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VIGNE - PAGES SPÉCIALES PÉPINIÈRES

La marque Entav-Inra booste les travaux de recherche

Christelle Stef - La vigne - n°235 - octobre 2011 - page 34

Les trois quarts des pépiniéristes vendent des plants sous la marque Entav-Inra. La redevance afférente a permis à l'IFV de collecter 350 000 euros pour accentuer les recherches sur le matériel végétal. Une belle réussite.
« NOUS AVONS CRÉÉ LA MARQUE ENTAV-INRA pour protéger les sélections clonales françaises et valoriser la diffusion de notre matériel végétal à l'étranger » explique Pascal Bloy, directeur du pôle national matériel végétal de l'IFV. ©P. PARROT

« NOUS AVONS CRÉÉ LA MARQUE ENTAV-INRA pour protéger les sélections clonales françaises et valoriser la diffusion de notre matériel végétal à l'étranger » explique Pascal Bloy, directeur du pôle national matériel végétal de l'IFV. ©P. PARROT

En 1995, l'Entav (organisme qui a fusionné avec l'ITV pour former l'IFV) et l'Inra ont créé la marque Entav-Inra pour produire et diffuser du matériel certifié issu d'une recherche de pointe. « L'objectif était de protéger les sélections clonales françaises, de rationaliser et de valoriser la diffusion de notre matériel végétal à l'étranger », rapporte Pascal Bloy, directeur du pôle national matériel végétal de l'IFV. Cette marque, mondialement reconnue comme gage de qualité, garantit l'origine, la qualité sanitaire et la valeur génétique du matériel végétal. Mais en 2005, l'État a supprimé la taxe parafiscale sur les bois et plants de vigne. L'Entav est alors menacé de disparaître, faute de financement.

Redevance de 8 euros pour mille plants partagée par les viticulteurs et les pépiniéristes

Pour les pépiniéristes et les viticulteurs, il faut sauver cet établissement. Mais à quel prix et dans quelles conditions ? Après bien des discussions, la Fédération française de la pépinière viticole (FFPV) et l'AGPV (Association générale de la production viticole) ont signé en 2009 un accord de gestion de la marque Entav-Inra. « Nous avons convenu de la création d'une redevance de 8 euros pour 1 000 plants partagée à égalité entre les viticulteurs et les pépiniéristes. Cette royalty n'est exigible que pour le matériel vendu sous la marque, alors que la taxe parafiscale l'était pour tous les plants commercialisés. C'est donc une démarche volontaire », insiste Gilbert Jenny, le président de la FFPV.

Aujourd'hui, 448 pépiniéristes multiplicateurs et négociants vendent leurs plants sous la marque Entav-Inra, soit près des trois quarts de la profession. « C'est une belle réussite. Malgré la crise, les professionnels ont bien joué le jeu », se réjouit Pascal Bloy.

Seuls ces pépiniéristes ont accès aux nouveautés, comme le porte-greffe Némadex AB tolérant au court-noué. Ils sont les seuls autorisés à multiplier les clones dont le numéro est supérieur à 1040, soient les plus récents. « C'est un lourd investissement, prévient Miguel Mercier, des pépinières du même nom à Vix, en Vendée. Mais il est nécessaire si nous voulons garder notre avance en termes de clones, de cépages et de porte-greffe. Nous nous assurerons que l'argent collecté sert bien à financer les programmes de recherche et non à faire fonctionner la machine. »

« Nous espérons que l'argent collecté va redynamiser la recherche française en lui donnant des moyens supplémentaires, complète Matthieu Lerch, directeur des ventes chez les pépinières Guillaume, à Charcenne (Haute-Saône). Les viticulteurs français doivent rester compétitifs. Nous souhaitons que la recherche soit clairement vouée à répondre à leurs problématiques. »

350 000 euros de budget

Un an après la mise en place du nouveau dispositif de gestion de la marque, l'heure est au bilan. « Nous avons collecté environ 350 000 euros sur les ventes du printemps 2010, explique Pascal Bloy. Ces redevances étant assimilables à un financement de type professionnel, cela devrait nous permettre d'obtenir un financement public complémentaire d'un montant à peu près équivalent. » De quoi booster les programmes de recherche.

Cet argent va notamment servir à financer des travaux sur le polymorphisme clonal. L'objectif est d'arriver, à terme, à identifier les clones par des tests génétiques simples pour faire ensuite de la sélection assistée par marqueur.

Autre chantier : l'assainissement des clones. « Nous réalisons des microgreffages d'apex in vitro afin de recréer des clones exempts de virus, détaille toujours le directeur du pôle matériel végétal à l'IFV. La technique est efficace pour éliminer les virus responsables du court-noué et de l'enroulement. Nous essayons de voir si cet assainissement est également efficace sur les virus secondaires comme les cannelures… »

L'argent issu de la redevance sert également à financer un nouveau programme de recherche sur le traitement à l'eau chaude des plants qui consiste à plonger les plants dans de l'eau à 50°C pendant 45 minutes. Il permet d'éliminer le phytoplasme responsable de la flavescence dorée. Dans certains cas, il provoque des problèmes de reprise des plants.

« Nous testons donc d'autres couples durée température qui seraient moins éprouvants pour la vigne mais tout aussi efficaces. Nous menons également des tests de sélectivité du traitement, ajoute Pascal Bloy. Nous voulons savoir si les plants mis au frigo le supportent moins bien que les plants de l'année et s'il vaut mieux traiter les boutures de greffons et de porte-greffe que les plants greffés. Enfin, nous travaillons sur l'impact du délai entre le traitement et la plantation. »

Ce programme a déjà montré que les problèmes de reprise ne seraient pas dus à une déshydratation des plants. D'autres résultats devraient être disponibles début 2012. Nul doute qu'ils sont très attendus par la profession.

Un test de détection des Agrobacterium utilisable en routine

D'autres recherches portent sur la bactérie Agrobacterium vitis, responsable des broussins. Cette maladie provoque la formation de tumeurs sur le tronc des ceps de vignes. « Agrobacterium peut poser quelques problèmes à l'export, notamment en Bulgarie ou en Roumanie, rapporte Pascal Bloy. Là-bas, les hivers peuvent être très froids, donc très favorables au développement des broussins. Ces pays demandent donc davantages de garanties. Nous travaillons ainsi à la mise au point d'un test de détection de la bactérie qui pourrait être effectué en routine, avant l'expédition des plants. »

L'IFV travaille également sur la détection des virus par RT PCR. Cette technique pourrait permettre d'identifier toutes les viroses en un seul test. Elle pourrait à terme se substituer aux tests Elisa. Mais il faut alléger la phase de préparation des échantillons, actuellement très lourde.

L'Institut poursuit aussi ses recherches sur le dépérissement de la syrah. Pascal Bloy précise : « Nous avons développé des marqueurs génétiques précoces qui permettraient de détecter ce dysfonctionnement dès les premières étapes de la sélection clonale. Nous avons aussi développé un test qui permet de voir très tôt après le greffage si le clone est sensible au dépérissement. Ce test consiste à réaliser une coupe des tissus au niveau du point de greffe. S'il y a des symptômes précurseurs de crevasses, le clone est sensible au dépérissement. Par les tests génétiques, nous avons sélectionné trois clones, a priori non dépérissants. Reste à confirmer cela par le test histologique, avant de proposer ces nouveaux clones sur le marché. » D'autres clones sont en cours d'étude.

Enfin, l'argent collecté via la marque Entav-Inra finance un programme de lutte contre le court-noué. Les recherches portent sur l'efficacité de plantes nématicides : luzerne, avoine, trèfle, tagète… L'idée est de les implanter dans les parcelles qui viennent d'être arrachées et de les maintenir jusqu'à la plantation d'une nouvelle vigne greffée sur le porte-greffe Némadex AB qui est tolérant au nématode vecteur de la maladie. « L'action cumulée du Némadex AB et des plantes nématicides devraient donner des résultats supérieurs à ceux obtenus avec la désinfection des sols », se réjouit Pascal Bloy. Mais il faudra encore patienter quelques années avant d'avoir des résultats concrets.

Des pépiniéristes mènent leurs propres travaux

Avec leurs fonds privés, certains pépiniéristes mènent leurs propres travaux de recherche. Les pépinières Mercier ont par exemple développé le « Clean Process » pour produire des plants plus sains vis-à-vis des champignons responsables des maladies du bois. La commercialisation de ces plants démarre dès cette année. De leur côté, les pépinières Guillaume ont planché sur Vigorhize, un plant inoculé avec des Trichoderma, des champignons antagonistes de ceux responsables des maladies du bois. Elles comparent également la greffe oméga et la greffe en fente pour voir si celle-ci permet de limiter les maladies du bois. Enfin, elles cherchent des clones plus résistants au botrytis ou mieux adaptés au réchauffement climatique.

Baisse des effectifs et concentration des entreprises

Évolution du nombre de pépiniéristes depuis 1980

Évolution du nombre de pépiniéristes depuis 1980

La pépinière viticole regroupe d'une part les producteurs de plants et, d'autre part, les multiplicateurs qui ne produisent que des greffons et/ou des porte-greffe. La plupart sont également viticulteurs. Comme dans toutes les filières, à côté des entreprises importantes ayant une renommée nationale et internationale coexistent des structures plus modestes. « 20 % des pépiniéristes fournissent 80 % de la production », rappelle Gilbert Jenny, le président de la FFPV.

En fait, les pépiniéristes se répartissent en trois groupes. Il y a d'abord les pépiniéristes nationaux, également exportateurs, qui peuvent produire jusqu'à 10 millions de plants par an. Puis les pépiniéristes régionaux avec des productions tournant entre 500 000 et 2,5 millions de plants.

Enfin, citons les petits pépiniéristes. Leur activité principale est la viticulture, mais ils continuent de produire des plants par tradition et parce qu'ils ont une clientèle. « Leur avenir est incertain », reconnaît Gilbert Jenny.

Ces dernières décennies, le nombre de pépiniéristes a considérablement diminué. D'après les chiffres de FranceAgriMer, les effectifs de producteurs de plants sont passés de 3 061 en 1980 et à 619 en 2010. « Les entreprises se sont concentrées et le métier s'est spécialisé. Des services comme la plantation manuelle ou à la machine se sont ajoutés à notre métier. L'offre en clone s'est multipliée. Cette situation n'était pas gérable pour les petits pépiniéristes », conclut Gilbert Jenny.

Cet article fait partie du dossier PAGES SPÉCIALES PÉPINIÈRES

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