Obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l'entretien individuel annuel est un outil de management encore peu utilisé dans les exploitations viticoles. L'état d'esprit général peut se résumer par cette question : « On se voit tous les jours, quel est l'intérêt de formaliser un entretien en tête à tête ? »
« C'est complètement différent de s'arrêter une fois par an pour faire le point, que de parler de manière informelle tous les jours, estime Christophe Chevré, responsable formation aux Vignerons indépendants de France. Cet entretien peut être préparé par l'employeur et le salarié, chacun a le temps de réfléchir en amont.
On peut faire un parallèle avec l'enquête de satisfaction clients. Un vigneron a tout à gagner à connaître le point de vue de ses clients et à identifier les problèmes. Il en est de même dans les relations salariales.
Cet entretien est souvent perçu comme un risque par l'employeur alors qu'il ouvre souvent la porte à des solutions d'organisation auxquelles le vigneron n'aurait pas pensé seul. »
L'une des principales réticences des exploitants agricoles à proposer ces entretiens reste la crainte que le salarié demande une augmentation de salaire. « Il y a deux politiques à ce sujet, poursuit Christophe Chevré. Certains acceptent de l'aborder. D'autres, dont je suis, estiment que ce n'est pas le moment et que la question du salaire peut venir polluer les échanges. »
Les responsables en ressources humaines rappellent que cet entretien n'est pas le lieu des règlements de compte et qu'il est important d'adopter une écoute active. C'est-à-dire qu'il faut prêter toute son attention à ce qu'exprime votre salarié, sans l'interrompre et sans porter de jugement. Il faut aussi le questionner pour l'aider à approfondir le sujet. Un exercice bien différent des conversations quotidiennes qu'un viticulteur peut avoir avec ses salariés, mais très utile.
Des étapes à respecter
Le Fafsea propose aux employeurs de la filière un guide gratuit permettant de préparer et de mener l'entretien individuel annuel.
Les principales étapes à respecter sont les suivantes :
préparer l'entretien en rédigeant la liste des points à aborder. Prévenir le salarié au moins une semaine avant en lui expliquant comment se déroulera l'entretien et ses objectifs. Rappeler le caractère confidentiel de l'entretien ; ---- pendant l'entretien, le salarié puis l'exploitant dresse le bilan du travail réalisé, en s'appuyant le plus possible sur des éléments concrets. Identifier ensemble les points forts du salarié et les causes des moins bons résultats ;
fixer de nouveaux objectifs quantifiables et nommer les moyens ou les changements d'organisation à mettre en place pour y parvenir ;
conclure en reformulant les points principaux et les décisions prises, demander au salarié son sentiment sur le déroulement de l'entretien, puis remplir le support écrit pendant ou juste après l'entretien et le faire signer par les deux parties.
Pour en savoir plus : www.fafsea.com
Le Point de vue de
Séverine Camus, responsable des ressources humaines du Groupe Roederer Bordeaux (Gironde)
« Tout est fait pour dédramatiser l'échange »
«le groupe gère quatre exploitations bordelaises de taille différente, dont le château Pichon Longueville Comtesse de Lalande. Les effectifs vont de 5 à 60 salariés. Chaque exploitation met en œuvre ses entretiens, que nous avons baptisés “entretiens annuels d'échanges”. Nous mettons l'accent sur le fait que c'est un moment privilégié avec le chef d'équipe, dont l'objectif est d'arriver à des engagements réciproques. Les salariés sont prévenus environ quinze jours à l'avance et reçoivent un petit livret préparatoire qui explique le déroulement de l'entretien et ses finalités.
Tout est fait pour dédramatiser l'échange. Ce n'est pas un oral d'entrée dans les grandes écoles ! Une fois par an, on se pose. On coupe les portables et on prend le temps de faire le point sur les difficultés rencontrées dans l'année écoulée, sur les réussites, sur les axes de progrès et sur les projets de formation. La rémunération n'est pas évoquée, même si elle peut être présente au travers d'une demande d'évolution de statut par exemple. Quand on est pris par le quotidien, on n'a pas le temps d'aller au fond des choses, même si on se voit tous les jours. Cet entretien confidentiel en tête à tête permet aux plus introvertis de s'exprimer plus facilement. A la fin, le salarié dispose d'un moment pour consigner par écrit tout ce qu'il souhaite. C'est une autre forme d'expression, qui sera conservée. Je conseille à tous de réaliser ces entretiens, y compris dans les domaines avec un ou deux salariés. Cela demande du temps, mais c'est vraiment du gagnant-gagnant. »