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VIGNE - POUR APPROFONDIR

La cicadelle de la flavescence dorée

Christelle Stef - La vigne - n°230 - avril 2011 - page 40

 © INRA BORDEAUX/P. SALAR

© INRA BORDEAUX/P. SALAR

D'où provient-elle ?

Scaphoideus titanus, la cicadelle de la flavescence dorée, provient d'Amérique du Nord, probablement de la région des Grands Lacs. Elle a été découverte pour la première fois en France en 1958 dans le Bordelais. A l'époque, les populations sont déjà importantes. « Cette cicadelle a été certainement introduite sous forme d'œufs via les bois importés des Etats-Unis pour lutter contre le phylloxéra », suppose Julien Chuche, auteur d'une thèse sur le comportement de cet insecte à l'Inra de Bordeaux (1).

Où est-elle présente ?

Partout, sauf en Alsace, en Champagne et en Lorraine. « Elle n'a pas une grande capacité de déplacement, car elle ne peut pas voler sur de longues distances, rapporte Julien Chuche. Comme elle est légère, elle a pu être transportée par le vent. Mais l'essentiel de sa dispersion s'est effectué par le transport de bois de vigne. »

Comment la reconnaître

Cette cicadelle est très mobile et saute beaucoup. Les larves sont plutôt blanches au départ, puis elles deviennent tigrées. Mais surtout, elles possèdent à l'extrémité postérieure de leur abdomen, deux taches noires. « C'est le critère le plus simple pour les identifier, précise le chercheur. Mais nous avons découvert au vignoble une autre cicadelle, Phlogotettix cyclops, qui présente ce même caractère. La seule différence, c'est que chez la cicadelle de la flavescence dorée, les taches se situent sur le dernier segment abdominal, alors que chez P. cyclops, elles sont sur l'avant dernier. » Les adultes sont marbrés. Leurs élytres (ailes apparentes) sont brunâtres, tachés de noir.

Quelle est sa biologie ?

Cet insecte ne présente qu'une seule génération par an. Les larves apparaissent au printemps, en mai-juin. Elles passent par cinq stades larvaires successifs. Chaque stade dure une dizaine de jours. Les adultes apparaissent l'été vers le mois de juillet. Ils vivent environ un mois. Les mâles arrivent en premier, les femelles un peu plus tard. La reproduction a lieu en août-septembre. La femelle ne s'accouple qu'une seule fois, puis elle pond une dizaine d'œufs sous l'écorce des bois de vigne. Les œufs passent ensuite l'hiver sous forme de vie ralentie, que l'on appelle diapause.

Est-elle touchée par le réchauffement climatique ?

Jusqu'à présent, il était admis qu'il fallait du froid pour lever la diapause des œufs. Mais Julien Chuche a démontré qu'en passant tout l'hiver à 20°C, les œufs éclosent quand même. Mâles et femelles apparaissent alors presque en même temps. « Dans ce cas de figure, les femelles ne peuvent plus choisir leur partenaire, d'où une baisse de la qualité de la reproduction et donc de la descendance. »

En temps normal, « les premières larves arrivent en même temps que les bourgeons. Or, les jeunes organes de la vigne sont les plus nutritifs pour les larves. Avec le réchauffement climatique, le pic des éclosions pourrait être plus tardif et le débourrement plus précoce. La majorité des larves apparaîtront sur des feuilles âgées, moins nourrissantes, ce qui est susceptible de conduire à une baisse des populations ».

Quelle est sa nuisibilité ?

Les populations ne sont pas suffisantes pour occasionner des dégâts directs sur la vigne. La nuisibilité de S. titanus résulte de sa capacité à transmettre le phytoplasme de la flavescence dorée.

Comment transmet-elle la flavescence dorée ?

Pour s'alimenter, la cicadelle pique dans les nervures de la vigne. Elle pompe de la sève élaborée. Or, c'est là que se trouve le phytoplasme de la flavescence dorée dans les vignes atteintes par cette maladie. En piquant un cep malade, la cicadelle ingère le phytoplasme qui se multiplie dans son intestin, puis dans ses glandes salivaires. Ainsi, trente jours après l'acquisition du phytoplasme, la cicadelle peut le transmettre à un pied sain.

A-t-elle des préférences pour certains cépages ?

Difficile de répondre, car il n'y a jamais eu de tests réalisés sur ce sujet. Mais Julien Chuche rapporte que dans les années soixante, des chercheurs ont noté 5 à 57 fois plus de cicadelles sur le baco 22A que sur le villard blanc et le couderc 13. Et de préciser que le baco 22A est très sensible à la flavescence dorée. Dans sa thèse, il a observé que S. titanus est attiré par la couleur jaune. « La cicadelle va donc se nourrir préférentiellement sur les cépages blancs atteints par la flavescence. »

Rappelons que S. titanus est inféodée à la vigne, car elle réalise tout son cycle dessus. Quand elle a le choix, elle privilégie les vignes d'origine américaine et les zones boisées. A l'occasion, elle s'alimente sur d'autres plantes, comme la fève.

Comment lutter contre ?

Dans les zones où la flavescence dorée est présente, la lutte contre la cicadelle vectrice est obligatoire. Elle est basée sur l'application de trois insecticides. Le premier a lieu trente jours après les premières éclosions et le deuxième quinze jours après. Ces deux traitements visent à éradiquer les larves. Le troisième cible les adultes capables de migrer d'une parcelle à l'autre.

Dans les communes en voie d'assainissement, un aménagement de la lutte pour réduire le nombre d'applications est possible, sous certaines conditions.

Quelles sont les nouvelles perspectives de lutte ?

Les travaux de Julien Chuche montrent que les températures hivernales déterminent la date d'arrivée des larves, la durée de l'étalement des éclosions, ainsi que la date du pic de ces dernières. En prenant en compte ces paramètres, les techniciens pourraient mieux conseiller les viticulteurs sur le positionnement des traitements obligatoires.

Dans sa thèse, le chercheur a également découvert que le kaolin est un répulsif pour S. titanus. Lorsqu'on en pulvérise sur la vigne, l'insecte se détourne des ceps traités. « Dans les perspectives d'une lutte alternative, il faudrait combiner l'application de kaolin, avec un attractif qui pourrait être des vignes américaines. En effet, si dans une parcelle, tous les pieds sont traités avec le répulsif, la cicadelle n'aura pas d'autre choix que de s'alimenter quand même dessus, sous peine de mourir. Il faut donc en parallèle attirer les cicadelles sur une autre plante. »

De leur côté, des chercheurs italiens travaillent à la mise en place d'une lutte par confusion sexuelle utilisant la vibration. « Lorsqu'une cicadelle mâle arrive sur une feuille, elle émet un signal vibratoire pour attirer la femelle, explique Julien Chuche. Cette dernière répond en émettant un autre signal vibratoire. Si un mâle concurrent arrive, il émet un troisième signal qui brouille tous les autres. L'idée des Italiens est de recréer de tels signaux perturbateurs pour empêcher les accouplements. La technique marche très bien en laboratoire. »

Quant à la mise en œuvre d'une lutte utilisant des auxiliaires, elle semble compromise. « L'Inra d'Antibes a bien identifié un ennemi naturel : Gonatopus peculiaris, rapporte Julien Chuche. Mais ce parasitoïde est difficile à élever en laboratoire. »

(1) « Comportement de <i>S. titanus</i>, conséquences spatiales et démographiques », thèse pour le doctorat de l'université Bordeaux 2, par Julien Chuche.

Une génération par an

Le comportement de cette cicadelle est désormais mieux connu. Les œufs n'ont pas besoin de froid pour éclore. Les larves et les adultes sont attirés par le jaune. Ils s'alimentent de préférence sur les ceps atteints par la flavescence dorée.

Un insecte facilement reconnaissable

Trois régions indemnes

Répartition géographique de S. titanus en France : la cicadelle de la flavescence dorée est présente dans tous les vignobles sauf en Alsace, en Champagne et en Lorraine. Source : thèse de Julien Chuche

Répartition géographique de S. titanus en France : la cicadelle de la flavescence dorée est présente dans tous les vignobles sauf en Alsace, en Champagne et en Lorraine. Source : thèse de Julien Chuche

La flavescence peut affecter tout un bras du cep ou le cep entier

Symptômes de flavescence dorée : c'est la maladie que transmet cette cicadelle. Les feuilles s'enroulent, durcissent et se décolorent en jaune sur les cépages blancs ou en rouge sur les cépages noirs. Les rafles se dessèchent et les baies flétrissent. © P. ROY

Symptômes de flavescence dorée : c'est la maladie que transmet cette cicadelle. Les feuilles s'enroulent, durcissent et se décolorent en jaune sur les cépages blancs ou en rouge sur les cépages noirs. Les rafles se dessèchent et les baies flétrissent. © P. ROY

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