Guillaume Poitevin, propriétaire du château Poitevin, 42 ha à Jau-Dignac-et-Loirac (Gironde) « Avec la co-inoculation, je gagne en temps et en tranquillité »
Sa façon de faire :
« Depuis quatre ans, je pratique la co-inoculation. Après avoir rentré mes raisins, je sulfite à 4-5 g/hl selon l'état sanitaire, puis j'effectue une macération préfermentaire à froid (7 à 8°C pendant 48 heures). La cuve est ensuite réchauffée à 18°C pour être levurée. 48 à 72 heures plus tard, j'ensemence en bactéries lactiques (1 g/hl d'Œno 1), après avoir pris soin de les diluer dans de l'eau non chlorée. Le point crucial est le bon déroulement de la fermentation alcoolique. Il faut mettre les levures dans les meilleures conditions pour éviter les arrêts de fermentation : je veille à ce que les moûts aient une teneur suffi sante en azote assimilable, je choisis des levures adaptées au degré potentiel des vins, je réalise des remontages pour oxygéner les moûts et je m'assure que les cuves ne dépassent pas 30°C. Dès que la densité tombe à 1 010, j'analyse la teneur en acide malique tous les trois jours. »
L'intérêt :
« Avant la co-inoculation, il fallait attendre la fin des malos pendant deux mois et demi à trois mois. Les risques de contamination par les Brettanomyces étaient plus élevés. Et la facture énergétique était beaucoup plus lourde. Il fallait maintenir mes 4 000 hl de cuverie entre 18 et 20°C pendant cette période.
Maintenant, les malos s'enclenchent immédiatement. En dix à douze jours, tout est terminé. Je gagne un mois et demi à deux mois. C'est appréciable, surtout les années tardives. Je peux mettre mes vins en barrique en décembre et démarrer mes assemblages fin janvier.
Mes vins sont prêts pour les primeurs en mai-juin. A la dégustation, ils sont plus ronds et fruités. Je ne reviendrai plus en arrière. »
Le coût :
« En co-inoculant, j'ai divisé par deux ou trois ma consommation d'énergie. Une économie qui compense très largement le coût de l'ensemencement en bactéries lactiques : 0,65 à 0,70 €/hl.»
Pascal Chatelus, domaine Chatelus, 20 ha à Saint-Laurent-d'Oingt (Rhône) « Je choisis des souches simples à mettre en œuvre »
Sa façon de faire :
« Depuis une dizaine d'années, je suis un fervent adepte de l'ensemencement bactérien en fin de fermentation alcoolique. A l'arrivée en cave, je ne sulfite pas les raisins, sauf si l'état sanitaire est déficient. Ensuite, je choisis des souches de bactéries adaptées à mes pH (qui se situent entre 3,4 et 3,5 avant la malo) : le plus souvent la CH 11 ou la CH 35. La mise en œuvre de ces préparations est très simple. Il suffit de les réhydrater avec du moût pendant quelques minutes avant de les incorporer à la cuve au moment du pressurage. J'utilise le remontage en sortie de pressoir pour bien homogénéiser.
A ce moment, il reste souvent un peu de sucre, mais les bactéries mettent environ trois à quatre jours à passer à l'action, ce qui laisse le temps à la fermentation alcoolique de s'achever. J'ensemence toutes mes cuves. Malgré cela, il arrive que la malo ne démarre pas. Dans ce cas, si j'en ai la possibilité, j'assemble avec une cuve d'appellation identique dont la malo est en cours. Ou alors je réensemence, mais évidemment le coût est plus élevé. »
L'intérêt :
« En Beaujolais, nos délais sont serrés. Les primeurs doivent être prêts à boire pour le troisième jeudi de novembre. Même les autres vins gagnent à être prêts très tôt. L'ensemencement me permet de gagner quinze jours sur le déroulement des malos. C'est appréciable, d'autant que mes malos ont souvent des difficultés à démarrer, contrairement à celles de mes voisins qui n'ont jamais eu besoin d'être ensemencées. Je trouve aussi les vins plus nets. Il y a moins de risque de goût de lie ou de déviation aromatique. »
Le coût :
« Je dépense environ 1 200 euros pour mes 1 000 hl. Je me groupe avec un voisin pour bénéficier de meilleurs prix. Mais c'est une tranquillité d'esprit et je ne vois pas comment je pourrais m'en passer. »
François-Régis Boussagol, propriétaire du domaine Saint-Jean-de-Conques, 68 ha à Quarante (Hérault) « Les bactéries indigènes s'en sortent très bien toutes seules »
Sa façon de faire :
« Je vinifie environ 5 000 hl par an, dont 3 000 hl en rouge, le reste en blanc et en rosé. Je ne réalise les malos que sur les rouges. Je ne pratique aucun ensemencement. Je laisse faire les bactéries indigènes qui s'en sortent très bien toutes seules. Je sulfite entre 5 et 7 g/hl à la réception des raisins. Sur mes macérations courtes, la malo s'enclenche toute seule en fin de fermentation alcoolique. Sur des macérations un peu plus longues, il peut arriver qu'elle démarre sous marc, mais je surveille l'acidité volatile.
Lorsqu'une malo s'enclenche, en trois jours l'affaire est réglée. En fait, les conditions sont naturellement réunies pour que les FML (fermentations malolactiques) ne posent pas de problème : sur les rouges, j'ai des acidités peu élevées, les pH sont aux alentours de 3,5 et les vins sont à plus de 20°C dans la cave. Le seul vin qui nécessite que j'intervienne est le barbera, un cépage italien qui donne des vins au-dessus de 8 g/l d'acidité totale avant malo. Inutile d'espérer une malo spontanée. Pour cette cuve de 100 hl, j'utilise 30 l de lie-de-vin dont la FML est en cours. Généralement, à la fin du mois d'octobre, toutes les malos sont terminées. »
L'intérêt et le coût :
« Je limite mes coûts puisque je n'utilise ni bactéries, ni levures (sauf sur les vins vinifiés à basse température). Je suis partisan, dans la mesure du possible, de laisser faire la nature qui généralement s'en sort plutôt bien. La seule chose à faire, c'est de surveiller de près les cuves de macération longue (plus de vingt jours) pour s'assurer qu'il n'y a pas de montée d'acidité volatile. Lorsque la malo démarre alors que la fermentation alcoolique n'est pas terminée, j'analyse l'acidité volatile tous les deux jours. Si elle approche 0,5 g/l, je décuve. Ensuite, dans la plupart des cas, la malo se termine toute seule. »