Jean-Claude Belmonte ne fertilisera pas ce merlot cette année. L'Orb a débordé cet hiver et a apporté une couche de limons riches en éléments minéraux. Sur 5 ha, il pourra économiser l'engrais. © PHOTOS F. EHRHARD
Avec cet épandeur à deux coutres prêté par les établissements Magne, Jean-Claude Belmonte positionne l'engrais. Cet outil l'enfouit en deux lignes à 10 ou 15 cm de profondeur. © MAGNE SAS
Depuis deux ans, il utilise une formule à libération lente de chez Compo. Dosée à 21-5-10, elle apporte aussi 3 % de magnésium et 15 % de soufre, ainsi que des oligoéléments. Auparavant, il n'amenait que de l'ammonitrate.
Dans cette syrah qui plafonnait à 30 hl/ha, les efforts pour remonter la vigueur en alternant compost et engrais commencent à payer. L'an dernier, Jean-Claude a récolté 50 hl/ha et, cette année, il espère au moins autant. Le taux de matière organique atteint 1,8 %. La pousse est belle et régulière dans l'ensemble de la parcelle.
« Je veux pouvoir amener l'azote en une seule fois, car je n'ai pas le temps de faire deux apports, constate Jean-Claude Belmonte, vigneron coopérateur, à Sauvian dans l'Hérault. Au début, j'utilisais de l'ammonitrate. Cela donnait un coup de fouet aux vignes, mais ensuite la pousse ralentissait rapidement. Depuis deux ans, j'utilise un engrais complet à libération lente. La pousse est plus régulière et la végétation reste belle plus longtemps. »
Pour évaluer la dose d'azote à amener dans chaque parcelle, il tient compte du type de sol, de la vigueur et du rendement qu'il vise. « Sur les terrasses à galets roulés où je produis 45 à 50 hl/ha en AOC, un apport de 25 à 30 U d'azote suffit le plus souvent, détaille-t-il. Dans les sols limoneux plus profonds, je monte à 40 ou 50 U/ha pour les IGP produits à 60 ou 70 hl/ha. Et pour les vins sans IG qui dépassent 80 hl/ha, je pousse à 60 U/ha. »
Son objectif est d'obtenir une surface foliaire adaptée à chaque catégorie de vin. « Dans ma coopérative, cela conditionne le classement des parcelles et la rémunération des raisins, raconte-t-il. Il y a deux ans, dans une parcelle de merlot, le rendement a été plus faible que d'habitude. J'ai pensé que la vigne avait des réserves. Je n'ai pas amené d'engrais l'année suivante. La sortie de grappe a été excellente, mais j'ai manqué de surface foliaire pour bien nourrir les raisins. La parcelle a été rétrogradée de trois catégories et j'ai perdu 30 % sur le prix au kilo. »
L'apport au débourrement
Pour apporter l'engrais minéral, Jean-Claude Belmonte utilise un épandeur à double coutre prêté par son fournisseur. « Cet outil positionne l'engrais à 10 ou 15 cm de profondeur. Il laisse deux petites buttes en surface. Après l'apport, je griffe le sol pour le remettre à plat, l'aérer et désherber en même temps », précise-t-il.
Les pluies de printemps arrivent le plus souvent dans les semaines qui suivent l'apport. « Cette année, je l'ai réalisé le 5 avril, et le 23 avril il est en-fin tombé 55 mm », relève-t-il.
La libération d'azote s'étend sur deux mois et demi, grâce à un retardateur de nitrification incorporé à l'engrais. Pour couvrir les besoins jusqu'à la véraison, Jean-Claude compte aussi sur l'azote libéré par la minéralisation de la matière organique qu'il apporte en alternance avec l'engrais. « Si c'est nécessaire, la première année où je reprends une vigne, je remonte le niveau de matière organique du sol avec 10 à 15 t/ha de compost. Ensuite, j'amène régulièrement une dose d'entretien. Je vise à maintenir le taux de matière organique au-dessus de 1,4 %. »
En tenant compte de la restitution par les sarments broyés, il estime que les pertes de matière organique se situent entre 0,5 et 1 t/ha/an. « Plutôt que d'amener chaque année une petite dose pour compenser, je préfère intervenir tous les deux ou trois ans en amenant 1,5 à 2 t/ha de compost pour les vignes en AOC et 2,5 à 3 t/ha pour les autres. Cette année-là, je ne mets pas d'engrais minéral, car le compost libère de l'azote dès le printemps », indique Jean-Claude.
Plus de vigueur
Ce compost est fabriqué avec des déchets ménagers et des déchets verts. Il provient d'une plateforme située à 500 m de l'exploitation. « Je vais le chercher avec mon épandeur, qui contient 2 tonnes et je l'amène directement au champ. Je griffe ensuite le sol pour l'incorporer en surface. »Pour les apports d'entretien, un ou deux allers-retours suffisent pour un hectare. Pour les apports de redressement, il en faut six à sept.
« Avec l'engrais minéral, je fertilise une dizaine d'hectares en une journée, et avec le compost seulement deux ou trois, car je dois souvent attendre à la plateforme pour remplir mon épandeur. Mais en contrepartie, le coût n'est que de 10 €/t. »
Son engrais minéral lui coûte 600 €/ t, soit plus du double d'un ammonitrate simple. Mais il apporte en même temps du phosphore, de la potasse, du magnésium, du soufre et des oligoéléments. En fonction de la dose, le coût de la fertilisation varie entre 72 et 180 €/ha. « C'est assez cher. Mais chaque année, une partie des parcelles reçoit du compost à la place de l'engrais minéral, ce qui réduit le coût global, souligne Jean-Claude. En alternant ces deux types de fertilisation, je nourris en même temps le sol et la plante. Au fil des années, mes sols s'améliorent et mes vignes gagnent de la vigueur. »
Le Point de vue de
Jean-Yves Cahurel, du centre IFV de Villefranchesur-Saône (Rhône)
« Bien évaluer la vigueur »
« La vigne a des besoins modérés en azote. Elle craint plus les excès que le manque. Pour calculer la dose à amener en complément de la fourniture par la matière organique du sol, il n'existe pas d'outil simple pour l'instant. Dans la pratique, les apports peuvent atteindre de 20 à 30 U/ha pour un rendement modéré et jusqu'à 50 ou 60 U/ha pour des rendements plus élevés. Pour évaluer s'ils sont satisfaisants, le mieux est d'observer la vigueur de chaque parcelle. Le diamètre des bois de taille donne une indication, de même que la longueur des pousses, le nombre de rognages et la couleur du feuillage. La concentration en azote du moût, si elle est trop faible, peut aussi révéler une carence, mais cela n'est pas systématique. Les apports se font le plus souvent en une fois, avant les pluies de printemps, pour que l'engrais ait le temps de migrer jusqu'aux racines avant la floraison. Jusqu'à ce stade, la vigne utilise l'azote qu'elle a mis en réserve à l'automne précédent. Ensuite, elle en puise dans le sol pour couvrir ses besoins, qui augmentent rapidement avec deux pics au stade petits pois et à la véraison. »