L'automne dernier, Hervé Roman a apporté 300 kg/ha de kiésérite (sulfate de magnésium) sur sa parcelle de côtes-du-rhône villages, à Laudun, dans le Gard. Objectif : rééquilibrer la teneur en magnésie du sol. L'ordonnance lui avait été remise par Bernard Genevet, conseiller viticole à la chambre d'agriculture du Gard.
Depuis 1999, ce dernier suit un réseau d'une cinquantaine de parcelles appartenant à des adhérents des Vignerons de Laudun Chusclan. « Nous produisons le côtes-du-rhône villages Laudun filière qualité du groupe Carrefour, expose Hervé Roman, à la tête d'une exploitation de 20 hectares de vignes. Le cahier des charges de ce vin exige la mise en place d'un plan de fumure raisonnée. »
Consigne du distributeur : plus d'épandage d'engrais les yeux fermés, préservation de l'environnement oblige. Les vignerons l'ont d'abord appliquée aux parcelles de côtes-du-rhône villages. Ils l'ont ensuite étendue aux parcelles en côtes-du-rhône et en IGP. « Nous pilotons les apports d'engrais en fonction des besoins de la plante », indique Hervé Roman.
À Chusclan, Bernard Labeaume rééquilibre régulièrement la teneur en potasse de ses sols avec du chlorure de potassium. « Elle varie du simple au double suivant les parcelles, observe-t-il. Le déficit est notable dans les sols argilo-calcaires. »
La chambre d'agriculture du Gard suit son vignoble de 32 hectares depuis 1997. De mai à mi-août, les techniciens visitent son exploitation une fois par semaine. « Ils l'ont divisée en trois zones représentatives des différents terroirs du vignoble, argilo-calcaire, sableux et limoneux, où sont plantés de la syrah, du grenache, du carignan et du grenache blanc », précise le coopérateur.
Potassium et magnésium se libèrent lentement
À l'intérieur de ces secteurs, ils observent la végétation pour repérer les carences éventuelles en minéraux. À la véraison, ils réalisent des prélèvements de pétioles pour compléter ce diagnostic. « Nous prélevons entre 40 à 50 pétioles par secteur pour pratiquer des analyses », rapporte Bernard Genevet. Le potassium et le magnésium sont regardés à la loupe.
La lecture des résultats oriente le conseil de fertilisation. Fin octobre début novembre, le conseiller remet un tableau au coopérateur indiquant les doses à apporter sur chacune des parcelles. Puis les deux coopérateurs effectuent leurs apports au sol, à la volée ou en enfouissant les granulés d'engrais dans le sol. Ils les réalisent dès l'automne, car le potassium et le magnésium se libèrent lentement dans le sol. Il faut trois à six mois avant qu'ils soient disponibles pour les plantes. « C'est aussi une saison où la charge de travail est peu importante », estime Hervé Roman.
Deux ou trois ans pour qu'une correction produise son effet
Bernard Genevet leur recommande de gérer potassium et magnésium de concert. « L'excès de l'un, le plus souvent de potassium, bloque l'assimilation de l'autre », explique-t-il. S'ils sont normalement présents dans le sol, il conseille une fertilisation d'entretien avec 40 à 60 unités de potasse (K2O) et de 0 à 25 unités de magnésie (MgO). « Dans les situations de carence, le viticulteur peut doubler, voire tripler ces doses », souligne le responsable technique. Les corrections peuvent aller jusqu'à 360 unités de potasse et 125 unités de magnésie.
Après avoir corrigé une carence, François Bérud, responsable technique à la chambre d'agriculture du Vaucluse, préconise de revenir à une fertilisation d'entretien l'année suivante, même si l'effet voulu n'est pas encore atteint. Car le potassium comme le magnésium migrent lentement dans le sol. Ce faisant, une correction met souvent deux à trois ans avant de produire son effet.
Joël Ortiz, conseiller viticole à la chambre d'agriculture de Gironde, suit une trentaine d'exploitations. Lui aussi les incite à intervenir immédiatement après les vendanges : « À la récolte, la vigne exporte les éléments minéraux. La réalimenter prévient les déséquilibres. »
Les amendements avec des produits organiques (humus, fumier, sarments broyés…) ont sa préférence. Mais quand la vigne présente des carences manifestes, les viticulteurs procèdent à des apports ciblés des éléments minéraux manquants, toujours en automne. « Nous décelons les carences au cours des visites dans les exploitations en mai, quand les carences s'expriment. Si nécessaire, nous pratiquons des analyses foliaires en juillet », ajoute le conseiller.
L'analyse de terre en septembre
Joël Ortiz est aussi partisan des analyses de terre. « L'idéal est de les prévoir en septembre », poursuit-il. Le prélèvement s'effectue à 20-30 cm de pro fondeur. « Magnésium, potassium et phosphore peuvent être présents dans le sol, mais pas assimilés, enchaîne-t-il. Souvent, ces problèmes proviennent d'un déséquilibre du pH des sols », lequel se corrige en apportant régulièrement de la chaux. Le diagnostic foliaire, moins répandu, est conseillé pour compléter ces analyses.
Fin octobre, une note sur la fertilisation de la vigne dans le Midi
Huit chambres d'agriculture du Sud-Est (Ardèche, Aude, Bouches-du-Rhône, Drôme, Gard, Hérault, Var et Vaucluse) ont constitué un réseau d'analyses foliaires qui réalise plus de 550 analyses chaque année. À l'automne, elles présentent les résultats de ces analyses aux viticulteurs et leur donnent leurs recommandations de fumure portant sur les doses et les types d'engrais à apporter.
Ces conseils sont synthétisés dans la note interrégionale Rhône-Méditerranée de fertilisation de la vigne, téléchargeable sur le site de l'Aredvi (Association régionale d'expérimentation et de développement vitivinicoles, www.aredvi.asso.fr). La note 2011-2012 sera mise en ligne fin octobre. Celle de 2010 constatait « des teneurs faibles en potassium, correctes en magnésium et bonnes en phosphore ». Cette année, les observations de terrain laissent penser qu'il n'a pas été de même. « Ça a été une année atypique où le feuillage a laissé apparaître beaucoup de symptômes de carences magnésiennes », souligne un technicien. Les réunions des prochaines semaines feront le point sur ce sujet.
Azote, c'est aussi le moment d'y penser
Après les vendanges, Bernard Labeaume, viticulteur sur 32 hectares à Chusclan (Gard), reçoit les techniciens de la chambre d'agriculture sur son exploitation. Ils évaluent ensemble l'alimentation azotée des vignes. Cette fois, ni prélèvement, ni analyse.
Les techniciens relèvent les rendements de chaque parcelle et observent la vigueur des vignes en allant sur le terrain. Ils en déduisent leurs préconisations de fertilisation azotée pour la prochaine saison. Le plus souvent, seules quelques parcelles ont besoin d'azote.
« J'en apporte dans les vignes jeunes destinées à produire des rosés et dont les rendements doivent atteindre 60 à 70 hl/ha, précise-t-il. Dans les vignes de côtes-du-rhône villages Laudun, où les rendements sont fixés à 40 hl/ha, je réduis les apports au minimum dans les parcelles vigoureuses. J'agis aussi avec l'enherbement. » Il effectue ces apports en mars et avril.