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VIN

Quand la science rencontre le vin

Géraldine Barioz - La vigne - n°231 - mai 2001 - page 54

Le second congrès sur les composés actifs du vin (WAC) s'est tenu à Beaune en mars dernier (1). Voici ce que l'on peut en retenir.
LEVURAGE. Des chercheurs ont inoculé Torulaspora delbrueckii à des moûts. Ils ont ensuite ajouté une souche de S. cerevisiae. Résultat : le vin issu de l'ensemencement séquentiel est jugé plus intense et plus complexe dans les notes fruitées et douces. © C. WATIER

LEVURAGE. Des chercheurs ont inoculé Torulaspora delbrueckii à des moûts. Ils ont ensuite ajouté une souche de S. cerevisiae. Résultat : le vin issu de l'ensemencement séquentiel est jugé plus intense et plus complexe dans les notes fruitées et douces. © C. WATIER

QUALITÉ DES RAISINS : Botrytis et esca : deux terribles plaies

Isabelle Ky, de l'Institut supérieur de la vigne et du vin de Bordeaux, a mis en évidence les graves conséquences de faibles attaques de Botrytis cinerea ou d'esca sur la composition des raisins et le profil des vins. Selon ses travaux, les grappes atteintes par Botrytis cinerea renferment cinq fois moins de phénols, de tanins et d'anthocyanes que des grappes saines.

Isabelle Ky a travaillé sur des vendanges de 2009 et 2010. Afin de reproduire en laboratoire l'effet du botrytis sur une récolte, elle a réalisé des mélanges de 5 %, 10 % et 15 % de grappes infectées avec des grappes saines. Elle a analysé le moût et le vin issus de ces mélanges.

Quelle que soit la proportion de grappes malades, le moût contient moins d'anthocyanes que le témoin sain. Seulement 5 % de grappes infectées peuvent modifier le profil organoleptique des vins, faisant apparaître des notes de réduction, des arômes terreux, herbacés et de champignons.

Retards de maturité et notes herbacées

De la même façon, la chercheuse a mélangé des grappes de cabernet-sauvignon récoltées sur des souches atteintes par l'esca avec des grappes provenant de souches saines.

Elle ajoute des proportions croissantes de grappes malades à ses mélanges : 5 %, 15 %, 25 %, 50 %, 75 % et 100 %.

Les grappes issues de souches atteintes renferment moins de tanins et d'anthocyanes que les grappes de souches saines. Les moûts avec plus de 25 % de grappes récoltées sur des pieds infectés sont moins riches en sucres et plus acides. Ces observations indiquent que les grappes issues de souches malades souffrent d'un retard de maturation, pouvant être expliqué par la perte de fonctionnalité des feuilles striées.

Les vins issus à 100 % de souches infectées par l'esca sont moins astringents et plus réduits que les témoins sains. Ils ont aussi des notes herbacées.

VINIFICATION : Des notes de pâtisserie avec une nouvelle levure

Olivier Pillet, de la société Lallemand, a présenté l'intérêt de Torulaspora delbrueckii sur chardonnay. Il s'agit d'une levure naturellement présente sur les baies, qui intervient dans les fermentations spontanées, mais dont la résistance à l'alcool est trop faible pour fermenter complètement un moût.

L'expérimentation a été réalisée en 2008 sur un moût issu d'une parcelle en appellation Mâcon village (sucres 202 g/l et acidité totale 6,84 g H2SO2/l). Après débourbage, le moût a été inoculé avec Torulaspora delbrueckii, puis avec une souche de S. cerevisiae. Ce second levurage est intervenu après une chute de quinze points de densité. Lallemand a comparé ce procédé à une fermentation classique n'utilisant que S. cerevisae. Dans les deux cas, les fermentations ont été aussi rapides, conduisant à des vins de teneur égale en acidité volatile.

Lallemand a soumis les vins, à l'aveugle, à un jury professionnel et à un groupe de consommateurs. Tous deux ont trouvé le vin issu de l'ensemencement séquentiel plus intense et plus complexe dans les notes fruitées et douces, de type pâtisserie. Ce procédé a également permis d'obtenir plus de volume en bouche. Lallemand s'apprête à commercialiser un pack Saccharomyce cerevisiae + Torulaspora delbrueckii.

COLLAGE : La bentonite élimine les amines biogènes

L'utilité de la bentonite pour stabiliser les vins vis-à-vis de la chaleur est bien connue. Son intérêt pour éliminer les amines biogènes des vins l'est beaucoup moins. Pascal Herr, du centre de service rural (DLR) de Neustadt en Allemagne, l'a découvert.

Ce chercheur a comparé trois doses de bentonite (50 g/hl, 100 g/hl et 150 g/hl) incorporés dans un vin blanc artificiellement chargé en amines biogènes (10 g/l). Selon ses essais, la dose la plus élevée permet d'obtenir une baisse conséquente de la quantité d'histamine (-86 %), de putrescine (-43 %) et de cadaverine (-44 %). La réduction de phényléthylamine est moins importante (-22 %). Les résultats les plus probants sont obtenus avec une bentonite sodique. Le chercheur souligne toutefois qu'à 150 g/hl, une perte d'arômes peut être mise en évidence par des professionnels.

Rappelons que les amines biogènes sont produites par les levures et bactéries. Ces substances peuvent affecter la qualité aromatique des vins. A forte dose, elles sont toxiques.

DÉGUSTATION : Les rouges de couleur intense font mouche

Maria-Pilar Sáenz-Navajas, de l'université de La Rioja en Espagne, a cherché à mettre en évidence un lien entre la couleur d'un vin rouge et son évaluation par le consommateur. La scientifique a mesuré l'intensité colorante et la quantité de chaque couleur primaire (rouge, jaune et bleu) dans des vins rouges espagnols. Puis elle a demandé à des dégustateurs professionnels de noter la robe, le profil aromatique et le profil gustatif des vins sélectionnés. Les échantillons qui obtiennent les meilleurs scores en termes de qualités gustatives et visuelles sont ceux qui contiennent le plus de pigments rouges et le moins de jaunes.

De la même façon, plus un vin est sombre et mieux il est évalué. La durée de vieillissement en fût n'intervient pas sur ces résultats (de trois à vingt-quatre mois).

DÉGUSTATION (SUITE) : Des experts dressent le portrait-robot d'un vin de garde

Une équipe bourguignonne (Agrosup Dijon et l'université de Bourgogne) menée par Jennifer Langlois a convoqué trente professionnels originaires de Bordeaux et autant de Bourgogne, afin de juger du potentiel de vieillissement de vingt-quatre vins issus de ces deux régions (douze de chaque), sans leur en dire l'origine.

Long, complexe et boisé

Lors d'une dégustation à l'aveugle, les professionnels devaient classer les vins en deux catégories selon qu'ils les jugeaient de garde ou pas. Résultat : ils ont majoritairement estimé les vins de Bordeaux de garde et les vins de Bourgogne non de garde. Dans les deux régions, les experts considèrent qu'un vin de garde est complexe, boisé, équilibré, avec une attaque franche et une bonne longueur en bouche.

Mais des divergences sont apparues. Ainsi, les dégustateurs n'ont pas pu qualifier certains vins. Parmi ceux classés avec certitude, les Bordelais n'ont jugé aucun vin de Bourgogne comme étant de garde, alors que les Bourguignons en ont retenu un. Au total, les deux groupes ne sont pas d'accord au sujet de six vins que les uns jugent de garde, mais pas les autres. De même, les deux groupes sont d'accord sur tous les vins qu'ils considèrent comme n'étant pas de garde, sauf un.

L'auteure de l'étude conclue : « Pour les vins de Bordeaux, il y a un meilleur accord des professionnels bordelais et pour les vins de Bourgogne, de façon moindre, il y a aussi un meilleur accord des professionnels bourguignons. La familiarité des professionnels pour les vins semble donc jouer sur leur jugement. »

VIN ET SANTÉ : Le résvératrol est plus actif dans le vin que seul

Le résveratrol est un polyphénol présent dans le raisin, le vin et bien d'autres plantes. Son activité antioxydante a été plusieurs fois démontrée in vitro, au point que certains le tiennent pour une molécule miracle, protectrice du cœur, anticancer et anti-âge. On trouve ainsi du résveratrol extrait de plantes, sous forme de compléments alimentaires. Mais cette substance semble bien plus active lorsqu'elle est dans le vin.

Les résultats récents de Norbert Latruffe (Inserm Dijon) vont dans ce sens. Il a démontré, sur des cellules humaines, que le résveratrol est mieux absorbé lorsqu'il est associé à l'éthanol que seul. Une étude plus ancienne de Norbert Latruffe avait déjà montré l'influence positive d'un autre polyphénol du vin, la quercetine, sur l'absorption du resveratrol par des cellules humaines. Il existe plusieurs hypothèses quant aux mécanismes par lesquels ces molécules agissent. Elles sont en cours de validation.

(1) Organisé par l'université de Bourgogne, le WAC (Wine Active Compounds) s'est tenu du 24 au 26 mars à Beaune (Côte-d'Or).

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