Tarrière boisselet, monté sur un enjambeur. Avec cet outil, il faut compter une demieheure pour réaliser une vingtaine de trous.
A l'aide d'une pioche, Philippe Potin retire la terre qui est retombée dans le trou et ôte les racines de l'ancien pied.
Il met du compost dans le trou puis dispose un plant traditionnel. Il remet de la terre autour et la tasse légèrement pour borner les racines.
Philippe Potin ne cache pas son inquiétude. Depuis l'interdiction de l'arsénite de soude - une décision qu'il comprend - ses vignes sont de plus en plus atteintes par les maladies du bois. « Depuis trois ans, les symptômes s'amplifient », déplore-t-il. Il estime ainsi que le taux de mortalité est de 6 % sur l'ensemble de son vignoble. Mais dans certaines parcelles de sauvignon âgées de 20 ans, il frôle les 20 %. Or, le cahier des charges de l'appellation Touraine est clair : il ne faut pas dépasser 20 % de manquants, sinon le rendement autorisé est amputé d'autant.
Le renouvellement du vignoble est donc primordial. Pour ça, Philippe Potin fait d'abord du marcottage. Il prend un rameau sain d'un pied de vigne. Il le couche sur le sol et le recouvre de terre. Au bout de quelque temps, le rameau émet des racines. Un nouveau plant se développe. « L'avantage de cette technique est que le pied marcotté produit tout de suite. » Mais il est moins vigoureux et surtout le marcottage n'est possible que si un pied sain côtoie le pied malade. Or dans un nombre croissant de parcelles, beaucoup de pieds meurent rapidement. « A certains endroits, cinq à six pieds consécutifs meurent en l'espace de deux ans », constate-t-il amèrement.
50 % de marcottage et 50 % de complantation
Depuis l'an passé, il réalise donc de la complantation. « En 2010, j'ai réalisé 70 % de marcottes et 30 % de complants. Cette année, je fais du 50-50. Et je vais complanter au total 1 500 à 2 000 greffes sur l'ensemble de mon vignoble. »
Le chantier de complantation démarre après les vendanges. Philippe Potin passe dans les vignes pour couper les pieds morts à ras. Pour ça, il se sert d'un « démembreur », une sorte de gros sécateur. Et, il met les souches en tas au bout des parcelles. Ces amoncellements de ceps sont parfois très impressionnants.
Le printemps suivant, une fois la taille terminée, notre viticulteur réalise la deuxième phase du chantier. Sa période de réalisation est dictée par la météo. « Il faut donc se montrer disponible. »
Il commence par faire les trous à l'aide d'une tarrière Boisselet montée sur un enjambeur qu'il possède en Cuma avec d'autres viticulteurs. Pour que l'opération se fasse dans de bonnes conditions, le sol doit être parfaitement ressuyé. « Il faut que l'on puisse passer avec le tracteur sans tasser le sol. »
Il travaille sur un rang à la fois. Et il faut compter une demie-heure pour creuser une vingtaine de trous. Mais avec la tarrière, une bonne partie de la terre retombe dans le trou. Le lendemain, Philippe Potin retourne donc dans ses vignes avec une pioche pour retirer cette terre, ainsi que le système racinaire de l'ancien pied. Il met ensuite dans le trou l'équivalent d'un litre de compost qu'il mélange à la terre. Il s'agit d'un compost à base de déchets verts qu'il fabrique avec les membres de la Cuma. Puis il dispose un plant greffé-soudé traditionnel qu'il a acheté chez son pépiniériste Michel Mary à Thésée.
Il remet ensuite de la terre autour du plant et la tasse légèrement pour borner les racines. Son ouvrier, qui travaille à mi-temps, passe derrière lui pour poser un manchon en plastique avec un tuteur. Des accessoires qu'il transporte d'un pied à l'autre dans une brouette. Le manchon va protéger le jeune plant des herbicides, car Philippe Potin possède encore beaucoup de parcelles désherbées en plein avec des produits foliaires.
Une pluie juste après la fin du chantier est nécessaire
En procédant ainsi, Philippe Potin peut espérer un taux de reprise de l'ordre de 80 %. Et pour favoriser la reprise, l'idéal serait d'avoir une pluie juste après la complantation. « Nous ne pouvons pas arroser, car l'opération est fastidieuse et trop compliquée pour notre exploitation. En fait, l'idéal ce serait de réaliser la complantation à l'automne. La reprise serait encore meilleure, mais mon organisation ne me le permet pas. »
Chez Philippe Potin, ce chantier de complantation dure ainsi une semaine cette année. Son coût est loin d'être négligeable.
« Il faut compter 2,50 euros par pied (coût de la greffe, du manchon, du tuteur, de la main-d'œuvre et du matériel), précise-t-il. Heureusement, nous avons une subvention du conseil régional de l'ordre de 60 centimes d'euros par pied ».
Le Point de vue de
François Dal, de la Sicavac à Sancerre (Cher)
« Eviter les périodes sèches »
« Dès lors que la vigne présente un taux de mortalité supérieur à 2 %, il faut complanter tous les ans. L'opération peut se faire à l'automne ou au printemps. Dans les sols lourds, très argileux, le viticulteur peut faire les trous à l'automne et planter au printemps. Dans les sols qui se referment très vite (limoneux), il faut faire les trous juste avant la plantation. Lorsque le plant est mis en place au printemps, il émet rapidement de nouvelles racines. Plus le plant est planté avec des racines longues, plus son développement et le taux de reprise seront importants.
Le viticulteur doit complanter sur un sol ressuyé. Au printemps, il doit le faire relativement tôt (courant mars) pour éviter d'avoir derrière une période sèche qui serait néfaste à la reprise des plants.
Dans le cas contraire, il devra arroser les plants, ce qui est très fastidieux. Que l'on plante à l'automne ou au printemps, il faut arracher l'ancien pied en enlevant le plus de racines possible. Il faut fertiliser généreusement, plutôt avec de la matière organique assez dosée en azote (soit l'équivalence en plein d'une cinquantaine d'unité d'azote). Puis il faut bien protéger le plant. »