'est pas judicieux.
On ne perd qu'une année de récolte
Généralement, l'intervention a lieu en mai-juin. Elle est réalisée par des prestataires qui facturent leurs services autour de deux euros hors taxes le pied, hors greffons et selon le nombre de pieds surgreffés.
Les avantages ? Inutile de changer son palissage. Et on ne perd qu'une seule année de récolte. Nos cinq témoins racontent à quelles conditions cela marche.
AVANT : Occupez-vous des greffons
Nos viticulteurs ont fourni les greffons. Le matériel végétal était à disposition des greffeurs lorsque ces derniers sont arrivés sur le chantier.
« L'hiver précédent le surgreffage, nous avons fait des petites bottes de sarments sélectionnés dans une parcelle indemne d'esca, rapporte Patrick Gibault, viticulteur loir-et-chérien. Puis nous avons demandé à notre pépiniériste de les conserver dans sa chambre froide. » Le plus souvent, les viticulteurs commandent les greffons chez leurs pépiniéristes, de manière à pouvoir bénéficier des primes à la restructuration.
« Il faut s'y prendre de bonne heure pour éviter les difficultés d'approvisionnement, prévient Emmanuel Challias, viticulteur dans le Gard. En ce qui nous concerne, nous avons commandé nos greffons fin 2009, pour un surgreffage début mai 2010. »
Ecorcez les ceps
« L'objectif est d'avoir un emplacement propre et lisse pour faire la greffe. Sur 3 hectares, cette opération nous a pris 200 heures, soit trois jours à huit personnes », a calculé Frédéric Béchard, chef de culture dans les Bouches-du-Rhône. Pour gagner du temps, Emmanuel Challias a mécanisé l'opération. « J'avais déjà fait surgreffer d'autres parcelles quelques années auparavant et l'écorçage manuel avait été très pénible, explique-t-il. Pour faire cette opération, nous étions trois à cinq dans la parcelle et nous y avions passé deux jours entiers. En 2010, je n'ai pas voulu renouveler l'expérience et pour aller plus vite, je me suis servi d'une ébourgeonneuse à lanières. Je suis passé lentement : à une vitesse inférieure à 1 km/heure. »
De son côté, Eric Carrel, viticulteur en Savoie, n'avait pas d'ouvriers au moment de l'écorçage. Il a donc adapté des courroies de distribution de voiture sur une petite débroussailleuse à dos. Avec cette machine, il est passé sur chaque cep. « Courant avril, l'opération m'a ainsi pris trois à quatre heures chaque soir pendant une semaine. »
APRÈS : Beaucoup de travaux en vert
Tout de suite après le surgreffage, il faut enlever toute la végétation des souches et ne garder qu'un rameau tire-sève au-dessus du point de greffe.
Au bout d'une douzaine de jours, il faut épamprer les souches et rabattre le tire-sève à une feuille. « De mai à août, nous sommes ainsi passés tous les dix jours pour épamprer les pieds », indique Frédéric Béchard. Lorsque les greffes atteignent 120 cm, on peut laisser croître librement le tire-sève.
Dans les trois semaines qui suivent le surgreffage, il faut aussi mettre en place un tuteur et attacher les greffes au fur et à mesure de leur développement.
L'arrosage : un vaste chantier
« Lorsque le temps était sec, il fallait compter un arrosage par semaine, précise Emmanuel Challias, qui a dû réaliser cette opération de fin mai à fin août. Pour ça, j'avais installé un goutte-à-goutte alimenté par une citerne de 100 hl. J'allais la remplir en puisant dans un ruisseau. A chaque arrosage, j'utilisais quatre à cinq citernes. »
Eric Carrel a, quant à lui, utilisé une citerne de 2000 l équipée d'un petit tuyau qu'il a attelée derrière son tracteur. « La parcelle était enherbée. J'ai détruit l'herbe pour réduire la consommation d'eau. Ensuite, j'ai passé un intercep sous les pieds pour faire une petite rigole », décrit-il. Pour lui ce fut l'opération la plus contraignante : « Il fallait mettre 15 l d'eau par pied. A chaque bout de rang, je devais recharger la citerne. Au total, pour arroser toute la parcelle, il me fallait une journée. Or, en période de forte chaleur du 10 juin à la mi-août, je devais le faire deux fois par semaine, sauf lorsqu'il y avait une pluie d'au moins 120 mm. »
Entretien du sol et protection phytosanitaire soignée
« Pour éliminer toute concurrence avec l'herbe, nous avons travaillé intégralement les sols », relate Nicolas Bruerre, chef de culture à Saint-Emilion. Il faut également veiller à bien protéger la vigne contre les maladies cryptogamiques. « Contre le mildiou, il ne faut pas hésiter à faire des traitements au cuivre, même après les vendanges, pour assurer un bon aoûtement des bois », poursuit le chef de culture.
Au final : de bons taux de réussite
« Le surgreffage en lui-même est peu coûteux, mais il faut prévoir beaucoup de main-d'œuvre. Cela reste tout de même moins cher qu'une plantation », analyse Eric Carrel. Pour faire face au surcroît de travail, certains se débrouillent avec le personnel existant. D'autres, comme Frédéric Béchard, ont fait appel à du personnel supplémentaire pour venir en aide aux employés du domaine affecté aux travaux d'entretien des greffes. « C'est effectivement contraignant. Mais pour la réussite du surgreffage, il faut prévoir la main-d'œuvre et la budgétiser dans le coût de l'opération. Sinon cela ne sert à rien de se lancer », conclut Frédéric Béchard.
Le jeu en vaut la chandelle. « Nous avons obtenu un taux de réussite de 95 % », révèle Patrick Gibault. Nicolas Bruerre est également satisfait, « 90 % des greffes ont repris ».
Le Point de vue de
ÉRIC CARREL, EARL la Rosière à Jongieux-le-Haut (Savoie), 13,5 ha
Surgreffage en juin 2010 d'une parcelle de 38 ares plantée en 1993 avec du gamay, pour la convertir en mondeuse, un cépage très demandé actuellement.
Prestataire : Lepibiote (Montpellier, Hérault).
Main-d'œuvre : embauche de six saisonniers pour les travaux en vert tous les ans.
Le Point de vue de
FRÉDÉRIC BÉCHARD, chef de culture du château La Coste à Le Puy-Sainte-Réparade (Bouches-du-Rhône), 105 ha
Surgreffage le 25 mai 2010 d'une parcelle de cabernet-sauvignon et d'une de syrah, soit trois hectares au total, pour les transformer en vermentino. Ces vignes avaient entre 15 et 20 ans.
Prestataire : Worldwide vineyards (Carnoules, Var).
Main-d'œuvre : valeur de trois personnes affectées au surgreffage de mai à août.
Le Point de vue de
EMMANUEL CHALLIAS, viticulteur à Cornillon (Gard), 50 ha
Surgreffage au printemps 2010, d'une parcelle de 60 ares en VDP, âgée d'une vingtaine d'années. Elle était plantée en alicante et a été transformée en chardonnay.
Prestataire : Lepibiote (Montpellier, Hérault).
Main-d'œuvre : il embauche tous les ans trois saisonniers au printemps. Il y avait donc quatre personnes pour effectuer l'ensemble les travaux de l'exploitation, dont les opérations liées au surgreffage.
Le Point de vue de
PATRICK GIBAULT, viticulteur à Meusnes (Loir-et-Cher), 30 ha
Surgreffage du 21 au 25 juin 2010 d'une parcelle de gamay de 35 ares, qu'il avait planté en 1996, pour la transformer en sauvignon. « Ce n'était pas mon coup d'essai : en 2004 et 2005, j'avais déjà surgreffé du cot sur du pinot noir. »
Prestataire : Luis Araujo (Ménetou salon, Cher).
Main-d'œuvre : trois salariés permanents.
Le Point de vue de
NICOLAS BRUERRE, chef de culture du château La Gaffelière à Saint-Emilion (Gironde), 22 ha
Surgreffage en deux fois d'une parcelle de 45 ares plantée en 2003 en cabernet-sauvignon pour la transformer en cabernet franc. Une partie a été surgreffée en s008, l'autre en 2009.
Prestataire : Christophe Dumas pour Vitivista (Gironde).
Main-d'œuvre : cinq ouvriers permanents.