Retour

imprimer l'article Imprimer

Magazine - Histoire

Nicolas Appert La pasteurisation avant l'heure

Florence Bal - La vigne - n°235 - octobre 2011 - page 87

Pionnier de la conservation des aliments, il a mis au point le procédé de chauffage des vins en vue de leur conservation et de leur transport soixante ans avant Louis Pasteur.

C'est un humaniste qui est resté dans l'ombre de l'Histoire. Les marins lui disent merci. Les vignerons aussi. Car si Nicolas Appert, génial inventeur de la conserve et de l'appertisation, n'avait pas existé, Louis Pasteur n'aurait sans doute jamais fait ses découvertes déterminantes sur l'œnologie.

Nicolas Appert naît le 17 novembre 1749 à Châlons-en-Champagne, dans la Marne. Ses parents sont aubergistes et c'est aux métiers de cuisinier et de confiseur qu'il s'intéresse. En 1784, il ouvre à Paris une confiserie. Après la révolution, il met au point sa fameuse méthode de conservation des aliments frais ou cuisinés en les stérilisant par la chaleur dans des contenants hermétiques, méthode aujourd'hui appelée l'appertisation. Ce procédé ne dénature pas les denrées comme les pratiques d'alors : la conservation dans le sel, le sucre, la graisse ou l'alcool, la dessication ou la fermentation.

En 1810, il publie tous ses secrets dans un livre

À Massy, dans l'Essonne, il crée en 1802 la première fabrique de conserves du monde. En 1810, à la demande du gouvernement, il publie « L'art de conserver pendant plusieurs années, dans toute leur fraîcheur et avec toutes leurs propriétés naturelles, toutes les substances animales ou végétales ». Ce faisant, il laisse sa méthode tomber dans le domaine public contre une prime de 12 000 francs. Il livre alors tous ses secrets et explique dans les moindres détails comment « soumettre les substances enfermées dans des vases ou bouteilles à l'action de l'eau bouillante d'un bain-marie selon un temps déterminé en fonction de leur nature ». Il insiste sur le soin à apporter au « parfait bouchage », à ses yeux la clef du succès.

Ainsi, pour la conservation des liquides, il accorde une extrême importance à la qualité des bouchons et des bouteilles. Ces dernières sont en verre, car c'est « la matière la plus imperméable à l'air » et « la privation d'air est de la plus grande importance ». Elles sont champenoises, car le verre est plus épais et résiste mieux à la pression. Il en fait élargir le goulot et rince bien les bouteilles à l'avance. Il conseille de ne pas économiser sur le prix des bouchons et de « les choisir dans le liège le plus fin, d'une longueur de 18 à 20 lignes ».

Grâce à son invention, fruits et légumes mais aussi bouillons, petits pois apprêtés au gras ou au maigre, pots au feu, moût de raisins et vins peuvent être consommés plusieurs mois après leur cueillette ou préparation.

En 1815, la guerre provoque la destruction de sa conserverie. Mais il persévère et expérimente avec succès le chauffage du lait, du vin et de la bière. C'est la pasteurisation avant l'heure. En 1831, il publie la dernière édition de son ouvrage où figurent notamment ses résultats sur le chauffage des vins, obtenus dès 1808. « Personne n'ignore que les vins de France ne peuvent supporter les voyages de mer, écrit-il. Animé du noble désir d'être utile à mon pays, (…) je mis des bouteilles de vins de Beaune qu'on m'avait confiées dans le bain-marie dont je n'élevai la chaleur que jusqu'à 70­degrés, dans la crainte d'altérer la couleur. »

Il confie ensuite ces bouteilles à divers capitaines de navires partant au long court, notamment à Saint- Domingue. Au retour des bouteilles, deux ans plus tard, il les déguste en comparaison avec des flacons des mêmes vins qu'il n'avait pas chauffés et qui n'avaient pas voyagé. « La supériorité du vin revenu de Saint-Domingue était infinie, estime-t-il. Rien n'égalait sa finesse, son bouquet, la délicatesse de son goût. »

Un procédé simple et infaillible pour conserver les vins

A ses yeux, la preuve est faite « qu'on pourrait exporter nos vins fins aux extrémités les plus reculées du globe » mais aussi les acheminer « en France, où il existe tant de caves dans lesquelles nos meilleurs vins ne se peuvent conserver. (…) Espérons donc que ce procédé si simple sera bientôt généralement adopté, et que son infaillibilité jointe au peu de frais qu'il occasionne, engagera beaucoup de propriétaires à en tenter l'essai. »

C'est sa dernière contribution. Il a ainsi posé sans les expliquer les jalons des découvertes à venir. Nicolas Appert meurt le 1er juin 1841 à Massy, à l'âge de 91 ans. Il termine sa vie dans la misère et est inhumé dans la fosse commune.

Un an plus tôt, Alfred Vergnette de Lamotte, propriétaire bourguignon, chercheur et polytechnicien, avait repris avec succès ses recherches et résultats avant de publier en 1850 un mémoire détaillé de ses propres préconisations sur la conservation des vins par chauffage.

Grâce à ces deux hommes, Louis Pasteur sera en mesure d'expliquer, quelques années plus tard, la fermentation alcoolique.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

SOURCES

« L'art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales ou végétales », par Nicolas Appert, 1810.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :