Qui les réalise ?
Au niveau national : le Service statistiques et prospection (SSP) du ministère de l'Agriculture, ainsi que FranceAgriMer. En région : des interprofessions comme le CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne) ou le BNIC (Bureau national interprofessionnel du cognac).
A quoi servent-elles ?
« L'objectif est avant tout une meilleure organisation des vendanges, explique Laurent Panigai, responsable du service viticulture au CIVC. Mais les prévisions permettent aussi de rassurer et de sécuriser le viticulteur. Par exemple, le tri qualitatif ou la réduction des traitements phytosanitaires sont mieux acceptés si la récolte s'annonce abondante. » Pour Ludovic Pâris, chef de l'unité Evaluation à la direction Marchés de FranceAgriMer, « nos prévisions alimentent le débat entre les professionnels lors des réunions des 41 membres du conseil spécialisé viticole ».
Quand paraissent-elles ?
Le 5 de chaque mois, de juillet à novembre inclus, pour les prévisions du ministère de l'Agriculture. FranceAgriMer publie les siennes autour du 15 juillet, puis en septembre et/ou en octobre. Début juillet, le BNIC donne une première indication du potentiel de rendement. Puis, à partir de la véraison et jusqu'au début des vendanges, il émet une dizaine de bulletins hebdomadaires de suivi de la maturité dans lesquels il mentionne cette donnée.
Comment l'administration les établit-elle ?
Le ministère de l'Agriculture et FranceAgriMer s'appuient sur deux éléments : la superficie en production l'année précédente déduction faite des arrachages indemnisés et des avis d'experts. Le ministère fait appel aux services statistiques régionaux (SRISE) des Draaf. De juin à octobre, entre le 20 et le 30 de chaque mois, chaque service régional consulte un panel d'acteurs. Viticulteurs, caves coopératives, chambres d'agriculture, consultants… sont ainsi interrogés sur l'évolution de la récolte par rapport à l'année précédente. Le ministère consolide ces informations, puis communique une donnée nationale par catégorie de vins (IGP, AOP, vins pour eaux-de-vie).
FranceAgriMer et le ministère travaillent-ils différemment ?
Non. « Nous travaillons sur les mêmes données, mais nous intégrons parfois des départements et des échos de professionnels supplémentaires, indique Ludovic Pâris. Au final, les chiffres sont très proches, la différence ne tenant qu'aux méthodes d'extrapolations du ministère de l'Agriculture et de FranceAgriMer. »
En région, comment sont-elles élaborées ?
Le BNIC et le CIVC s'appuient sur leur réseau maturation mis en place dans les années soixante-dix. Leurs méthodes sont assez similaires. Le réseau Champenois comprend près de 500 parcelles pour 30 000 ha de vignoble, celui du Cognaçais 55 parcelles pour 70 000 ha.
Le BNIC compte le nombre de grappes à l'hectare, sur dix pieds par parcelle au stade grappes séparées. Le CIVC fait de même sur trente pieds au stade fermeture de la grappe. Ce travail permet d'avoir une première indication du potentiel de récolte. « Mais la précision est faible, car le poids des grappes à la récolte peut varier dans de grandes proportions : par exemple de 280 g (2007) à 420 g (2004) », rapporte le BNIC. Dès la véraison, les prévisions s'affinent grâce à la prise en compte du poids des grappes mesuré chaque semaine jusqu'au début de la récolte.
Au CIVC, cette approche est complétée par une prise en compte de l'avis des professionnels. « Nous organisons deux tournées d'estimation mi-juillet et début septembre sous forme de réunions pour couvrir la totalité des 300 communes du vignoble, révèle Laurent Panigai. C'est l'occasion d'échanger les estimations communales de rendement et l'appréciation subjective du potentiel de grossissement des raisins. »
Durant la floraison, le CIVC et le BNIC se servent également de capteurs à pollen qui mesurent la quantité de grains de pollens émis. Celle-ci est proportionnelle au nombre de fleurs. Elle est représentative de la qualité de la nouaison, voire du grossissement des baies. Mais cet indicateur simple et précoce fournit des prévisions d'une précision faible, similaire au simple comptage de grappes.
Utilise-t-on aussi la modélisation informatique ?
Le CIVC est le seul qui la pratique. Il utilise le modèle développé par la Sesma pour la Champagne au début des années quatre-vingt-dix. Une estimation du poids potentiel des grappes par cépage est ainsi disponible quinze jours après la floraison, sur la seule base d'observations climatiques.
Quelle est la précision des estimations ?
Elle augmente évidemment avec l'approche de la récolte. Le BNIC a analysé la précision de ses estimations : un écart moyen de 10 à 15 hl/ha (soit moins de 10 %) si on considère l'indice volume (nombre de grappes par hectare multiplié par le poids des grappes multiplié par une constante), mais jusqu'à 30 hl/ha si l'on se contente du nombre de grappes. « Il faudrait multiplier le nombre de parcelles témoins par quatre pour améliorer la prévision d'un facteur deux », précise son responsable du pôle viticole. Quant aux prévisions du ministère, « en moyenne sur dix ans, on constate moins de 1 % d'écart pour l'estimation du 1er octobre et du 1er novembre et 3 % d'écart pour celles de juillet et août », selon un expert du SSP.
Comment expliquer les différences entre prévision et réalité ?
Pour FranceAgriMer : « Plus les années sont atypiques, comme 2007 ou 2011, plus il est difficile d'évaluer le volume de récolte. Ainsi, en 2007, la prévision de juillet s'élevait à 50,7 Mhl pour une récolte à 46,5 Mhl. Les estimations avaient bien anticipé une baisse par rapport à 2006, mais elle a été encore plus forte qu'escompté. » Autre explication au CIVC : « Nos prévisions 2010 ont été stables et précises jusqu'à la récolte, témoigne Laurent Panigai. Pourtant, le rendement rentré au pressoir a été inférieur de 15 % à celui de la récolte effectivement présente sur souche (12 000 kg/ ha au lieu de 14 000). En effet, la forte attaque de pourriture grise en septembre a conduit les viticulteurs à pratiquer un tri qualitatif sévère. »
En quoi les prévisions ont-elles un impact sur les marchés ?
« Les prévisions officielles sont indispensables et attendues avec impatience par la profession, mais le ministère doit être prudent, car elles influencent fortement les marchés, confie Olivier Margarot, secrétaire général de la Confédération des coopératives vinicoles de France (CCVF). En 2010, tout indiquait que nous allions vers une petite récolte, ce qui était positif pour une reprise des marchés après la crise. Mais bien que revues à la baisse chaque mois, toutes les estimations du ministère ont été surestimées, induisant un flottement des acheteurs durant l'été. » Pour Ludovic Pâris : « Des prévisions indépendantes sont indispensables. Les services de l'Etat ne sont pas plus infaillibles que les autres, mais ils ont l'avantage de la neutralité. »
Le comptage des grappes : un premier indicateur
Chaque année, les professionnels les attendent avec impatience. L'an passé, celles du ministère furent surestimées, ce qui a induit un flottement des acheteurs durant l'été. Pour autant, ces prévisions restent fiables. Voici comment elles sont établies.
Des outils complémentaires
CAPTEURS DE POLLEN Ils mesurent la quantité de pollen émis durant la floraison. Elle est proportionnelle à la quantité de fleurs. Elle est représentative de la qualité de la nouaison, voire du grossissement des baies. © CIVC
PHOTOGRAPHIE PUIS CALCUL DU POIDS DES GRAPPES Maquette expérimentale de Qualiris grappes qui sera commercialisée prochainement par Sodimel. Cet appareil a été développé grâce aux travaux de l'IFV pôle Sud-Ouest. Il photographie les grappes, puis grâce à un logiciel de traitement des images, il en déduit le poids. Une fois qu'il connaît le poids des grappes, l'utilisateur peut calculer le rendement de sa parcelle dès la fermeture de la grappe.