Retour

imprimer l'article Imprimer

VIN

Les ODG font la chasse aux Bretts

Christelle Stef - La vigne - n°234 - septembre 2011 - page 34

Les notes phénolées sont de moins en moins acceptées dans les AOC. Mais la chasse à ce défaut ne va pas sans difficultés.
LORS DU CONTRÔLE DES PRODUITS, il faut veiller à ne pas confondre les défauts de réduction et le caractère phénolé. Beaucoup de dégustateurs, perçoivent des notes animales dans les deux cas. © J.-F. MARIN

LORS DU CONTRÔLE DES PRODUITS, il faut veiller à ne pas confondre les défauts de réduction et le caractère phénolé. Beaucoup de dégustateurs, perçoivent des notes animales dans les deux cas. © J.-F. MARIN

Brettanomyces est une levure qui contamine les vins rouges au cours de l'élevage. Elle produit des phénols volatils, des composés responsables de notes d'écurie, de cuir, de sueur… Les vins perdent leur fruité et présentent en fin de bouche une amertume et un caractère métallique.

Ces déviations sont désormais perçues comme des défauts. Des ODG leur font la chasse. Exemples dans trois régions.

ANJOU : Des dégustateurs formés

« Jusqu'à présent, nous avions entre 8 et 15 % de vins non conformes. Mais aux derniers résultats du suivi aval de la qualité, nous sommes montés à des taux de 15 à 25 %. Il s'agit surtout de défauts liés à des Brettanomyces », déplore Pascal Cailleau, le président du syndicat de l'Anjou rouge.

Le syndicat a pris le problème à bras-le-corps. « Nous ne voulons pas que les notes de Brett deviennent une caractéristique de nos vins. Si elles supplantent les arômes d'un vin, celui-ci ne doit pas obtenir l'AOC », martèle Pascal Cailleau. Le syndicat a donc fixé des seuils d'acceptation très bas, « car si l'on détecte des notes phénolées, on sait que le problème n'ira qu'en s'amplifiant », justifie le responsable professionnel.

Lorsqu'il a réduit le seuil de tolérance aux notes phénolées, le syndicat a également demandé à un consultant de former tous les dégustateurs de l'ODG à la détection de ce défaut. « C'est nécessaire, car certains viticulteurs estiment que les dégustateurs ne font pas la différence entre le côté réduit et les Brett. » Dès qu'un défaut est mis en évidence, la fédération viticole de l'Anjou contacte le viticulteur. « Nous remplissons un questionnaire avec lui, afin de déterminer l'origine du problème, rapporte Sylvain Fessard, le technicien de la fédération viticole de l'Anjou. Puis nous lui donnons des conseils en nous appuyant sur les informations diffusées par le groupement de développement ATV 49 ou par l'interprofession. » Ces enquêtes ont démarré en avril. La fédération espère faire un point sur les résultats obtenus d'ici à la fin des vendanges. De son côté, l'ATV 49 mènera des actions pour sensibiliser les viticulteurs courant septembre. « Dans chaque canton, nous organiserons des demi-journées où nous rappellerons les recommandations pour éviter la présence de Brett dans les vins », explique Nicolas Rubin, le technicien viticole.

CÔTES-DU-RHÔNE : Un sujet sensible

« Les Brett, c'est un sujet sensible, affirme Philippe Pellaton, le président de l'ODG des Côtes-du-Rhône. Pour certains, il s'agit d'un goût de terroir, pour d'autres, c'est un défaut. » Dans ce contexte, il faut faire preuve de pédagogie. Les dégustateurs de l'organisme d'inspection (OIVR) ont été formés à la détection de cette levure indésirable. Et « lorsque la sensation de phénols est suffisamment importante, c'est un motif de rejet de l'AOC », indique Philippe Pellaton. Concrètement, l'AOC régionale rencontre peu de problèmes. « Nous vendons des vins plus jeunes que par le passé. Le développement de la thermovinification ainsi que la mise à disposition d'outils de détection des Brett lors de l'élevage et avant la mise en bouteille ont permis de réduire les risques », analyse le responsable professionnel. Mais des défauts ressortent sur des vins haut de gamme élevés en barrique. « Le développement des vins bios pourrait également amener une intensité de Brett plus importante », suppose Philippe Pellaton. C'est ce que confirme Patrick Vuchot, le directeur de l'institut rhodanien. « La tendance est à la réduction des intrants : utilisation des levures indigènes, limitation des doses de soufre, absence de filtrationDans ces conditions, le risque d'avoir des Brett dans les vins augmente. Il est donc important que les viticulteurs assurent un suivi pour garantir la qualité des vins.»

BOURGOGNE : Un défaut difficile à cerner

« Les Brettanomyces sont un problème. Mais leur présence n'augmente pas, constate Marion Saüquere, responsable technique à la CAVB (Confédération des associations viticoles de Bourgogne). L'interprofession et l'IFV ont beaucoup travaillé sur ce sujet et sensibilisent les producteurs. Ces derniers prennent conscience du phénomène. Ils le maîtrisent mieux, car ils le connaissent. »

Dans cette région aussi, la présence importante de notes phénolées constitue un motif de sanctions. « Un vin de Bourgogne ne doit pas en contenir », insiste Marion Saüquere. Les dégustateurs d'Icône, l'organisme certificateur des vins de Bourgogne, sont donc formés à la détection de ce défaut. « La filière nous l'a demandé, relate Cyril de Héricourt, directeur d'Icône. Mais il y a rarement consensus. » « C'est le caractère le plus sujet à discussion, ajoute Marion Saüquere. Il n'est pas aussi net que l'acidité volatile ou le caractère oxydatif. Il y a des confusions entre les défauts de réduction et le caractère phénolé qui peuvent tous deux se traduire par des notes animales. Seule une analyse permet de les distinguer. »

Lors de la première découverte de note phénolées dans un lot, Icône applique au producteur des contrôles renforcés, en bloquant le lot. Si le problème est récurrent, l'organisme peut retirer l'AOC. « En cas de manquement, Icône nous transmet le constat, rapporte Marion Saüquere. La CAVB, en tant que fédération d'ODG, a un rôle pédagogique. Nous prenons alors rendez-vous avec le producteur pour essayer de cerner avec lui l'origine du problème. »

Les conseils pour s'en prémunir

Les Brettanomyces semblent plus présentes sur les baies altérées. Il est donc important de maîtriser l'état sanitaire de la vendange et de trier, si cela est nécessaire. Ensuite, il faut soigner le sulfitage. Dans une plaquette destinée aux viticulteurs, le BIVB et l'IFV recommandent au moins 5 g/hl lors de l'encuvage. Il faut également favoriser une fermentation alcoolique saine et rapide. Il est donc conseillé de levurer. Il est aussi préférable d'éviter les sucres résiduels. Si l'on opte pour la malo, il faut qu'elle s'enclenche rapidement. Si ce n'est pas le cas, un ensemencement en bactéries est préconisé. Après la malo, il faut sulfiter et soutirer rapidement les vins, car les Brett se déposent dans les lies. Lors de l'élevage, les vins doivent rester frais et il faut réajuster le niveau de SO2 libre si nécessaire. Lors de la mise en bouteille, il faut filtrer sur membrane de moins d'un micron. « Cette filtration stérile est particulièrement recommandée chez ceux qui utilisent peu ou pas de soufre et qui laissent des sucres résiduels », indique Nicolas Rubin, de l'ATV 49. En cas de présence de Brett, une flash-pasteurisation puis une filtration s'imposent. Et à tout moment, il faut une hygiène irréprochable en cave.

Les contaminations se font au chai

De 2006 à 2010, l'IFV a mené une étude en Bourgogne et dans le Beaujolais afin de déterminer la responsabilité des Brettanomyces présentes à la vigne et de celles vivant dans les caves dans la production de notes phénolées. « Les Brett sur le raisin sont génétiquement différentes de celles que l'on trouve dans les vins », rapporte Béatrice Vincent, de l'IFV de Beaune. Ce sont donc les Brett des chais qui contaminent les vins. Chaque cuverie possède ses propres souches. Dans l'étude de l'IFV, seules 4 % des souches se retrouvent dans deux chais différents. « Le recours à des produits de traitement à la vigne pour lutter contre les Brett ne semble donc pas être une solution. Le plus important est d'éviter les contaminations par le matériel de cave », insiste Béatrice Vincent.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :