« Le vin est le plus grand et le meilleur ami de l'homme. Il doit être inclus dans les bons aliments et considéré comme réparateur de nombreux maux. » Aujourd'hui, cette citation du plus célèbre médecin du Moyen Age, Arnaud de Villeneuve, constitue un véritable baume au cœur pour tout vigneron.
Dans son traité, « De vinis », il enfonce le clou : « Le vin conforte la santé. Pris en dose convenable, il convient aux vieillards (…) comme aux jeunes… » Il écrit encore : « Le vin (…) clarifie le sang troublé, il chasse tout stress du cœur, tonifie tous les organes du corps si bien que son bienfait se manifeste non seulement vis-à-vis du corps, mais aussi il élève l'âme en lui apportant la joie qui fait oublier la tristesse. » Des aphorismes que les instances de santé actuelles feraient bien de méditer !
Toujours bien en cour
Arnaud de Villeneuve serait né vers 1240 en Catalogne (Espagne), mais le lieu et la date de sa naissance ne sont pas certains. Selon Louis Delieu, auteur d'une biographie à son sujet, il reçoit « une solide instruction » chez les dominicains à Barcelone. Il apprend la théologie, le latin, le grec, l'hébreu, l'arabe. Il se rend ensuite à Naples et Salerne (Italie) où il étudie la médecine. Très vite, il sert les plus grands de son temps. « Arnaud de Villeneuve est bien en cour et il le restera toute sa vie », note Louis Dulieu.
Le médecin soigne les rois (Pierre III d'Aragon, Jacques II d'Aragon, Frédéric II de Sicile et Robert d'Anjou, roi de Naples) et les papes (Boniface VIII, Benoît XI et Clément V). A l'occasion, il est aussi leur diplomate. « Son activité fut énorme dans tout le bassin méditerranéen. On reste confondu par le nombre et l'importance de ses déplacements », continue Louis Delieu.
De fait, il séjourne en Italie (Rome, Palerme, Florence, Salerne…), en Espagne (Barcelone, Valence), en Provence, à Paris et bien sûr à Montpellier (Hérault), ville à laquelle il est très attaché. Il est professeur à l'école de médecine de Montpellier dès sa création en 1289. Par ailleurs, il s'intéresse de près à l'alchimie, à l'astrologie, à la magie et à la science des rêves, autant de thèmes qu'il intègre à la science médicale.
Or, depuis le premier millénaire, des médecins alchimistes arabes, à Bagdad (Irak), puis en Andalousie (Espagne) et à Salerne ont créé des méthodes de distillation de plantes et de fruits, en vue d'obtenir des alcools employés comme remèdes et parfums. Arnaud de Villeneuve a vraisemblablement introduit cet art de la distillation dans le sud de la France, à des fins thérapeutiques. Il en aurait fait une opération courante.
Sans oublier les opinions de ses illustres prédécesseurs (Hippocrate, Galien, Avicenne, etc.), il expose ses propres préconisations dans ses traités médicaux. Il recommande une hygiène rigoureuse. Il dispense des conseils diététiques et des régimes « pour conserver la santé », qui, au fond, correspondent au célèbre régime crétois actuel : des légumes, des œufs, de l'huile d'olive et du vin.
« Il propose un art de vivre longtemps et en bonne santé grâce à une médication naturelle à base de plantes médicinales et de vin », écrit Yves Laisné qui a traduit son « De vinis », dans lequel l'illustre médecin livre ses recettes et les usages pour lesquels elles peuvent être employées.
Vin merveilleux, râpeux ou aquatique
On trouve ainsi le vin merveilleux pour les mélancoliques, le vin contre l'occlusion de la rate et du foie, le vin contre la fièvre, le vin pour soigner les plaies, le vin râpeux pour les coléreux et les sanguins, le vin contre l'oubli pour redonner la mémoire, le vin tonique qui réconforte et le vin… aquatique qui rend potable l'eau que l'on sert à table.
Dans ce traité, il n'hésite pas non plus à donner quelques conseils : « Le tonneau pour la vinification doit être de bon bois et bien nettoyé pour éviter toute altération susceptible de transformer le vin en vinaigre. »
Autre innovation à son actif : l'ajout d'alcool pur aux vins afin d'améliorer leur qualité et leur conservation. Ce faisant, il crée le mutage qui se répandra dans le sud-est de la France.
Arnaud de Villeneuve périt au large de Gênes (Italie) dans le naufrage du bateau qui le ramenait auprès du pape Clément V en Avignon, en 1311 ou 1312. Son enseignement est toujours d'actualité, n'en déplaise à certains : « Disons combien les remèdes à base de vins sont nombreux et que leur usage est de toute évidence excellent. » Santé !