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VIN

En tournée dans les caves avec un acheteur

Michèle Trévoux - La vigne - n°235 - octobre 2011 - page 56

Iain Mundson, œnologue chez Jeanjean, suit les vinifications chez ses fournisseurs pour s'assurer d'obtenir les vins que demandent ses clients. Nous l'avons accompagné.
DÉGUSTATION. Bastien Thibult (à gauche), maître de chai de la cave du Pouget, dans l'Hérault, fait goûter un échantillon de vin rouge à Iain Mundson, œnologue responsable export au service des achats de la maison Jeanjean. © M. TRÉVOUX

DÉGUSTATION. Bastien Thibult (à gauche), maître de chai de la cave du Pouget, dans l'Hérault, fait goûter un échantillon de vin rouge à Iain Mundson, œnologue responsable export au service des achats de la maison Jeanjean. © M. TRÉVOUX

« Son gros défaut, c'est qu'il est anglais », plaisante Bastien Thibult, maître de chai de la cave du Pouget, dans l'Hérault, en accueillant Iain Mundson, œnologue responsable export au service des achats de la maison Jeanjean. Alors qu'une file de tracteurs encombre l'arrivée aux quais de la cave, l'ambiance reste détendue entre l'équipe du Pouget et l'acheteur.

Une à deux fois par semaine depuis le début des vendanges, Iain fait la tournée d'une dizaine de caves partenaires dans le Gard et l'Hérault pour déguster les vins et moûts en fermentation et s'assurer qu'ils correspondent à sa demande. « La Vigne » l'accompagne ce mardi 13 septembre à la cave de Saint-Bauzille-de-la-Sylve (l'Hérault), puis à celle du village voisin du Pouget. « Chaque année, nous rencontrons nos partenaires en début d'été pour fixer le volume de nos réservations et définir les produits », explique Iain Mundson. Une fois la feuille de route tracée, il reste à adapter les vinifications au millésime.

Relations de confiance

« Tous les cahiers des charges établis par les metteurs en marché sont plus ou moins les mêmes. Ce n'est pas le plus important. Ce qui compte, c'est leur mise en application. Il faut voir comment les gens travaillent dans les caves et leur proposer des règles simples à mettre en œuvre », argumente le très pragmatique Britannique. Ses interventions démarrent à la vigne pour les achats de raisins. En revanche, pour les vins qu'il réserve, il n'intervient qu'à partir de l'arrivée des raisins en cave. « Toutes les coopératives avec lesquelles nous travaillons ont mis en place leur sélection parcellaire, indique l'œnologue. Elles connaissent beaucoup mieux leur parcellaire que moi et savent très précisément quelles parcelles de sauvignon produiront le plus de thiols, par exemple. Ce qui est important, c'est de pouvoir s'appuyer sur un directeur de cave capable d'imposer ses dates de vendanges. »

En poste depuis six ans, Iain a établi des relations de confiance avec ses partenaires. « Au début, je passais tous les jours, maintenant, je ne passe qu'une à deux fois par semaine, car les caves savent ce que je veux. »

Client historique

La confiance permet également la transparence entre les deux parties. « Quand il y a un problème, c'est mieux d'être informé au plus tôt pour que nous puissions trouver ensemble des solutions, certifie-t-il. La semaine dernière, une de mes caves m'a averti qu'elle n'avait pas pu ajouter les copeaux sur une cuve en début de fermentation comme nous l'avions prévu. Nous avons alors choisi de sélectionner une autre cuve. Je préfère ça plutôt que de découvrir a posteriori que les copeaux ont été introduits tardivement. »

À la cave de Saint-Bauzille-de-la-Sylve, Iain Mundson passe en revue toutes les cuves pré vues pour lui : « Je sélectionne les blancs en dégustant les jus. Je choisis les rouges quand les vins sont secs. » Nicolas Brun, l'œnologue de la cave, lui a préparé neuf merlots, dont cinq qu'il pressent adaptés à la demande de Jeanjean. Sur les cinq que retient Iain, trois font partie de la présélection de Nicolas Brun. « Cette année, du fait des rendements, les merlots sont moins concentrés, avec des teneurs en acide malique plus élevées. Il y a un joli fruit, ce qui est le plus important pour nos marchés. Pour renforcer la structure, nous allons réaliser un essai de tanisage sur une cuve à hauteur de 10 g/hl avec une micro-oxygénation de 30 ml/l et par mois », prescrit Iain à l'issue de la dégustation. « C'est une contrainte, confie Didier Gabaudan, le directeur de la coopérative de Saint-Bauzille-de-la-Sylve. Nous savons ce que veut le client et c'est un challenge chaque année pour ne pas le décevoir. Mais au final, on s'y retrouve, car nos vins sont plus faciles à vendre. » La cave est d'ailleurs une adepte du partenariat, puisqu'elle a démarré dès 1987 avec Skalli. Jeanjean est également un client historique avec lequel elle est liée depuis vingt ans. Il est aujourd'hui son premier client.

Au Pouget, Bastien Thibult apprécie d'avoir un interlocuteur souple et ouvert au dialogue : « Iain sait ce qu'il veut. C'est appréciable d'être guidé sur les produits. On sait où on va. » La cave est d'ailleurs suivie par les metteurs en marché pour 40 à 50 % des volumes. Pour le reste, grâce à ses équipements (macération préfermentaire à chaud, cuve Ganimede, pressoir Inertis…), elle a la capacité de moduler sa production en fonction du millésime et du marché.

« Un échange de savoir-faire »

« Le partenariat technique avec le négoce est constructif, estime Patrick Labri, le directeur de la cave du Pouget. C'est un échange de savoir-faire. Mais il faut avoir des interlocuteurs sérieux. Il y en a que je ne veux plus voir dans la cave. » L'échange fonctionne d'ailleurs dans les deux sens : grâce à l'équipe du Pouget, Iain Mundson utilise maintenant la levure CHP sur chardonnay, car elle donne des arômes très intéressants d'ananas frais.

« Nous envoyons des œnologues, pas des gendarmes, affirme Gilles Gally, le directeur des achats chez Jeanjean. Nous avons un objectif qualitatif. Chaque millésime étant différent, il faut s'y adapter chaque année. Nous travaillons dans un esprit d'échange. La collaboration s'arrête avec les caves qui ne veulent pas suivre, ce qui n'empêche pas qu'on continue à leur acheter du vin. »

De nouveaux essais chaque année

Chaque année, Iain Mundson met en place des essais pour tester de nouvelles pratiques ou de nouvelles levures. Cette année, les essais sur sauvignon portent sur la température de fermentation.

À Saint-Bauzille-de-la-Sylve et au Pouget (Hérault), un même lot de jus débourbés a été réparti en deux cuves : l'une est vinifiée à 15°C, dans l'autre la température monte à 19°C. L'objectif est de vérifier si une température plus élevée favorise l'expression des thiols. Une autre expérimentation est menée en partenariat avec Lallemand qui souhaite tester une nouvelle levure développant des arômes fermentaires. L'essai est mené sur des grenaches blancs. Un même lot de jus a été divisé en deux cuves, l'une ensemencée avec cette nouvelle levure, l'autre avec la levure K1 qui développe également des arômes fermentaires et qui sert de témoin à l'essai. Ce dernier est suivi par Lallemand qui est venu faire des prélèvements pour vérifier la bonne implantation de la levure. Tous ces tests font ensuite l'objet de dégustations triangulaires avec des consommateurs pour vérifier s'ils perçoivent des différences.

Cinq œnologues pour suivre 150 000 hl

Filiale languedocienne du groupe Advini, la maison Jeanjean achète chaque année 700 000 hl de vins et 30 000 hl de raisins qui sont vinifiés sur trois sites : le domaine de la Chevalière à Béziers (Hérault), le Pive près d'Aigues-Mortes (Gard) et Vino-Tec à Autignac (Hérault).

Pendant les vinifications, le service des achats suit 150 000 des 700 000 hl achetés annuellement. Cinq œnologues sont dédiés à ce suivi dans les caves partenaires, quatre autres s'occupent des vinifications sur les trois sites où sont traités les achats de raisins.

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