Jules Lavalle naît à Dijon (Côte-d'Or) en 1820. Il poursuit des études de médecine et de sciences naturelles à Montpellier (Hérault), puis à Paris. En 1845, il revient dans sa ville natale comme médecin. Trois ans plus tard, il intègre la direction du jardin botanique de Dijon.
Membre de la société d'agriculture du département, il est chargé de la revue horticole. En 1855, à la demande du comité central d'agriculture de Côte-d'Or, il publie « Histoire et statistique de la vigne et des grands vins de la Côte-d'Or ». « Tout le monde en France ou à l'étranger parle des vins de la Côte-d'Or ; chacun en connaît les noms les plus populaires… et pourtant il n'existe encore nulle histoire complète de ces grands vignobles (…). C'est cette lacune que j'ai essayé de combler », indique-t-il dans l'avant-propos de son ouvrage.
Il s'adjoint notamment la collaboration d'Alfred Vergnette de Lamotte, grand propriétaire, polytechnicien et inventeur des méthodes de chauffage et de refroidissement des vins pour leur conservation, ainsi que de seize propriétaires vignerons concernés au premier chef.
Un vignoble haut de gamme noyé dans la masse
Ce livre constitue un prélude au « Plan statistique des vignobles produisant les grands vins de Bourgogne » établi en 1861 pour être présenté à l'Exposition universelle de Londres en 1862.
Pour les Bourguignons, c'est une manière de répondre au fameux classement bordelais de 1855. Car « au milieu du XIXe siècle, le vignoble est confronté à des difficultés commerciales. Publier cet ouvrage est un moyen de redynamiser le commerce », analyse Eliane Lochot, conservatrice en chef des archives municipales de Dijon. Sauver la réputation du vignoble, telle est la mission confiée au docteur Lavalle par les grands propriétaires de vignes fines. Cela témoigne en premier lieu de leur urgence de se démarquer de la masse des producteurs de vins communs.
« Rassurer la clientèle française et étrangère »
Avec cet ouvrage, ces grands propriétaires « effectuent une première démarche de communication collective envers des acheteurs, continue Eliane Lochot. C'est un excellent travail de promotion du vignoble » qui vise « à rassurer la clientèle française et étrangère », mais qui occulte des pratiques très répandues en Bourgogne à l'époque, à savoir la plantation de cépages communs, les rendements trop élevés ou le sucrage des vins. L'ouvrage concerne en fait seulement la production haut de gamme, soit à peine 10 % du vignoble.
Alors qu'aujourd'hui les « climats » (terroirs) du vignoble de Bourgogne font l'objet d'une candidature au patrimoine mondial de l'Unesco, Jules Lavalle en dresse un inventaire détaillé pour vingt-neuf communes viticoles plantés dans un cépage noble, le pinot.
Pour cela, il se base également sur des relevés de prix des XVIIIe et XIXe siècles. Il répartit les climats en quatre classes ou qualités distinctes : tête de cuvée ou hors ligne, première, deuxième, troisième cuvée… Pour chacun des climats, ils mentionnent les noms des propriétaires et leur superficie.
Tout ce travail a ensuite servi lors de la création des appellations d'origine en 1936. Les têtes de cuvée décrites par Lavalle deviendront les grands crus, comme Chambertin ou Montrachet. Les premières et deuxièmes cuvées d'alors seront des premiers crus, avec toutefois des différences notables entre le classement de Jules Lavalle et celui entériné par l'Inao. Médecin, botaniste, manufacturier, homme politique, chercheur et écrivain… « Jules Lavalle toucha à tous les sujets et le fit avec bonheur », écrit le médecin Laguesse dans son éloge funèbre. Il est décrit comme « un ami sûr, intelligent, désintéressé, impulsif, passionné par les sciences naturelles et la politique ».
Il se lance en politique pour défendre ses convictions
En janvier 1856, Jules Lavalle ajoute à ses fonctions celles de directeur et de professeur à l'école préparatoire de médecine et de pharmacie de Dijon. Dans cette France du second Empire, il a toujours été républicain.
Pour défendre ses convictions, il se lance en politique, ce qui lui vaut d'être révoqué de ses fonctions en 1857. Il prend alors la direction de l'ancienne faïencerie familiale de Premières, petit village situé à 25 kilomètres au sud de Dijon, dont il deviendra maire et conseiller général. A la fin de sa vie, Jules Lavalle assume la présidence du comité de vigilance contre le phylloxéra. Il meurt le 5 janvier 1880.