JÉRÔME CORSIN a rejoint un groupe de neuf viticulteurs avec lesquels il observe ses vignes. En fin de campagne, ils font un bilan pour voir si le programme phytosanitaire qu'ils ont appliqué a été efficace ou pas. © PHOTOS G. BARIOZ
COMPTAGE DU NOMBRE DE GRAPPES PAR CEP. Cette opération, associée à la pesée d'un échantillon de grappes, permet d'estimer le rendement.
TEST À LA SAUMURE. Il consiste à découper un échantillon de trente grappes, puis à les plonger dans un bac contenant une solution salée. Si des vers de la grappe sont présents, ils remontent à la surface. Il suffit alors de les compter. © CHAMBRE D'AGRICULTURE DU RHÔNE
TEST À LA SAUMURE. Il consiste à découper un échantillon de trente grappes, puis à les plonger dans un bac contenant une solution salée. Si des vers de la grappe sont présents, ils remontent à la surface. Il suffit alors de les compter. © CHAMBRE D'AGRICULTURE DU RHÔNE
En Beaujolais, des viticulteurs se sont réunis en groupes de lutte raisonnée. Ensemble, ils visitent leurs parcelles à cinq reprises durant l'année. Lors de la dernière de ces visites, ils dressent le bilan de la campagne.
En 1998, Jérôme Corsin, viticulteur à Jullié (Rhône), a rejoint l'un de ces groupes composé de neuf viticulteurs. Il a apporté la parcelle la plus sensible de son domaine au réseau d'observation. Pour lui et ses confrères, le bilan de la campagne 2011 est intervenu le 17 août.
Ce jour-là, Jean-Henri Soumireu, le responsable technique de la chambre d'agriculture du Rhône, accompagne le groupe de viticulteurs. Avant de partir dans les vignes, ils lancent un test à la saumure qui consiste à jeter des grappes dans un bac d'eau très salée afin d'en déloger les vers pour les dénombrer.
Puis les viticulteurs et leur conseiller se rendent sur le terrain. Dans chaque parcelle de leur réseau d'observation, ils comptent le nombre de grappes sur cinquante ceps et les pèsent pour estimer le rendement. Sur ces mêmes ceps, ils observent également le feuillage et les grappes afin de déceler des attaques de botrytis, de mildiou, d'oïdium, de black rot ou de pourriture acide. Ils notent à chaque fois la fréquence (pourcentage de grappes présentant des symptômes) et l'intensité (pourcentage de baies attaquées par grappe) des maladies.
Pas de carences, ni de maladies
Chez Jérôme Corsin, les résultats sont satisfaisants. Il n'y a ni carence, ni mildiou, oïdium ou black-rot sur sa parcelle, alors qu'elle est sensible. Pourtant, il a peu traité : seulement deux antimildious, quatre antioïdium et un antibotrytis. De plus, il a sous-dosé les deux premiers traitements, réduisant de 40 % la dose du premier (un antimildiou seul) et de 30 % celle du second (antimildiou + antioïdium). Le bilan ne révèle qu'un peu de pourriture (15 % en fréquence et 0,2 % en intensité). « Nous avons eu une année atypique en terme de climat, avec un début de saison très sec. Puis les fortes pluies de juillet ont provoqué l'éclatement de certains grains, ce qui a favorisé l'apparition du champignon », explique Jérôme Corsin. Pour lui, ce bilan confirme une année très calme du point de vue phytosanitaire. Les parcelles des autres membres sont également très saines, sauf une qui souffre d'une petite attaque d'oïdium (25 % en fréquence et 1,35 % en intensité) et une autre qui présente des dégâts de botrytis (25 % en fréquence et 5 % en intensité). Le mildiou mosaïque altère le feuillage ça et là, mais aucune attaque de mildiou sur grappe n'a été détectée. Ces symptômes se sont développés suite aux conditions climatiques de fin juillet début août. Ils ne devraient pas avoir de conséquences qualitatives sur la récolte. Cependant, une discussion s'en gage à ce sujet. Tous s'accordent à dire que, pour éviter le mildiou mosaïque, il aurait fallu positionner un traitement en début de véraison, bien que le temps ait été très sec à cette période. C'est ce qu'a fait Jérôme Corsin, convaincu que, même en cas de faible pression de mildiou, deux traitements restent obligatoires, l'un à la floraison et l'autre en début de véraison.
Réduire les phytos tout en restant protégé
Quant au test à la saumure, il est tout aussi satisfaisant pour Jérôme Corsin : aucun vers de la grappe n'est remonté à la surface de son bac, alors qu'il n'a appliqué aucun insecticide sur ses vignes. C'est encore une conséquence de la sécheresse, déjà visible lors de la précédente visite où aucun œuf n'avait été découvert.
Pour finir, les vignerons relèvent les résultats des observations dans un document commun. « Passer une demi-journée à échanger nos expériences n'est que positif. Certains diront qu'ils n'ont pas le temps de le faire, mais moi, ça me fait beaucoup avancer. J'ai appris de mes erreurs et de celles des autres. Avec ce suivi, on sait ce qui ne fonctionne pas. »
Pour notre viticulteur, l'utilisation raisonnée des traitements phytosanitaires est une préoccupation majeure. Il a pu réduire les doses de produits phytosanitaires tout en maintenant une protection de qualité. « L'objectif de ces groupes est aussi bien l'observation des vignes que les échanges entre vignerons. Comme chacun a une stratégie de traitement différente, le bilan de campagne permet de voir l'utilité de chaque traitement et l'efficacité des doses utilisées. C'est également rassurant de voir ce qui se passe dans les parcelles voisines. On se sent moins seul. »
Le Point de vue de
Jean-Henri Soumireu, conseiller à la chambre d'agriculture du Rhône
« Des résultats intéressants à partager »
« Le bilan de fin de campagne a été mis en place dans le cadre des groupes de protection raisonnée.
L'objectif est de voir si les préconisations faites et les conseils de réduction de dose et de nombre de traitements donnés par les techniciens permettent d'obtenir une qualité optimale de raisin. Lors de ce bilan, un test à la saumure est réalisé sur une trentaine de grappes pour mettre en évidence la présence de vers de la grappe. Nous effectuons également une analyse visuelle des feuilles pour les différentes maladies.
Nous faisons ensuite des recommandations en fonction des résultats obtenus. Ces bilans nous permettent de voir si les viticulteurs qui ont pris un risque supplémentaire en diminuant ou en supprimant un traitement obtiennent une qualité de raisin identique aux autres. Il est ensuite intéressant de partager ces résultats, notamment avec des viticulteurs qui restent frileux quant à la réduction des traitements. »