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VENDRE - C'est tendance

Les cépages rares ou oubliés donnent de la voix

Chantal Sarrazin - La vigne - n°232 - juin 2011 - page 78

Des producteurs mettent en avant des variétés anciennes ou de nouvelles obtentions. Une façon de se distinguer ou de renouveler l'offre qui passe bien auprès des clients.

Grenache poilu, macabeu, arbane… Les régions fourmillent de cépages oubliés ou inconnus au bataillon des variétés internationales. Des vignerons les remettent au goût du jour, suscitant la curiosité de leurs clients. D'autres s'intéressent à des obtentions de l'Inra comme le marselan ou l'égiodola.

Les négociants sont aussi de la partie. Dans le Languedoc, Vignobles Gilles Louvet a ainsi étendu sa gamme de vin de cépages bio au marselan. « Nous y croyons beaucoup, déclare Antoine Pâques, chargé de communication. Il développe des arômes de cerise noire, de cassis et une finale épicée. » Surtout, il crée la nouveauté : « Les Français connaissent le merlot, le cabernet-sauvignon, etc. Ils ont envie de découvrir d'autres profils », observe Wenny Tari, propriétaire du château de Brau, dans l'Aude, qui s'intéresse au fer servadou et au petit verdot.

« Dans le contexte de mondialisation actuel, les gens ont besoin de se réancrer dans le terroir », souligne Emmanuel de Salve, responsable marketing de Badet Clément. Les curiosités ampélographiques ont de beaux jours devant elles. Les variétés nouvelles aussi. A condition d'être expliquées aux consommateurs.

Arbane Haut de gamme

Champagne Moutard (Aube)

Cuvée Arbane : 1 500 cols

90 €/col

Cuvée Six Cépages : 10 000 cols

48,30 €/col

1992 : François Moutard élabore un champagne 100 % arbane, une variété autochtone, en voie de disparition. « Au XVIIIe et au XIXe siècles, l'arbane figurait parmi les cépages améliorateurs », rappelle-t-il. Le viticulteur en possède 80 ares, plantés en 1954. « Avant, je l'exploitais en assemblage, mais ses qualités m'ont conduit à vinifier cette variété seule. » A l'arrivée, une bulle toute en finesse, nerveuse avec des arômes de coing et de pomme reinette. En 2000, François Moutard mitonne la cuvée Six Cépages. A base de chardonnay, pinot noir, pinot meunier, arbane et deux autres raretés de la région : pinot blanc et petit meslier. Tous ces cépages sont vinifiés séparément en fût. Là aussi, le profil est atypique : vanillé, brioché, miellé. Les deux vins sont vendus au caveau, en épicerie fine et dans la grande restauration. La maison a tiré son image vers le haut.

Maccabeo Figure Libre

Domaine Gayda (Aude)

6 000 à 9 000 cols selon les millésimes

14 €/col, prix public

IGP d'Oc

« J'ai découvert le macabeu vinifié seul, en blanc sec, en Espagne, indique Vincent Chansault, responsable technique du domaine. Fabuleux ! » De là est venue l'idée de lancer une cuvée de ce cépage. En 2005, il trouve la perle rare : une parcelle de 3 hectares à 450 mètres d'altitude sur un plateau d'arènes granitiques.

Les vignes, âgées de 50 ans, appartiennent à un vigneron à qui le domaine achète la vendange. Les jus sont vinifiés et élevés en barriques. C'est la cuvée Figure Libre. L'an prochain, une partie sera vinifiée dans une cuve en forme d'œuf et sera assemblée avec les vins vinifiés en barrique. « Au début, nos clients ont hésité. » Aujourd'hui, les ventes décollent en restauration et chez les cavistes en France et à l'export.

Rare et Antique, toute une gamme dédiée aux cépages rares

« Nous avons lancé la gamme Rare et Antique en septembre 2010, annonce Emmanuel de Salve, directeur marketing de Badet Clément, négociant spécialiste des vins du Languedoc. Elle complète notre marque Les Jamelles qui comporte des vins bios, des cépages classiques… »

Cinq variétés composent la nouvelle offre : alicante, carignan, cot, macabeu et bourboulenc. « Nous avons cherché les process de vinification les mieux adaptés à chacune. » Autre défi, l'approvisionnement.

Les deux œnologues postés dans le Languedoc ont débusqué les vignerons cultivant ces raisins. L'alicante et le macabeu font l'objet d'achats à l'extérieur de la région pour disposer des quantités suffisantes. Ils sont déclarés en vin de France. Le carignan et le bourboulenc également, mais pour des raisons de conformité au cahier des charges de l'IGP Pays d'Oc. Seul le cot bénéficie de cette IGP.

Les cavistes ont souscrit. « La totalité de la production sera vendue avant l'arrivée du prochain millésime. » Le bourboulenc, dont le profil n'a pas convaincu, n'est pas reconduit. Un 100 % rolle le remplace. Un grenache poilu encore dénommé lledoler pellut pourrait agrandir la famille.

3 300 à 6 000 cols selon les cépages.

8 €/col, prix public.

IGP pays d'Oc et vin de France.

Abouriou Complément du merlot

Domaine Le Geai (Gironde)

AOC Côtes-du-Marmandais

6 000 col

6,50 €, prix public

Epice, poivre : l'abouriou apporte ces notes aromatiques aux rouges du marmandais. Originaire de cette région, il a quasiment disparu. Sauf au domaine Le Geai (Saint-Michel-de-Lapujade) dont il couvre un tiers des 6 ha de vignes classées en AOC Côtes-du-Marmandais. « Traditionnellement, nous l'assemblions à la syrah, au merlot et au cabernet, indique Christian Boissonneau. Il passait inaperçu. » En 2007, il vinifie un 50 % arbouriou et 50 % merlot. « Aujourd'hui, nous disposons d'équipements de contrôle des températures et de la macération qui permettent de travailler ce cépage pour qu'il soit élégant. De même à la vigne, nous limitons les rendements, nous cueillons à maturité… » La quasi-totalité du volume est exporté. Le vin commence à plaire.

Egiodola et fer Du fruit et de la structure

Château de Brau (Aude)

IGP Aude

5 000 cols de fer servadou, 3 000 cols d'égiodola

8 €/col, prix public

Créée en 2007, la gamme Pure réunit six cépages. Quatre sont connus : pinot noir, cabernet-sauvignon, syrah et cabernet franc. Deux sont plus rares : le fer servadou et égiodola. Tous sont des IGP. Les étiquettes précisent que le fer servadou est floral, soyeux et complexe et que l'égiodola, charnu et structuré, évoque les prunelles. « Nous les cultivons en bio, explique Wenni Tari, propriétaire du domaine avec son mari Gabriel. Dans ces conditions, ils produisent peu et donnent des rouges avec du fruit et de la structure. Avant, ils entraient dans les assemblages. Nos clients se montraient curieux. Cela nous a poussés à les vinifier seuls. » Sur les salons, le pinot noir fait s'arrêter le chaland, qui déguste ensuite les autres vins. Un petit verdot va prochainement compléter la gamme.

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