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VIGNE

La certification environnementale doit faire ses preuves

Marine Balue - La vigne - n°235 - octobre 2011 - page 38

Des exploitations viticoles ont testé la certification environnementale. L'intérêt semble limité pour les vignerons bios et raisonnés. Mais le dispositif n'en est qu'à ses débuts.
L'ENHERBEMENT des vignes est un des indicateurs du volet « stratégie phyto ». Il permet à une exploitation de gagner des points pour obtenir la certification Haute valeur environnementale. © C. WATIER

L'ENHERBEMENT des vignes est un des indicateurs du volet « stratégie phyto ». Il permet à une exploitation de gagner des points pour obtenir la certification Haute valeur environnementale. © C. WATIER

CONFUSION SEXUELLE. En tant que méthode alternative à la lutte chimique, elle est valorisée dans la certification environnementale. © C. THIRIET

CONFUSION SEXUELLE. En tant que méthode alternative à la lutte chimique, elle est valorisée dans la certification environnementale. © C. THIRIET

Depuis le 22 juin 2011, les exploitations agricoles peuvent s'engager dans la certification environnementale. Né du Grenelle de l'environnement en 2009, ce dispositif vise à « accompagner les agriculteurs sur la voie du développement durable ». Plusieurs viticulteurs l'ont expérimenté avant sa mise en place officielle. Les organismes qui les ont suivis nous donnent leurs impressions.

AUDE : Un dispositif moins exigeant que Terra Vitis

La chambre d'agriculture de l'Aude a suivi cinq exploitations viticoles qui ont testé le dispositif. Deux d'entre elles sont en viticulture raisonnée. Elles ont souligné que des points importants de leur cahier des charges Terra Vitis sont absents de cette nouvelle certification, comme l'obligation de pratiquer des analyses de sol ou de gérer les abords de l'exploitation. « Cette certification est moins exigeante que la viticulture raisonnée, note Sandra Bennamane, chargée du dossier. Dommage, c'est un petit retour en arrière. » Toutefois, un point lui paraît positif : l'obligation de résultat. Pour obtenir le niveau III (HVE), la performance de l'exploitation est évaluée selon des indicateurs précis. Ce n'est pas le cas en agriculture raisonnée.

Sandra Bennamane remarque aussi que les viticulteurs ont jugé le dispositif d'évaluation des exploitations plus adapté aux grandes cultures. « Les critères du référentiel ne conviennent pas toujours. L'enherbement n'est pas généralisé en zone méditerranéenne et l'irrigation n'est pas toujours pratiquée en viticulture. Les viticulteurs ne gagnent donc pas de points sur ces indicateurs », rapporte-t-elle.

Autre question : comment sera valorisé le certificat HVE ? Personne ne peut répondre, faute de savoir ce qu'attendent le négoce et les distributeurs. De plus, aucune aide n'est prévue pour ceux qui souhaitent s'engager. « Nous attendons plus de précisions sur l'encadrement du dispositif avant d'inciter les viticulteurs à se lancer. » Or, les organismes certificateurs ne sont pas encore désignés. La mise en route de la certification est prévue pour fin 2011, d'après le ministère de l'Agriculture.

PROVENCE : Pas d'intérêt pour les bios

Le Civam bio de Provence et l'entreprise de diagnostic environnemental en ligne Solagro ont testé le dispositif sur plusieurs exploitations agricoles, dont une en viticulture. « C'est la première fois qu'une certification environnementale est inscrite au code rural, c'est un premier pas », reconnaît Didier Jammes, chargé de commission Bio Provence. Mais les conditions imposées pour obtenir le niveau III ne sont pas toujours à la hauteur. Pour obtenir ce niveau, il faut placer 10 % de SAU en infrastructure agroécologique. Didier Jammes estime que beaucoup d'exploitations dépassent trop facilement ce seuil. « Le calcul n'est pas fait sur la surface réelle des infrastructures agroécologiques, explique-t-il. Il ne prend en compte que le potentiel d'accueil de biodiversité. Un petit bosquet suffit à dépasser largement le seuil. »

Même chose avec l'indicateur de dépendance aux intrants dont le poids économique doit représenter moins de 50 % du chiffre d'affaires. Aux yeux de Didier Jammes, ce pourcentage dépend trop des prix du marché, de la valorisation des vins, de la taille de l'exploitation, du fait qu'elles sont en caves particulière ou coopérative… et pas assez des pratiques viticoles.

Finalement, le domaine viticole suivi, qui est en bio depuis longtemps, a obtenu très facilement le niveau HVE. « Cette certification ne lui apportera rien », conclut Didier Jammes. Pour lui, comme aucune valorisation, aide ou crédit d'impôts ne sont prévus pour la mention HVE, celle-ci n'a aucun intérêt pour les bios qui vendent déjà bien leurs vins.

Enfin, il s'interroge : « Est-ce vraiment honnête envers le consommateur de donner une certification environnementale à des exploitations en niveau I ou II, très peu exigeants ? »

BORDEAUX : L'enherbement valorisé

Début 2010, quatre exploitations viticoles girondines se sont prêtées à l'expérience. Que ce soit en choisissant l'option A ou l'option B (voir encadré), trois d'entre elles ont atteint le niveau III. « L'option B ne rend pas vraiment compte de la performance environnementale de l'exploitation, mais plutôt économique », juge Yann Montmartin, de la chambre d'agriculture de la Gironde. Dans l'option A, certains indicateurs ne sont pas adaptés à la viticulture comme la gestion de l'irrigation et de la fertilisation azotée.

« Mais le niveau III A sanctionne des efforts qui ne l'étaient pas jusqu'à présent, comme l'enherbement ou la réduction des doses de phytos », poursuit le conseiller.

Quant au niveau II, la région a déjà mis en place une certification très similaire : l'Area (Agriculture respectueuse de l'environnement aquitain). Le conseil régional accorde des aides pour s'y engager, ce qui devrait inciter beaucoup de viticulteurs à l'obtenir. Les exploitations certifiées Area devraient pouvoir obtenir automatiquement le niveau II. Pour Yann Montmartin, cette démarche est aussi un bon moyen de motiver ceux qui ne sont pas encore engagés en viticulture raisonnée ou bio à faire un pas.

Le décret n° 2011-694 qui définit la certification environnementale est paru au JO du 22 juin 2011 et la Commission nationale de certification environnementale sera installée en octobre.

Quels sont les niveaux d'exigence de cette certification ?

Cette certification se base sur quatre axes : maintien de la biodiversité sur l'exploitation, adaptation de la stratégie phytosanitaire à la cible visée, gestion de la fertilisation et des ressources en eau.

Elle comporte trois niveaux.

Niveau I : l'exploitation doit montrer, via un bilan vérifié par un organisme de conseil habilité, qu'elle respecte la conditionnalité des aides Pac.

Niveau II : l'exploitation doit respecter seize exigences dont celles de disposer d'outils d'aide à la décision et d'estimer les quantités d'effluents produits.

Niveau III : le plus exigeant, il donne droit à la mention Haute valeur environnementale ou HVE.

Il comporte une obligation de résultats et l'exploitation doit atteindre des seuils de performance fixés par deux options au choix. L'option A comprend quatre indicateurs composites qui doivent chacun atteindre la note de 10. Ainsi, des points sont attribués si plusieurs espèces végétales sont cultivées, si un pourcentage de la SAU n'est pas traité, etc.

L'option B nécessite de remplir deux indicateurs : 10 % de la SAU doivent être placés en infrastructures agroécologiques et le poids financier des intrants dans le chiffre d'affaires doit être inférieur à 50 %.

Chaque certification est obtenue pour trois ans.

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