Vous rêviez d'ensemencer de manière sécurisée avec vos propres levures ? Œnofrance l'a fait. Depuis quelque temps, l'entreprise propose la microsélection de levures, en prestation de service. Cela consiste à sélectionner des levures indigènes sur les parcelles choisies par le viticulteur. A l'issue du procédé, il possède ses propres levures et peut effectuer ses vinifications avec ses levures indigènes, mais de manière sécurisée. La microsélection est réalisée de façon confidentielle. Et les levures trouvées au cours de la sélection appartiennent non pas à Œnofrance, mais au domaine.
La procédure se déroule sur trois ans et coûte au minimum 5 000 à 6 000 € pour trois ans. Mais le viticulteur peut arrêter à la fin de chacune des deux premières années, si les résultats ne lui conviennent pas. Il lui en coûtera environ 2 000 € l'année.
La première étape consiste à déterminer la biodiversité en levures du domaine, ainsi que leur variabilité. Elle se déroule sur la première année. Le viticulteur effectue ses vinifications comme de coutume, à la différence près qu'il ne doit pas levurer. Œnofrance prélève un échantillon de moût aux trois quarts ou à la fin de la FA sur une ou des cuvées choisies par le viticulteur. Une fois les fermentations terminées sans encombres au domaine, Œnofrance recherche les clones majoritaires. En cas d'incident (fermentation non terminée, déviation), les levures ne sont pas retenues.
«Mais avant de débuter la microsélection, nous insistons bien sur le fait d'une possibilité de biomasse levurienne très faible, inexistante ou qu'elle ne puisse mener à bien une FA totale et donc que la procédure n'aboutisse pas », souligne Christophe Morge, d'Œnofrance. Concrètement, cela n'est encore jamais arrivé.
Analyse des qualités des levures
La deuxième année, Œnofrance réalise des minivinifications en laboratoire, avec un ensemencement du moût de l'année passée. A ce stade de l'expérimentation, le but est d'analyser les différents paramètres : les capacités fermentaires des souches sélectionnées, la résistance à haute température, leur besoin en nutriments, etc. A chaque fois, les résultats sont comparés avec ceux de levures commerciales de référence. A l'issue des vinifications, une dégustation permet de sélectionner les souches ayant une expression aromatique proche de celle désirée par le domaine.
La troisième et dernière année consiste à vérifier l'efficacité de la ou des souches choisies. Cette fois-ci, c'est le domaine qui réalise des minivinifications. Pour ce faire, il utilise des cuves de 0,50 à 1 hl. Œnofrance fournit le levain liquide issu des sélections de l'année précédente et encadre l'ensemencement des minicuvées.
A l'issue de la microsélection, Œnofrance pousse le domaine à mettre les levures sélectionnées en collection à l'Inra, afin d'assurer leur conservation.
Par ailleurs, l'entreprise propose au domaine de lui fournir tous les ans un levain avant les vendanges. « La plupart optent pour un levain liquide, moins onéreux que des levures sèches actives, poursuit Christophe Morge. Dans le premier cas, l'inoculum coûte 300 €. Dans le second cas, il faut compter 1 500 €/10 kg. »
Le Point de vue de
Elodie et Frédéric Daumas, du domaine Saint-Apollinaire, à Puyméras (Vaucluse)
« Cela sécurise nos fermentations »
« Nous avons débuté la microsélection de levures en 2002. Elle s'est déroulée sur les vendanges 2002, 2003 et 2004. Nous avons effectué des prélèvements à la vigne et à la cave des différentes souches de levures. Puis nous avons réalisé des microvinifications dans des bonbonnes de 5 ou 10 litres. Sur les trois années, pourtant très différentes d'un point de vue climatique, nous avons relevé trois souches de levures particulièrement intéressantes. Il s'agit de la FA 43, de la FA 53 et de la JG5. Nous avons décidé de conserver la FA 53 pour nos vinifications. Les deux autres sont à présent commercialisées par Œnofrance sous les noms de Levuline Nov'Eline et Levuline Gala. Celle que nous avons sélectionnée nous permet d'élaborer des vins de garde, avec des polyphénols et du gras. Elle produit une faible quantité d'acidité volatile, une bonne intensité colorante et du glycérol. Elle peut supporter des plages de températures larges. C'est intéressant d'avoir nos propres levures et de savoir ce qui fait la typicité de nos vins. Nous sommes en biodynamie. Nous continuons donc à utiliser nos propres levures, mais de manière sécurisée. Cela facilite le déroulement des fermentations en cas d'année difficile. »