Chaque année, vers la mi-juillet, l'Inra de Bordeaux (Gironde) communique les valeurs d'un indicateur du risque de botrytis : le potentiel de réceptivité des baies ou PRB. Cette donnée permet d'évaluer précocement la sensibilité des baies de raisin au botrytis, dès le stade fermeture de la grappe. Plus le PRB est élevé, plus l'intensité de pourriture grise risque d'être importante à l'approche des vendanges. Inversement, une valeur du PRB faible indique un potentiel limité de développement de la maladie. Le PRB est donc un des éléments pour aider le viticulteur à raisonner la lutte contre ce parasite qui est coûteuse financièrement.
En 2010, des baies très réceptives
L'Inra a développé cet indicateur depuis 1994 sur un cépage blanc : le sauvignon. Mais pour la première fois en 2010, il l'a déterminé sur un cépage rouge : le merlot. Comment s'est comporté cet indicateur l'an passé ? Le PRB calculé tant sur sauvignon que sur merlot était élevé et comparable à celui de 2008, une année où le parasite a occasionné des attaques conséquentes. Le risque botrytis était important.
Dans sa note parue le 19 juillet dernier, l'Inra a donc demandé aux viticulteurs « de rester très vigilant en mettant en œuvre des mesures prophylactiques soignées, notamment l'effeuillage qui permet l'aération de la zone fructifère. La protection fongicide spécifique ne doit pas non plus être négligée, tout en prenant en compte également la sensibilité parcellaire à la pourriture grise ».
Toutefois, les conditions climatiques avant récolte furent sèches et le taux de botrytis est resté faible. Preuve que cet indicateur ne donne qu'une tendance et n'est qu'un facteur parmi d'autres du risque de botrytis. La compacité des grappes, la pression tordeuses, la vigueur végétative, la présence de blessures, le cépage… sont également importants. Mais tous ces facteurs de risque ne deviendront vraiment effectifs qu'en cas de météorologie favorable au champignon après la véraison. En effet, les conditions climatiques (pluie et/ou humidité) des trois à quatre semaines avant vendanges demeurent essentielles pour expliquer le taux final de botrytis.
Un élément pour mieux raisonner les interventions
Malgré cela, le PRB reste un indicateur intéressant. « Pour six saisons récentes, nous avons montré une corrélation significative entre l'intensité finale de pourriture grise et le PRB dosé sur baies immatures de sauvignon », explique Marc Fermaud, chargé de recherche à l'UMR Santé et agroécologie du vignoble de l'Inra-Enitab. Cette intensité peut être mesurée par le pourcentage de grappes atteintes. Mais la corrélation s'avère encore meilleure pour l'intensité globale de maladie exprimée en pourcentage total de grains botrytisés. En 2008, le PRB avait atteint sa valeur maximale depuis 2004. Au final, 14 % des baies ont effectivement été touchées, ce qui correspond à une attaque relativement forte.
Grâce au PRB, le viticulteur peut mieux raisonner ses interventions. Il pourra notamment voir s'il doit mettre en oeuvre une prophylaxie soignée ou s'il doit renouveler son antibotrytis. Or, le Bordelais a justement une particularité par rapport à d'autres régions : le traitement antibotrytis à la véraison a une efficacité comparable à celui de la floraison. « Disposer d'un indicateur de sensibilité au champignon avant ce traitement à la véraison permet de voir si son positionnement est justifié, surtout dans les situations critiques », précise Marc Fermaud.
Concrètement, comment l'Inra détermine les valeurs de cet indicateur ? « A la fin juin, ou peu avant la fermeture de la grappe, nous prélevons des baies sur une parcelle expérimentale de référence depuis 1994, poursuit le chercheur. On extrait les parois des cellules de la pellicule, préalablement pelée manuellement. Puis nous dosons deux éléments : d'une part la teneur en pectines hydrosolubles (PSE), un substrat nutritif facilement dégradable par botrytis et donc un indicateur de l'appétence des baies pour le pathogène, d'autre part, la concentration en composés phénoliques (CP), plus précisément en tanins, qui constituent une barrière à la progression du champignon (défenses de type préformées). Le PRB est tout simplement le ratio de l'appétence des baies divisé par leur capacité de défense. »
A l'heure actuelle, le PRB n'est utilisé que dans le Bordelais, même si d'autres régions s'y sont déjà intéressées. La méthodologie et les dosages biochimiques seraient applicables dans d'autres vignobles, mais l'extrapolation nécessiterait un nouveau calage des échelles de valeurs du PRB, qui sont actuellement seulement interprétables sur merlot et sauvignon en conditions bordelaises.
Un adjuvant améliore l'efficacité des traitements
L'ajout d'un adjuvant à un antibotrytis peut augmenter son efficacité. En 2005 et 2006, la société Vitaconsult a mené des essais dans le Muscadet sur melon de Bourgogne et dans le Maine-et-Loire sur chenin, avec différents types de buses (buses à turbulence et buses à fente). Elle a comparé plusieurs adjuvants, dont l'Héliosol de chez Action pin. Ce dernier est sorti du lot. Fabriqué à base de terpènes de pin d'origine naturelle, Héliosol est homologué pour être associé à tout fongicide. Il peut être utilisé en agriculture biologique et bénéficie de la norme NOP. Les essais menés par Vitaconsult, montrent que dans le cadre d'une stratégie à deux traitements aux stades A (chute des capuchons floraux) et B (fermeture de la grappe) ou A et C (début véraison), l'ajout de l'adjuvant augmente l'efficacité des traitements de 15 à 20 %.
D'autres essais conduits dans le Bordelais sur muscadelle vont dans le même sens.
L'an dernier en Champagne, la pourriture de sécheresse
La dernière campagne champenoise a été marquée par de fortes attaques de botrytis au moment des vendanges. Mais la répartition géographique des symptômes était étonnante. Les précipitations exceptionnelles des 15 et 16 août faisant suite à celles de la mi-juillet semblaient être le coupable tout désigné. Mais en réalité ce n'est pas là où la pluie a été la plus abondante que le botrytis a le plus sévi. Le CIVC a donc mené l'enquête. Il a constaté que l'enherbement, la vigueur, la conformation des grappes et le cépage ont joué un rôle. Mais ces facteurs ne suffisaient toujours pas à expliquer pourquoi la Marne était beaucoup plus touchée que l'Aisne. Finalement, les observations ont montré que les zones qui ont subi un stress hydrique dès la fin du printemps ou le début de l'été ont été les plus attaquées. C'est le cas de la Marne où le seuil de stress hydrique a été atteint dès la fermeture de la grappe, contrairement à l'Aisne.
Dans une telle situation, la vigne fabrique des membranes de moindre épaisseur, ce qui fragilise les baies. A l'approche des vendanges, elles ne sont pas assez épaisses pour résister aux assauts du parasite qui attaque les baies.
Le CIVC a appelé ce phénomène « la pourriture de sécheresse ».