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VIN

Le CFLA, un outil pour des filtrations sur mesure

Marine Balue - La vigne - n°230 - avril 2011 - page 58

De plus en plus de laboratoires de terrain sont convaincus de l'intérêt du Critère de filtration de Lamothe Abiet. Il permet de choisir le filtre qui convient à un vin ou de le préparer à la filtration.
EN PRATIQUE Ici, Sandrine Ibert, laborantine au centre œnologique de Soussac (Gironde), mesure le CFLA d'un vin rouge. Après avoir choisi une membrane, elle pèse le volume de vin filtré toutes les 10 secondes. Avec ces valeurs, elle a ensuite accès au CFLA. © P. ROY

EN PRATIQUE Ici, Sandrine Ibert, laborantine au centre œnologique de Soussac (Gironde), mesure le CFLA d'un vin rouge. Après avoir choisi une membrane, elle pèse le volume de vin filtré toutes les 10 secondes. Avec ces valeurs, elle a ensuite accès au CFLA. © P. ROY

« Avant la mise, tout le monde nous demande l'indice de colmatage des vins, remarque Françoise Ligou, œnologue-conseil au centre œnologique de Soussac-Pian (Gironde). Or, cet indice n'est pas du tout adapté aux vins que l'on filtre sur plaques, ce qui est le cas dans la majorité des caves qui mettent elles-mêmes leurs vins en bouteille. » Ce que confirme Patrick Auduit, directeur du centre œnologique du Blayais : « L'indice de colmatage ne s'adresse qu'aux vins prêts à passer sur membranes. »

Pour les deux œnologues, les caves particulières, qui filtrent peu leurs vins avant la mise ou qui ne peuvent pas les passer sur un filtre à membranes, ont plutôt intérêt à s'appuyer sur le CFLA, le Critère de filtration de Lamothe Abiet.

Cette société a présenté ce nouvel indicateur fin 2007. L'objectif : aider les caves à mieux choisir leur type de filtration et à mieux préparer les vins à la mise en bouteille. « Nous avons déjà formé une vingtaine de laboratoires et de caves à l'utilisation du CFLA », indique Gaëlle Reynou-Gravier, coordonnatrice du service technique de Lamothe Abiet et responsable des formations. Plusieurs laboratoires girondins l'utilisent aujourd'hui en routine, en parallèle des critères traditionnels.

Le CFLA apporte une réponse au cas par cas à la filtration

Pour guider ses clients dans le choix d'une filtration, l'œnologue dispose d'un tableau d'interprétation des résultats, que Lamothe Abiet a élaboré à partir d'observations de terrain. Ainsi, en fonction du CFLA d'un vin et de sa turbidité, on peut sélectionner le matériau de filtration et le diamètre des pores du filtre. « Ce critère nous évite d'opter pour une filtration trop serrée, qui peut être dommageable pour le vin, estime Françoise Ligou. Car le vin peut être amaigri. Et en cas de colmatage, des relargages peuvent causer des problèmes microbiologiques. » Sans parler des pertes économiques liées aux colmatages et aux filtrations ratées.

Christophe Coupez, directeur du centre œnologique de Pauillac, estime que la pratique de la filtration est aujourd'hui « un peu trop systématique ». Alors qu'il faudrait la raisonner en fonction du millésime et des caractéristiques de chaque vin. Le CFLA est alors un outil précieux. « La turbidité est un critère insuffisant, car son lien avec la filtrabilité est trop aléatoire, explique-t-il. Avec l'indice de colmatage, les préconisations restent vagues. On sait seulement si le vin est filtrable ou non. Quant aux analyses microbiologiques, elles nous indiquent la filtration adaptée pour éliminer les micro-organismes du vin. Mais elles ne disent pas si on peut le passer à travers un filtre donné sans le colmater. Le CFLA répond à ces problématiques. En le couplant à l'analyse rapide microbiologique, nous pouvons apporter une réponse au cas par cas à la filtration. »

D'autre part, dans le cas où la cave n'a pas le choix du filtre, le CFLA indique si le vin est assez clarifié pour passer dessus. S'il s'avère difficile ou impossible à filtrer, une meilleure préparation sera nécessaire : une filtration plus lâche en amont, un collage, un ajout d'enzymes… « En s'appuyant sur le CFLA, on peut mieux appréhender la préparation du vin à l'embouteillage, en employant par exemple des enzymes qui améliorent la filtrabilité, illustre Françoise Ligou. On peut réduire le nombre de filtrations et donc l'impact sur le vin. »

Pour Denis Galabert, directeur du centre œnologique de Grézillac, le CFLA sera également un outil utile dans le projet d'amélioration des filtrations, qu'ont entamé les centres et laboratoires œnologiques de la région, début 2011. « Le CFLA trouve toute sa place dans ce projet, il permettra d'évaluer précisément la filtrabilité des vins lors de ces essais », considère-t-il.

Un coût identique à l'indice de colmatage

Vus les avantages du CFLA par rapport aux autres analyses, les œnologues souhaiteraient le voir se généraliser. A Pauillac, le laboratoire a déjà réalisé près de 250 mesures de CFLA, soit environ une par propriété dans le Médoc, d'après Christophe Coupez. « Cela évolue positivement, constate-t-il. Nous avons plusieurs clients intéressés. » De même, le laboratoire de Blaye le pratique de plus en plus en prestation. « Et nous essayons de convaincre plus de viticulteurs de son intérêt », affirme Patrick Auduit.

A Soussac, Françoise Ligou estime que les mesures de CFLA devraient se faire plus systématiquement lors de la préparation des vins à la mise. D'ailleurs, lorsqu'elle reçoit au laboratoire des commandes pour un indice de colmatage, elle réalise la mesure du CFLA : « L'interprétation est meilleure et plus facile », justifie-t-elle. D'autant que, selon elle, l'analyse de CFLA ne coûte pas plus cher que l'indice de colmatage.

La turbidité, un mauvais indicateur de la filtrabilité

Lors de son stage au centre œnologique de Pauillac en 2008, Amélie Dussurguey a comparé les différents indices utilisés dans la pratique pour évaluer la filtrabilité des vins. Pendant quelques semaines, elle a mesuré la turbidité, l'indice de colmatage, le Vmax et le CFLA des échantillons envoyés au laboratoire pour analyse avant mise en bouteille. La turbidité s'avère être très mal correlée à la filtrabilité : des vins peu troubles peuvent être difficiles à filtrer et peuvent colmater les filtres. « On ne peut pas se baser sur cette mesure pour choisir un type de filtration, car le résultat est trop aléatoire », estime Christophe Coupez, directeur du centre de Pauillac. L'indice de colmatage, quant à lui, donne de bons résultats, mais seulement sur les vins assez filtrables. Sur les vins chargés, peu filtrables, il a tendance à surévaluer ou sous-évaluer le risque de colmatage. C'est d'ailleurs un indice appliqué aux vins destinés à des filtrations serrées sur cartouches. Au bout du compte, ces essais ont mis en évidence que le Vmax et le CFLA sont les meilleurs indicateurs de la filtrabilité d'un vin. Pour une mesure pertinente du premier, il faut deux membranes, quand le second n'en requiert qu'une. « La mesure du CFLA étant la meilleure et la moins coûteuse, nous avons choisi cet indicateur pour le laboratoire », explique Christophe Coupez.

Un test avec trois membranes au choix

Le CFLA consiste à tester la capacité d'un vin à s'écouler à travers une membrane de filtration. « La mesure s'apparente à celle de l'indice de colmatage, indique Gaëlle Reynou-Gravier, du service technique de Lamothe Abiet. Mais on dispose de trois membranes au lieu d'une. Pour le test, il faut choisir celle de 0,65, de 1,2 ou de 5 μm en fonction de la turbidité du vin (plus celle-ci est élevée, plus on prend une membrane lâche). » Puis, on remplit une cloche de filtration de laboratoire (2 l), on installe la membrane choisie et on applique une pression de 1 bar. On pèse le volume de vin filtré toutes les 10 secondes pendant 2 minutes. A partir de ces mesures, le logiciel fourni par Lamothe Abiet donne la valeur du CFLA. Un CFLA inférieur à 10 correspond à une bonne filtrabilité à travers un filtre choisi. S'il est entre 10 et 50, la filtrabilité du vin est moyenne. Elle est mauvaise pour une valeur entre 50 et 200. Enfin, il faut envisager un autre type de filtration ou une meilleure préparation du vin si le CFLA dépasse 200.

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