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VIN - TECHNIQUE À L'ÉPREUVE

La vinification en cuve bois « Les arômes sont plus évolués et les tanins plus ronds »

Colette Goinère - La vigne - n°233 - juillet 2011 - page 44

Pascal Berteau est un fervent partisan de la vinification en cuves bois. Elles apportent un aspect gustatif et esthétique sans pareil.
PASCAL BERTEAU, le directeur technique du château Cantemerle, a opté pour la vinification en cuve bois.

PASCAL BERTEAU, le directeur technique du château Cantemerle, a opté pour la vinification en cuve bois.

UN CAVISTE installe la sonde de température par le plafond de la cuve. Les fermentations sont conduites à des températures comprises entre 24 et 30°C maximum.

UN CAVISTE installe la sonde de température par le plafond de la cuve. Les fermentations sont conduites à des températures comprises entre 24 et 30°C maximum.

MÉCHAGE. Pour désinfecter ses cuves, le château brûle, à la demande, des mèches de 250 g de soufre. Après le décuvage, il renouvelle l'opération tous les mois, puis de manière plus espacée, les cuves restant saturées en SO2.

MÉCHAGE. Pour désinfecter ses cuves, le château brûle, à la demande, des mèches de 250 g de soufre. Après le décuvage, il renouvelle l'opération tous les mois, puis de manière plus espacée, les cuves restant saturées en SO2.

CUVIER. Le château Cantemerle a opté pour les cuves fermées afin de garder toute l'intégrité du chapeau de marc et parce que Pascal Berteau, le directeur technique, préfère le remontage et le délestage au pigeage pour ne pas aller trop loin dans l'extraction. Sur un total de 8 200 hl, 3 400 hl sont vinifiés en cube bois.

CUVIER. Le château Cantemerle a opté pour les cuves fermées afin de garder toute l'intégrité du chapeau de marc et parce que Pascal Berteau, le directeur technique, préfère le remontage et le délestage au pigeage pour ne pas aller trop loin dans l'extraction. Sur un total de 8 200 hl, 3 400 hl sont vinifiés en cube bois.

LES CUVES sont équipées de serpentins qui se vissent au plancher pour le contrôle des températures. Sur le bac se trouve l'asperseur de marc. PHOTOS P. ROY

LES CUVES sont équipées de serpentins qui se vissent au plancher pour le contrôle des températures. Sur le bac se trouve l'asperseur de marc. PHOTOS P. ROY

Il n'aime rien moins que montrer le cuvier, passer la main sur ses cuves tronconiques de chêne, frottées à l'huile de lin pour faire ressortir la blondeur du bois et lui donner un coté satiné. Des cuves dotées de trappes ovales frontales pour faciliter le décuvage.

Puis, il vous entraîne dans un autre bâtiment qui abrite la salle des essais depuis 1990. Là, 1 200 bouteilles sont recouvertes de poussière. Les unes renferment des vins vinifiés en cuve bois, les autres en cuve inox. Toutes portent un écriteau où figurent le nom du cépage et l'année.

Inox ? Bois ? Pascal Berteau a tranché depuis longtemps. Le directeur technique du château Cantemerle, un Haut Médoc grand cru classé 1855, sait bien que les cuves inox sont faciles à nettoyer et que leur durée de vie est « inoxydable ». Seulement voilà, comparaisons à l'appui, il est amoureux de la cuve bois. « Il y a une différence gustative. Les arômes sont plus évolués. Les tanins sont plus ronds grâce aux échanges gazeux et à l'inertie thermique », confie-t-il. Tout commence avec le rachat en 1981 du château, situé à Macau (Gironde), par la Société mutuelle assurances bâtiments et travaux publics. Le cuvier de 3 000 hl est en mauvais état. Les nouveaux propriétaires conservent six cuves bois, les moins abîmées, et investissent dans dix cuves de 220 hl en inox. Ce qui n'empêche pas le château de se doter d'un cuvier de 3 500 hl de cuves bois, en 1990.

Comparaison inox-bois

Depuis cette date, Pascal Berteau reconduit régulièrement des essais. Il sélectionne une parcelle de 4 ha de cabernet-sauvignon et de merlot, puis remplit deux cuves inox et deux cuves bois. Résultat ? « Dans la cuve bois, la fermentation démarre très vite. C'est une formule 1 », explique-t-il. Les vins « ont un fruité qui se conserve et n'explose pas d'un coup ». Autre constat : il n'y a pas de réduit, alors qu'il apparaît au bout d'une semaine de fermentation en cuve inox. En revanche, Pascal Berteau ne note pas de différence au niveau de l'intensité, ni de la stabilité de la couleur.

Malgré de bons résultats, Cantemerle ne cède pas au culte de la cuve bois. Sur un total de 8 200 hl, 3 400 hl sont vinifiés en cube bois, 2 200 hl en cuves inox et 2 600 hl en cuverie ciment. « C'est un vrai choix qui permet de disposer d'une palette de vins pour les assemblages. »

Pascal Berteau vinifie 22 ha de vieux merlots et cabernet-sauvignons sous bois. Pour optimiser l'extraction, il privilégie le remontage et le délestage. Le pigeage lui paraît « dangereux » car « on peut aller trop loin et sortir des tanins qui donnent de l'amertume ». Il ne pratique pas la macération préfermentaire à froid, car il n'a pas de problèmes de couleur. La macération dure en moyenne trois semaines, entre 24 et 30°C. Les moûts sont levurés.

Pour assurer l'étanchéité des cuves, Cantemerle s'est doté de générateurs de vapeur. Juste avant l'encuvage, chaque cuve a droit à vingt minutes de vapeur à 100°C. Par ailleurs, dès 1991, Pascal Béraud s'est soucié de l'hygiène du bois. Il a mené une expérience avec un laboratoire d'une université espagnole. Des bois découpés dans une vieille cuve ont été passés au microscope à balayage électronique. Et là, surprise ! « On s'est rendu compte que le vin ne pénétrait dans le bois que sur 2 millimètres. Je m'attendais à pire, car le bois est toujours associé à un problème d'hygiène. »

Détartrage au carbonate de sodium

En revanche, l'observation montre que le tartre est bien incrusté dans ces 2 millimètres. « Certains professeurs de faculté affirmaient qu'enlever le tartre dans les pores du bois, c'était quasi impossible. » Pas de quoi décourager notre homme. Il teste plusieurs produits pour peaufiner la bonne recette : du carbonate de sodium doté de tensioactifs. Voilà pour le détartrage, sauf qu'il reste du carbonate de sodium qui s'élimine au permanganate de sodium, lequel sera à son tour supprimé avec l'ajout de SO2. Dernière manœuvre : un grand coup d'eau. Et le tour est joué. Pour leur bonne conservation, les cuves vides sont fermées et saturées de SO2. Ainsi, elles gardent leur humidité. Et le SO2 empêche le développement de micro-organismes. Sans avoir d'effet sur la teneur en sulfites des vins.

Même si la cuve bois est 50 % plus chère que l'inox, Pascal Berteau est formel : « La vinification en cuves bois, c'est du travail et du plaisir. C'est un soin à apporter au bois. Il faut le bichonner. » Et de conclure : « Il faut avoir la foi dans le chemin que l'on prend. »

Le Point de vue de

Eric Boissenot, du laboratoire œnologique Boissenot Lamarque

« Prendre du temps »

Eric Boissenot, du laboratoire œnologique Boissenot Lamarque

Eric Boissenot, du laboratoire œnologique Boissenot Lamarque

« Le bois est un matériau vivant, poreux, avec lequel on ne peut pas improviser. Il suppose un entretien très rigoureux pour éviter le développement des micro-organismes, tels les Brettanomyces ou les moisissures. Lorsqu'une cuve reste vide, ne serait-ce que pendant quelques semaines, le bois a tendance à se rétracter, d'où la nécessité avant de s'en resservir, de la remplir d'eau pour le faire regonfler. Dernière contrainte : la cuve bois prend plus de place au sol de par sa base circulaire. En fait, vinifier en cuve bois, cela veut dire que l'on “vit” avec le bois, que l'on accepte de prendre du temps et que l'on anticipe. Cela suppose d'aimer ce matériau noble. Incontestablement, l'aspect esthétique joue, mais surtout avec la cuve bois, le vin est plus ouvert, plus aromatique. Il exprime pleinement la qualité de la parcelle. La forme tronconique a également un effet sur le gâteau de marc. On observe une meilleure diffusion des composés du marc. Sans parler de l'inertie thermique liée à ce matériau, un isolant. Avant la macération, c'est un atout. On n'a pas besoin de chauffer autant le vin. »

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LE TÉMOIN

Pascal Berteau

51 ans.

Directeur technique du château Cantemerle.

Grand cru classé 1855.

90 ha de vignes.

4 500 hl.

570 000 bouteilles vendues sur la place de Bordeaux

LE BILAN

Avantages

L'aspect gustatif : le vin est plus évolué et plus marqué grâce aux échanges gazeux et à l'inertie thermique.

L'aspect esthétique dû au bois.

Inconvénients

Le prix d'une cuve tout équipé de 175 hectos : 25 000 €.

Sa durée de vie : vingt-cinq ans.

L'essentiel de l'offre

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