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VIN

Réduire le sulfitage : de nouvelles pistes

Cécile Vuchot - La vigne - n°230 - avril 2011 - page 54

Plusieurs organismes ont relancé des travaux visant à obtenir des vins renfermant peu de dioxyde de soufre (SO2). Ils soulignent l'importance du sulfitage de la vendange et à la mise en bouteilles, ainsi que le rôle des levures.
LE SULFITAGE DU MOÛT détermine en grande partie la teneur en SO2 total à la fin de la fermentation. © C. THIRIET

LE SULFITAGE DU MOÛT détermine en grande partie la teneur en SO2 total à la fin de la fermentation. © C. THIRIET

Maîtriser le niveau de sulfites à l'issue de la fermentation alcoolique. Tel est l'objectif de l'étude menée par Lucile Pic de l'ICV, en partenariat avec Valérie Pladeau de l'AIVB du Languedoc-Roussillon. Elles ont présenté les premiers résultats de ce projet, lors des journées techniques de l'Itab fin décembre. Lucile Pic a testé l'impact de différents facteurs sur la teneur en SO2 total du vin en fin de fermentation :

le niveau de sulfitage des moûts : aucun apport ou 5 g/hl fractionnés avant foulage et après pressurage ;

la levure : une souche faiblement productrice de SO2, une souche fortement productrice et la flore indigène ;

la température de fermentation : entre 12 et 18°C ;

la turbidité : entre 50 et 200 NTU.

Le test a été pratiqué sur des moûts de raisin bio de chardonnay et de grenache, ce dernier étant vinifié en rosé.

Après deux jours de fermentation sur toutes les modalités sulfitées, le SO2 libre est inférieur à 5 mg/l. Autant dire qu'il disparaît. « Il se combine aux sucres, aux cétones ou aux aldéhydes, tels que l'éthanal produit par les levures », signalent les auteures de l'étude.

Quant au niveau de SO2 total, il passe par trois phases. Dans un premier temps, situé entre 24 heures et 48 heures de fermentation, il baisse. La valeur atteinte à ce moment dépend de la levure. Avec la fermentation spontanée, le SO2 total disparaît, alors qu'il en reste toujours au moins 30 mg/l dans les lots qui fermentent avec des levures sélectionnées.

Des sulfites produits à partir des sulfates

Dans une deuxième phase, les levures produisent du SO2 à partir des sulfates du jus notamment. Avec la levure fortement productrice de sulfites, la teneur en SO2 total dépasse la teneur initiale du moût.

Enfin, vers 1 040 de densité, le niveau de SO2 total atteint un plateau. Cette valeur est obtenue après six à sept jours de fermentation pour les modalités fermentées à 12°C et après trois à quatre jours pour celles à 18°C. Cet essai montre que le sulfitage du moût, la levure, la matière première et la température de fermentation déterminent la teneur en SO2 total à la fin de la fermentation.

Le sulfitage a la plus forte influence. Toutes modalités confondues, les moûts non sulfités renferment, en moyenne après fermentation, 10 mg/l de SO2 total quand les moûts sulfités à 5 g/hl en contiennent un peu moins de 40 mg/l.

Le chardonnay plus soufré que le grenache rosé

La levure est le deuxième facteur le plus influant. Avec la fermentation spontanée et la levure peu productrice de sulfites, les vins renferment 15 à 20 mg/l de SO2 total. Avec la levure fortement productrice, ils en contiennent près de 40 mg/l. Des travaux de l'IFV confirment cet effet très important de la souche de levure. En 2009, dans le cadre du projet Orwine qui devait aboutir à une définition de la vinification bio, l'IFV a testé vingt souches de levures leur faisant fermenter des moûts non sulfités. Vitilevure Albaflore et Merlot L4882 ont donné des vins renfermant moins de 10 mg/l de SO2 total, quand Vitilevure EC 1118, Actiflore rosé, Opale ICV et NT 112 ont abouti à des vins avec plus de 30 mg/l.

Dans l'étude de Lucile Pic et Valérie Pladeau, la matière première vient en troisième position : les chardonnays sont un peu plus soufrés à l'arrivée que les rosés de grenache. Ce travail démontre aussi l'existence d'interactions entre facteurs. Ainsi, forte turbidité et température de fermentation basse conduisent à des niveaux élevés de SO2 total. De même, le chardonnay fermenté avec la levure fortement productrice de SO2 contient le plus de sulfites au final.

Lucile Pic et Valérie Pladeau en déduisent quatre conseils pour avoir peu de SO2 dans les vins : « Limiter ou supprimer les apports en phase préfermentaire, favoriser les levures à faible bilan de SO2, éviter les températures trop basses et adopter des niveaux de turbidité faibles. »

Mais s'il y a un moment où il faut sulfiter, c'est bien à la mise en bouteilles. C'est l'enseignement que l'on peut retenir d'autres travaux, menés par l'IFV.

Toujours lors des journées techniques de l'Itab, Philippe Cottereau, de l'IFV Rhône-Méditerranée, a présenté les résultats d'un essai comparant :

le sulfitage à doses pleines,

le sulfitage à demi-doses,

zéro SO2 depuis l'encuvage jusqu'à la mise en bouteilles,

seulement 1 g/hl à la mise. Dans les deux premiers cas, l'IFV a sulfité à l'encuvage, puis en fin de fermentation alcoolique ou malolactique, selon qu'il voulait ou non obtenir une malo et enfin à la mise en bouteilles. Ces essais ont été réalisés sur chardonnay et syrah, en prenant « un soin particulier à chaque étape pour se protéger des oxydations », souligne Philippe Cottereau.

Une dose de 1 g/hl à la mise est efficace

A la dégustation après mise, le chardonnay sulfité classiquement et celui ayant effectué la malo obtiennent la meilleure note. Le même vin sans aucun ajout de SO2 obtient la moins bonne note, tandis que le lot bénéficiant du léger sulfitage juste à la mise en bouteilles (1 g/hl) se rapproche du témoin sulfité. La syrah sulfitée uniquement à la mise est elle aussi la plus proche du témoin sulfité.

Avec la diminution du dioxyde de soufre, les vins perdent de l'intensité aromatique sans que leurs profils généraux soient modifiés. L'ajout à la mise diminue ces différences, ce qui permet de penser que c'est une étape primordiale vis-à-vis des besoins du vin en SO2.

Or, les vins sulfités à 1 g/hl uniquement à la mise contiennent pratiquement autant de SO2 libre et total que ceux n'ayant jamais été sulfités. Reste à savoir comment ils se conservent en bouteilles sans ce conservateur.

L'électrodialyse pour rendre le sulfitage plus efficace

« Abaisser le pH est le meilleur levier pour améliorer l'efficacité du sulfitage », assure Nicolas Richard, d'Inter-Rhône. L'interprofession communiquera prochainement les résultats de sa première année d'essais sur le lien entre le pH des vins et leur teneur en SO2 total à la mise en bouteilles. On sait en effet que plus le pH des vins est bas, plus le SO2 est actif. « Pour avoir davantage de SO2 actif, il faut donc récolter plus tôt ou bien acidifier, souligne Nicolas Constantin, œnologue conseil à Inter-Rhône.

En règle générale, il vaut mieux avoir un pH inférieur à 3,7. » Autorisée depuis janvier 2011, l'électrodialyse à membrane bipolaire permet d'abaisser le pH. « C'est une alternative intéressante à l'acidification par ajout d'acide tartrique », observe Philippe Cottereau, de l'IFV Rhône-Méditerranée. En particulier dans le Midi, où les pH sont élevés. La concentration en SO2 actif est donnée dans les bulletins d'analyse. Elle peut aussi être calculée via internet, sur le site de l'IFV Sud-Ouest.

Prudence avec les traitements au soufre

Des souches de levure produisent du SO2 à partir du SO4 présent dans le moût. Selon l'IFV, ce SO4 provient des traitements au soufre pour lutter contre l'oïdium et de l'ajout de sulfate d'ammonium, un activateur de fermentation. L'IFV a testé l'effet de l'ajout de sulfate d'ammonium sur un moût de chardonnay vinifié avec une souche productrice de sulfites (NT112) et une autre peu productrice (L4882). Avec la première souche, en fin de fermentation, la concentration en SO2 totale est très élevée.

C'est l'inverse avec la seconde souche. « Paradoxalement, les applications de sulfate de cuivre, même tardives, n'entraînent pas de forte variation de la concentration en sulfates des moûts tant que le délai avant récolte est respecté », ajoute Philippe Cottereau, de l'IFV Rhône-Méditerranée.

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