Depuis longtemps, les firmes phytosanitaires se préoccupent de la sécurité des applicateurs de leurs produits. Elles ont mis sur le marché des matières actives moins toxiques, développé des emballages et des formulations plus sûres… « Mais on ne peut pas se contenter de cet aspect », insiste Isabelle Delpuech, responsable national de la sécurité de l'applicateur chez Syngenta. C'est pourquoi les firmes phytosanitaires font également la promotion des bonnes pratiques d'utilisation des phytos. Voici quelques exemples des actions menées par les trois principales firmes.
SYNGENTA : Des mini-ateliers pédagogiques
Avec les Vignerons indépendants de France, Syngenta a organisé des mini-ateliers dénommés « Je prends ma sécurité phytosanitaire en main ». Cinq sessions ont eu lieu en mars-avril en Alsace, en Champagne, dans le Languedoc-Roussillon, dans le Médoc et à Monbazillac. Soixante-dix viticulteurs et salariés y ont participé. Pédagogie et interactivité étaient les maîtres mots de ces ateliers.
Syngenta a rappelé les principes de base de la prévention : choisir les produits les moins toxiques bien lire les étiquettes, s'organiser pour préparer sa bouillie… Mais surtout, la firme a mis les viticulteurs en situation. « On a pris un bidon sur lequel on a mis un gel qui devient fluorescent sous une lumière UV. On a demandé à un viticulteur de mettre des gants, de manipuler le bidon, puis de mettre les mains sous un éclairage UV. Comme les gants se sont mis à scintiller, le viticulteur voyait bien qu'ils étaient souillés », raconte Isabelle Delpuech. Une démonstration qui a marqué les participants, leur démontrant qu'il est nécessaire de laver les gants.
Pour finir, Syngenta a décrypté avec eux toutes les situations où ils pouvaient se contaminer. « Par exemple lors du remplissage, beaucoup m'ont expliqué qu'ils avaient des difficultés pour accéder au trou d'homme », rapporte Isabelle Delpuech.
BASF AGRO : Succès des Antisèches phytos
De son côté, BASF a édité un petit fascicule récapitulant l'essentiel de la réglementation phytosanitaire : « Mes antisèches phytos ». Ce « Que sais-je du phyto », comme le nomme Vincent Jacus, le responsable « bonnes pratiques », était au départ destiné aux techniciens de la distribution et aux prescripteurs. En 2010, la firme a édité une nouvelle version pour les agriculteurs et les viticulteurs. Lors de la campagne 2010-2011, elle en a vendu 20 000 exemplaires à une trentaine de distributeurs qui les ont ensuite proposés à leurs clients.
BASF a également développé « Educ'phyto », un logiciel permettant aux distributeurs et prescripteurs d'organiser des réunions interactives avec les viticulteurs et les agriculteurs. Ces derniers révisent les règles de bonnes pratiques en participant au jeu des erreurs.
Lors des visites d'essais, la firme distribue des gants assortis d'une petite fiche explicative, ainsi que des autocollants reprenant les pictogrammes de danger, les numéros d'urgence… que les viticulteurs peuvent apposer dans leur local phytosanitaire.
Enfin, la firme vient de mettre en place le service Evidence pour aider les professionnels à régler leur pulvérisateur (voir « La Vigne » n°231 p.50 et 51).
BAYER CROPSCIENCE : Un outil d'aide au choix des EPI
Mi-juin, la firme a lancé sur son site bayer-agri.fr l'outil « Gestes pro online ». En quatre clics, le viticulteur renseigne le produit de la gamme Bayer qu'il va utiliser, la culture, le type de pulvérisation (haute ou basse) et le type de tracteur dont il dispose (cabine ou pas). Puis le logiciel calcule le risque à trois étapes : lors de la préparation de la bouillie, du traitement et du nettoyage du pulvérisateur. Il détermine les équipements de protection adéquats. L'information apparaît sous forme de trois petits mannequins.
En face de chaque équipement, le viticulteur trouve tout une somme d'explications. Par exemple pour les gants, Bayer indique quel type il doit porter, détaille la manière de les enfiler, de les retirer, de les entretenir et de les stocker. Le viticulteur peut imprimer le résultat. Bayer a également réalisé des vidéos relatives au bon usage des équipements de protection. Elles sont également visibles sur son site internet.
De nombreuses actions au sein de l'UIPP
L'Union des industries de protection des plantes et différents partenaires (MSA, chambre d'agriculture, Cemagref...) vont mener une expérience avec des colorants pour visualiser l'exposition aux phytos des travailleurs qui épamprent et relèvent les vignes dans le Bordelais.
L'objectif est de déterminer quelles parties de leur corps se contaminent lorsqu'ils manipulent un feuillage couvert des traces de produit. Les participants au projet vont également tester des vêtements de protection, des gants notamment, afin de voir si cette solution est acceptable ou pas. Ils vont décortiquer les calendriers de travaux, afin de voir s'il est possible de réduire les risques par une meilleure organisation des chantiers. Initié il y a un an, ce projet s'inscrit dans la démarche européenne Safe Use Initiative.
Dans ce cadre, l'UIPP va également se pencher sur l'exposition des viticulteurs lors de la préparation des traitements. Avec le Cemagref, elle développe aussi une grille de cotation des pulvérisateurs. Cette dernière permettra au viticulteur de voir si un pulvé protège ou au contraire expose son utilisateur au risque phyto.
Le Point de vue de
Xavier Sabouraud, responsable des vignobles Louis Fabre, 355 ha de vignes dans l'Aude
« Le message a plus de poids »
« Tous nos salariés qui manipulent les produits phytos et moi-même avons participé à un mini-atelier organisé par Syngenta et les Vifs en avril dernier. La formation a duré une demi-journée. Personnellement, je suis déjà bien informé de tous les risques liés aux phytos. Depuis une dizaine d'années, les vignobles Louis Fabre sensibilisent tout le personnel à ces aspects.
Ils mettent à notre disposition les équipements de protection dont nous avons besoin. Mais il reste encore du chemin à parcourir. L'intérêt des mini-ateliers de Syngenta est que le message est délivré par une personne extérieure. Nos salariés ont eu une oreille plus attentive qu'avec moi qui leur rabâche les mêmes choses depuis dix ans. Ce qui les a le plus marqué est l'analyse des risques, notamment lors de la préparation de la bouillie. La plupart estiment que c'est en respirant les produits qu'ils s'intoxiquent le plus. Or, c'est par la voie cutanée que les contaminations sont les plus nombreuses.
Syngenta en a fait une démonstration assez ludique. La firme a fait circuler un bidon sur lequel elle avait mis un gel invisible à l'œil nu mais qui fluoresce sous UV. Puis elle nous a expliqué qu'en manipulant le bidon, nous nous étions contaminés les mains. Pour nous le prouver, elle nous a demandé de mettre les mains sous une lumière UV. Nous avons vu que nous avions tous le bout des doigts fluorescent. Cette démonstration a éveillé les consciences. »