1. Rendez-vous sur place
Les Chinois privilégient le contact. Dans leur culture, on tisse d'abord des liens amicaux avant de devenir partenaires commerciaux. Il faut se rendre dans le pays pour initier une relation commerciale et y retourner régulièrement pour la pérenniser, y compris si l'on a un représentant sur place. Les Chinois veulent voir le vigneron… en chair et en os !
2. Ne partez pas seul
Le marché est immense et, tant par sa taille que par sa culture, difficile à appréhender. Dans ce labyrinthe, mieux vaut commencer par participer à un salon professionnel (Sial, Vinexpo…) sous la houlette d'Ubifrance, d'un organisme régional (Sud de France) ou d'une interprofession. Ces organismes réservent les emplacements, se chargent des envois d'échantillons, de la décoration des stands et de la communication. Certains prennent même en charge une partie du coût du stand (1 500 à 4 000 euros HT, selon la superficie et la manifestation).
Ubifrance organise également des missions collectives. Conçues sous la forme de mini-expositions, elles permettent de rencontrer des importateurs dans un cadre plus restreint. Elles se déroulent dans plusieurs villes, en deux ou trois jours. Pour ceux qui souhaitent du sur mesure, Ubifrance monte des missions individuelles.
3. Faites-vous comprendre
La barrière de la langue est importante. D'autant que l'anglais est encore peu répandu en Chine. Faites-vous accompagner d'un interprète. Les interprofessions et Ubifrance en prévoient généralement sur les salons. Faites-vous réaliser une carte de visite en français au recto, en chinois au verso. Votre fonction doit y apparaître. Faites de même avec les fiches techniques de vos vins. Avec l'aide d'un bon traducteur, choisissez-vous un nom en chinois.
4. Soyez vigilant
Gare aux escroqueries. Laurent Dubois, vigneron à Blaye (Gironde), en a été victime. En 2010, un importateur qu'il ne connaissait pas l'a contacté par mail. Il lui fait miroiter l'achat de 300 000 cols. Tous deux ont pris rendez-vous un jour avant Vinexpo Hong Kong, salon auquel Laurent allait participer. Un contrat, soit disant en bonne et due forme, est signé. Pour le fêter, le vigneron se plie à la coutume locale, il invite l'importateur et son équipe en boîte de nuit. Coût de la soirée : 1 500 euros. Le lendemain, les acheteurs s'étaient volatilisés.
5. Misez sur l'habillage
Grâce à l'étiquette kitsch de son rosé, ornée de fleurs multicolores, Xavier Anglès, vigneron dans les Côtes du Rhône, a décroché un marché avec la Chine. Sans se déplacer… « L'importateur a stoppé net devant mon stand à Vinexpo Bordeaux en 2009. Depuis, nous travaillons ensemble. » Dans ce pays de néophytes, l'habillage est, avec le prix, l'un des premiers critères de choix. « Tout ce qui fait “bordeaux” – un château, une tour, des chais – rassure, explique Anthony Estevan, responsable export de Prodiffu. Les Chinois apprécient les dorures, les emblèmes, les blasons. Mais aussi ce qui peut évoquer la France : le Louvre, la tour Eiffel, les Champs-Elysées… » Le rouge, couleur du bonheur, passe bien. A éviter, le blanc, symbole du deuil, et le jaune, couleur impériale. Les chiffres ont aussi un sens : le 8 représente la prospérité, le 9 la longévité, le 4 la mort…
6. Protégez votre marque
La contrefaçon est un sport national. Dès qu'un produit a du succès, il est copié ! Deux solutions pour protéger sa marque : la déposer en Chine auprès du Bureau des marques de l'administration chinoise (SAIC) ou bien la faire enregistrer en France auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et demander à cet organisme d'étendre l'enregistrement à la Chine. Celui-ci est payant et vaut pour dix ans.
7. Adaptez-vous aux coutumes
« Le “oui” d'un Chinois n'est pas celui d'un Français, indique Hervé Henrotte, chef du service vins à Ubifrance. Les Chinois sont joueurs, un contrat n'a pas la même valeur chez eux que chez nous. » Ainsi, à Vinexpo, en juin, Patrick Meynard, vigneron dans le Bordelais, a conclu quatre commandes « fermes » avec des importateurs. « Une seule a abouti, soupire-t-il. Ce n'est pas la première fois. »
La culture du cadeau est aussi très importante. Pour s'y conformer, un directeur de coopérative a récemment offert à ses clients des couteaux camarguais, fabriqués dans sa région. D'autres préfèrent des objets liés au vin. Le « must » pour la gent féminine, c'est un parfum de marque. Après un marché conclu, le vigneron doit inviter ses clients à dîner. Avant le repas, on trinque en disant « Kampei ! » (Santé !). Attention, les verres s'enchaînent. Tout doit être bu. Gare aux excès !
8. Ayez une présence sur place
Ce peut être un VIE, un importateur chinois ou un négociant français déjà implanté. Ginestet, qui possède un bureau à Shanghai, distribue ainsi des vins de propriétés familiales. Le négociant vient de signer un accord avec le champagne Lallier et le domaine Willy Gisselbrech, en Alsace. Il cherche d'autres domaines en Bourgogne et dans le Beaujolais.
Avoir une présence sur le terrain est indispensable pour maintenir un volume d'affaires. Car en Chine, le vin est un business comme un autre. Les sociétés d'importation poussent comme des champignons. Après six mois d'existence, si elles ne gagnent pas d'argent, elles plient boutique. « Elles ne commandent qu'une fois. Les vins atterrissent on ne sait où et restent parfois bloqués à quai, dans les containers », dit Hervé Henrotte. Une personne sur place peut identifier ces opportunistes. Elle peut se constituer un réseau de relations, un « guanxi », qui est la base de toutes les affaires dans ce pays où il vaut mieux avoir de bons contacts parmi les cadres haut placés de l'administration, du gouvernement ou des douanes.
Autre intérêt d'avoir un représentant dans le pays : il suit les contrats, anime le réseau des revendeurs, restaurateurs, cavistes… Une mission rarement assumée par les importateurs dont la plupart ignorent comment et avec quoi se dégustent les vins.
9. Racontez des histoires
Les Chinois sont férus d'histoire, ancienneté de leur culture oblige. Aussi, lorsqu'un vigneron leur présente un arbre généalogique vieux de 500 ans, il les impressionne. N'hésitez pas à présenter votre lignée, votre domaine… Photos à l'appui !
10. Faites-vous payer
Le marché reste à haut risque. Le règlement à l'avance de l'intégralité de la facture par virement bancaire est fortement conseillé. Dans le cas d'un règlement partiel, la lettre de crédit est le moyen le plus sûr. La banque de l'acheteur s'engage à payer le vendeur sur présentation des documents représentatifs de la marchandise. Mais elle coûte cher : 300 euros par container, hors frais bancaires.
11. Associez-vous à d'autres
C'est la solution choisie par quatre entreprises familiales : Joseph Mellot à Sancerre, Pierre Amadieu à Gigondas, Dufouleur Père & fils en Bourgogne et le champagne Dumangin & fils. En 2003, ils ont fondé Domaines & vignobles associés, une SARL chargée de vendre leurs vins au grand export, dont la Chine. Dominique Pilou, leur associé, un ancien de chez Boisset, est leur représentant commercial. Il se rend quatre fois par an dans le pays. « Une nécessité, dit-il. C'est un marché qui évolue sans cesse. Une entreprise de taille moyenne ne peut pas financer seule ces frais de déplacement. S'y ajoutent les frais de prospection, de suivi et d'animation des vins auprès des importateurs et des distributeurs. » Il organise ainsi des « wine dinners », des séances de dégustations en magasin…
Ses voyages répétés dans le pays lui ont permis de cerner les réseaux de distribution et de sélectionner ceux qui sont les mieux adaptés à son portefeuille. Les vins du groupe sont distribués dans les hôtels- restaurants, les magasins spécialisés et les « duty free » porteurs d'image.
12. Adaptez vos vins
Les Chinois consomment « rouge » ! Mais les tannins les rebutent. Ils apprécient les vins ronds, souples, sans aspérité mais néanmoins boisés. L'acidité les fait grimacer. Les blancs ont donc peu de succès, idem pour les rosés. Ils aiment les saveurs sucrées. Les vins doux naturels ont une carte à jouer.
Des interrogations sur un marché en plein boom
« Il y a quatre ans, les Chinois ne parlaient pas anglais et ne savaient pas déguster, lance Patrick Meynard, vigneron dans le Bordelais. Cette année à Vinexpo, ils sont venus avec des interprètes ou parlaient anglais et leur connaissance du vin s'est améliorée. » Le marché explose. Entre 2009 et 2010, la Chine a presque doublé ses importations de vins français et du monde entier. Et il existe encore des perspectives de développement. Le vin ne représente que 3 % de la consommation de boissons alcoolisées. Par ailleurs, la demande change. Au départ, les Chinois ne juraient que par les bordeaux. Les grands crus, d'un côté ; les premiers prix, de l'autre, entre 1,50 € et 3 € la bouteille, départ cave. Désormais, ils s'intéressent à de nouvelles appellations, à des vins de domaine entre 4 et 5 € le col. La Chine, un eldorado ? « Prudence », rétorquent les opérateurs. Car derrière l'essor des importations se cache un phénomène de stockage important. Elles pourraient donc stopper si la consommation ne suit pas. De plus, les circuits de distribution demeurent opaques. Difficile de savoir où et à quel prix son vin est vendu, d'avoir la main sur son image. Enfin, le Nouveau Monde accentue sa présence avec des prix alléchants.
Sud de France soigne ses exportateurs
A Shanghai, l'antenne ouverte par Sud de France export en 2007 épaule les entreprises du Languedoc-Roussillon. Elle héberge une équipe de six personnes chinoises et bilingues qui apporte son expertise du marché, répond aux interrogations des exportateurs et les aiguille. Mieux encore, les « débutants » peuvent occuper gratuitement des bureaux durant trois mois, éventuellement renouvelables. Ils peuvent aussi recevoir des clients dans les salles de réception et de dégustation ou déposer leurs bouteilles dans le showroom qui sert de vitrine à l'offre régionale. De plus, le bureau fait participer les entreprises languedociennes aux salons internationaux (Sial China, Top Wine China). Il monte des missions de prospection et forme les prescripteurs chinois.
La contre-étiquetteen chinois
C'est une condition au dédouanement des marchandises. Dès l'entrée sur le territoire, une contre-étiquette en chinois doit être collée sur la bouteille de façon permanente et faire apparaître les mentions obligatoires telles que le nom du produit, le pays d'origine, le titre alcoométrique et le volume. Autre obligation à respecter, la fourniture d'un certificat d'analyse des vins pour chaque expédition. Il garantit la conformité des produits aux normes chinoises, à savoir la norme GB 15037-2006 sur les vins et la norme GB 2758-2005 sur les boissons fermentées (source Ubifrance).
Trois taxes à l'entrée
A leur entrée en Chine, les vins supportent trois taxes. Tout d'abord, les droits de douane qui s'élèvent à 14 % de la valeur CIF (marchandise, transport et assurance). S'y ajoutent une taxe à la consommation de 10 % (sur la valeur CIF + droit de douane) et la TVA qui est de 17 %. En cas de fret maritime, une taxe dite « Security Free » entre aussi en jeu. Les échantillons ne sont pas soumis à ces taxes, à condition que leur valeur ne dépasse pas 50 yuans (ou RMB). Ils doivent porter la mention « Free Sample Not For Sale. » Hong Kong est une zone libre de droits et de taxes.
Les salons qui comptent
Vinexpo Hong Kong (29 au 31 mai 2012).
Sial China, à Shanghai (9 au 11 mai 2012).
Food & Hotel China, à Shanghai (15 au 17 novembre 2012).
Top Wine China, à Pékin (4 au 6 juin 2012).
Salon des boissons alcoolisées et de la confiserie, à Chengdu (mars 2012, l'un des salons les plus anciens et les plus renommés de Chine) et Shenyang (octobre 2012).